Pascal Giorgetti – l’intelligence artificielle corse qui veut rester libre
Depuis Bastia, Pascal Giorgetti a créé Yiaho, une plateforme d’intelligence artificielle 100% gratuite, illimitée et ouverte à tous. Une réussite discrète mais spectaculaire, qui positionne la Corse sur la carte mondiale de l’innovation numérique. Une aventure née d’un retour au pays.

Par Anne-Catherine Mendez
À 36 ans, Pascal Giorgetti incarne cette nouvelle génération d’entrepreneurs corses : connectés, audacieux et profondément attachés à leur île. Né à Bastia, il a étudié à Nice et deux ans à Corte, avant de passer dix années à Paris, où il a notamment travaillé chez Concentrix. « J’aimais la capitale pour son côté « ville-musée », bien plus que pour le shopping. Je faisais mon footing aux Tuileries à 7 h du matin, mes bureaux étaient face au Louvre et j’habitais à 100 mètres de l’Opéra », sourit-il. Mais la crise du Covid provoque un bouleversement. « En une semaine, j’ai rompu avec ma compagne, rendu mon appartement et quitté mon emploi. Direction Bastia, hébergé chez des amis. Je suis reparti de zéro. »
De la création d’affiches corses à l’intelligence artificielle
De ce retour aux sources naît Ci Simu, sa première société : une marque d’affiches et de posters corses aujourd’hui classée 2ᵉ en France sur Trustpilot, avec une trentaine de points de vente sur l’île et le continent. « Ci Simu, c’était mon ancrage local. Mais je voulais aller plus loin, créer quelque chose d’universel, une innovation née d’ici mais pensée pour le monde entier. » C’est ainsi qu’en 2022, il fonde Yiaho (Your Intelligence And Human Opening), une plateforme d’intelligence artificielle au fonctionnement unique : gratuite, illimitée et anonyme. « Je voulais concevoir une IA sans contraintes d’utilisation, sans collecte de données, et surtout, respectueuse de la vie privée. »
Une IA libre, pratique et humaine
Yiaho se distingue par une approche claire : des assistants IA spécialisés selon les besoins – aide administrative, juridique, business, création de contenu ou encore loisirs, avec la section « Yiaho Fun ». « Contrairement à d’autres plateformes, Yiaho ne se limite pas à un seul modèle. Chaque IA est calibrée pour répondre précisément à un type de besoin », explique son créateur. Le tout repose sur un modèle publicitaire, sans abonnement payant, garantissant une gratuité totale pour les utilisateurs. « Beaucoup d’acteurs ont basculé vers des formules premium. Nous, nous avons choisi la gratuité comme principe fondateur. »
Une success story made in Bastia
Le pari est gagnant. En un peu plus de deux ans, Yiaho est devenue l’une des IA les plus utilisées en France, avec plus de cinq millions d’utilisateurs uniques recensés au premier semestre 2025. Sur Google, la plateforme apparaît dans les premiers résultats pour les requêtes « IA gratuite » ou « intelligence artificielle ». Cette visibilité s’accompagne d’une reconnaissance prestigieuse. OpenAI, la société à l’origine de ChatGPT, a décerné à Yiaho un award pour avoir franchi le cap des 10 milliards de tokens utilisés, une distinction attribuée à seulement 141 entreprises dans le monde. « Recevoir cet award, c’est un clin d’œil amusant, confie Pascal Giorgetti. On est une petite structure bastiaise, et on se retrouve cités aux côtés de McKinsey ou Shopify. Nous allons d’ailleurs en recevoir un 2e pour avoir franchi le cap des 100 milliards.»
Quand les Français dialoguent avec leur IA
Yiaho ne se contente pas de fournir un service performant : la plateforme analyse les tendances d’usage pour mieux comprendre la relation que les Français entretiennent avec l’intelligence artificielle. Une étude menée à partir de millions d’échanges anonymisés a révélé une évolution frappante : « Au départ, les gens utilisaient Yiaho pour rédiger un mail ou reformuler un texte. Aujourd’hui, ils s’adressent à l’IA comme à un interlocuteur de confiance. Certains lui parlent même comme à un ami », note-t-il. Cette relation nouvelle, parfois affective, pose de véritables questions éthiques. « C’est fascinant, mais il faut rester vigilant. L’IA doit rester un outil, pas une béquille émotionnelle. »
La Corse, terre tech en devenir
Installé à Bastia, Pascal Giorgetti gère aujourd’hui ses entreprises en digital nomad, tout en restant très attaché à sa famille et à son village. « Je pourrais travailler de n’importe où, mais je reste ici. Psychologiquement, c’est rassurant de savoir qu’on peut partir, mais encore plus fort de choisir de rester. » Pour lui, la tech pourrait devenir un pilier économique majeur en Corse, au-delà du tourisme. « Le numérique échappe totalement aux contraintes de l’insularité. Il ne nécessite pas de transport, n’abîme pas nos infrastructures et ne crée pas de sentiment de dépossession. C’est une activité propre, exportatrice, et à haute valeur ajoutée. » Il milite pour une révolution de la formation : « Il faut apprendre aux jeunes à penser mondial dès le premier jour, à lever toutes les barrières psychologiques et territoriales. Ce qu’on apprend aujourd’hui sera obsolète demain. L’essentiel, c’est d’apprendre à s’auto-former, à rester curieux et résilients. » Et de marteler : « Il ne faut pas adapter son idée au marché local, mais penser grand dès le départ. Concevoir pour le monde entier, puis ajuster au territoire. Faire l’inverse, c’est réduire son projet avant même qu’il existe. »
Le futur : Yiaho à l’échelle mondiale
Pascal Giorgetti prépare aujourd’hui la duplication du modèle Yiaho à une échelle supranationale. « Dans les mois à venir, les utilisateurs voudront des IA agentiques – des assistants personnels autonomes – totalement gratuits ou freemium, anonymes, cryptés, personnalisables et ultra-fonctionnels. Nous travaillons déjà sur cette prochaine étape. » Entre innovation technologique, attachement insulaire et vision globale, Pascal Giorgetti incarne une nouvelle génération d’entrepreneurs corses qui prouvent qu’on peut penser mondial depuis Bastia. Libre, lucide et ambitieux, il trace une voie singulière : celle d’une intelligence artificielle à visage humain, née en Corse, mais tournée vers le monde.
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