On se lève tous pour Murtoli 

Un vent de révolte anima un récent rassemblement à Figari. Sur le domaine viticole de Jean-Baptiste de Peretti, quelque trois cents personnes venues de toute l’île se muèrent en ardents défenseurs de la famille Canarelli. Et en incidence adoubèrent le modèle touristique qu’elle créa à Murtoli. Exemple probant d’un essor économique partagé, non prédateur, respectueux des sites et en symbiose avec l’élevage ou l’agriculture. 

Par Jean Poletti 

Réquisitoire sévère. Dénonciation du parti pris de certains médias nationaux. Et en filigrane le sentiment exprimé que ces griefs, presque ritualisés, aux atours de persécution, transcendent un cas particulier pour entacher l’ensemble des secteurs d’activité insulaires. Peuvent-ils éclore et s’épanouir sans une collaboration mutuelle dont Murtoli est un exemple probant ? La réponse des participants à ce rendez-vous de la riposte ne souffre nul atermoiement. 

Nicolas Stromboni, qui en fut à l’origine, flétrit sans ambages les accusations excessives, dont l’argumentaire procédural est fréquemment enserré dans le procès d’intention. Voilà la dualité qui alimenta une intervention de ce sommelier réputé, qui porte chevillé au cœur l’amour de son île et aspire à son développement harmonieux. Sans verser dans le panégyrique, il dresse un portrait de Paul Canarelli qui au fil du temps édifia une « offre touristique inspirante ». Celle qui, soucieuse d’un héritage pastoral, tourna résolument le dos à l’accueil de vacanciers voulant comme le dit la formule « bronzer idiots ». Dans cette enclave ceinturée par le parfum du passé et les abris de bergers, il sut rendre attractif le particularisme de naguère, en l’adaptant aux prestations que prise une clientèle aisée. Elle séjourne au cœur d’une nature volontairement protégée. Riche d’authentiques activités agro-pastorales qui ne sont pas, tant s’en faut, de simples cartes postales. 

Le bon grain et l’ivraie

L’intervenant, originaire de la Vallée de l’Ortolo, ne manqua pas de saluer cette réalisation originale qui puise dans l’estru Corsu. Cette façon d’être aux antipodes d’une vision trop répandue qui importe des modèles « standardisés, pensés ailleurs, inadaptés, sans identité ni quintessence. » Voulant sans conteste séparer le bon grain de l’ivraie, Nicolas Stromboni établit notamment une césure entre des associations soucieuses d’environnement, habitées de déontologie, et celle qui se mue en accusatrice patentée, adepte d’un intégrisme vert aux indignations sélectives. Oui, dit-il en péroraison, la Corse est au milieu du gué. Mais ouvrir un chemin implique d’éradiquer les antagonismes. Cesser d’opposer tourisme, agriculture et écologie. Une trilogie complémentaire ayant droit de cité à Murtoli, pourtant sacrifié sur l’autel d’une médiatisation négative, manichéenne et outrancière. Et d’appeler de ses vœux à un débat sociétal sur le futur collectif de la Corse.

Maraîchage, élevage bovin et ovin, oliveraie, viticulture, circuits courts. Voilà l’autre visage de l’entreprise Canarelli. Des activités que relate Jean-Baptiste de Peretti avec des accents forgés dans la sincérité et l’amitié. Il ajoute, quelque peu courroucé, que certains continuent de s’acharner sur cette famille au point de vouloir détruire un outil de travail initié par des initiateurs soucieux de pérenniser l’activité dans le rural. 

Union sacrée 

Le temps est venu, dit-il, de briser cette spirale de folle surenchère, qui risque de frapper aveuglément ceux qui entreprennent, fusse sans l’esquisse de l’ombre de se muer en spéculateurs. « Les gens qui travaillent, qui font la promotion de l’île par-delà ses frontières, méritent d’être soutenus et vivre sereinement de leur labeur. »

Inutile d’insister plus que de raison, orateurs et participants* étaient unis au-delà de leurs différences professionnelles ou politiques. Tous étaient traversés par l’intime conviction qu’un coup d’arrêt devait être donné à ce climat ambiant de suspicion qui pèse sur Murtoli. Une mise au pilori, fut-il martelé, dont nul désormais n’est à l’abri. 

Le mot de la fin revint à César Filippi. Lui aussi fidèle à son habitude bannit l’euphémisme. Murtoli ? Un bon exemple d’un tourisme maîtrisé aux couleurs de la Corse. Celui qui ouvre un chemin bénéfique entre la mono-économie et l’image de la baléarisation. Un trait d’union entre le possible et le souhaitable. En ce lieu pas d’immeubles, nulle concentration saisonnière. « Mais derrière la fausse image abondamment véhiculée, des bergeries qui menaçaient ruines, réhabilitées avec en corollaire des filières d’élevage et de cultures dans un site gagné sur le maquis. Et l’emploi de quelque deux cents salariés. »

Modèle d’avenir

Celui qui porte aussi les couleurs régionales du Groupement de l’Hôtellerie et de la restauration française verrait d’un bon œil cet exemple se multiplier. Comment ? D’abord en corrigeant le sacro-saint Padduc. Murtoli précurseur ? Voilà qui ferait assurément des vacances forcées à l’aréopage qui s’échine à la vilipender !

Pour Santa Canarelli, nul doute n’est de mise « Parmi les nombreuses valeurs que nous inculqua notre père, il y a la détermination. Nous ne lâcherons jamais ! »

*Parmi les participants venus des quatre coins de l’île, on notait la présence de représentants de la société civile, responsables syndicaux, chefs d’entreprise. Parmi les élus, Jean-Christophe Angelini, Camille de Rocca Serra, Jean-Marc Serra. Le monde agricole étant représenté par Joseph Colombani, président de la Chambre d’agriculture de Haute-Corse et Jean-Marc Venturi, ancien président régional de cette structure. 

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