Municipales, vous avez dit sanction, par Vincent de Bernardi

Vous avez dit vote sanction ?

Le vote sanction aux élections municipales est prédit, redouté, attendu. Comme à chaque élection intermédiaire, c’est le même scénario qui se joue dans les semaines qui précédent.  Annoncé par les sondeurs, analysé par les politologues, espéré par les partis d’opposition, redouté par le pouvoir en place, le vote sanction est une vedette électorale. Une vedette dont l’exposition médiatique est aussi éphémère qu’intense et souvent mal comprise.

La prédiction est la plus intéressante de ses attributs.  Elle est surtout la grande favorite des media qui commandent à tour de bras des enquêtes qui révèlent ce que l’on sait déjà. Et que les analystes démolissent en rappelant, et c’est important, que les sondages ne sont pas fait pour prédire l’avenir.   Mais certains affinent leurs dispositifs pour chercher au plus profond des intentions des électeurs.  Seuls 4 %  des Français disent qu’ils voteront en mars pour « soutenir » François Hollande alors qu’ils étaient 16 % à vouloir le faire, en 2008, pour Nicolas Sarkozy. La comparaison des courbes, de popularité des deux présidents au même stade de leur mandat explique largement cet écart. Ce n’est qu’un constat factuel. Parallèlement 70 % des sondés ont l’intention de se déterminer par rapport à des enjeux locaux,  réponse classique à une réponse pour le moins orientée et qui explique simplement que les Français ne mélangent pas les choses.  Mais dès lors qu’on les interroge, ils livrent la réalité de leurs préoccupations au premier rang desquels figurent à égalité la fiscalité et la sécurité.  Deux thèmes qui soulignent une droitisation de l’électorat. Les sympathisants de gauche contestent l’efficacité du Gouvernement sur ces deux sujets majeurs sur lesquels globalement les Français  prêtent davantage de crédit à la droite qu’à la gauche. Et c’est sur un ras le bol et une inquiétude que des maires PS pourraient perdre leurs sièges. Les cafouillages fiscaux à répétition et la « non inversion » de la courbe des cambriolages associée à un sentiment d’insécurité  qui prospère jusque dans les petites villes laissent redouter le pire pour de nombreux élus pourtant bien implantés. Et la volonté du PS de municipaliser le vote n’y fera vraisemblablement rien.  Devenu un parti d’élus locaux (certains auraient dit un parti de notables), après 10 ans de victoires, le PS a structuré son ancrage en investissant des places fortes. Elle tient 7 des 10 premières villes du pays, 25 villes de plus de 100 000 habitants contre 12 pour la droite et après 30 ans de décentralisation a conforté sa présence dans tous les territoires.  Le socialisme municipal est devenu un marqueur et une bannière politique à défendre. Pas facile dans le contexte d’aujourd’hui. Plus qu’une défense de la politique gouvernementale, le PS est donc entièrement mobilisé pour préserver un terrain conquis patiemment, méthodiquement années après année. Depuis son arrivée au pouvoir,  il a perdu toutes les élections partielles. Avec les municipales des 23 et 30 mars, c’est une séquence de trois élections intermédiaires (européennes, régionales et départementales) qui s’ouvrent et met en péril la suprématie socialiste. La dénationalisation du scrutin n’est plus que le seul rempart d’une gauche bousculée par l’absence de changement visible, par le tournant social-démocrate.

La nature de la sanction s’exprimera surtout dans l’interprétation qui sera faite au soir du second tour et sur des matchs emblématiques  dans les grandes métropoles et dans les quelques victoires ou résistances surmédiatisées. C’est tout l’art de gérer une défaite annoncée !  Alors qu’elle appelait à voter en fonction de préoccupations locales, elle n’hésitera pas une seconde à récupérer nationalement les succès et les conquêtes engrangées. De l’autre côté, la droite fera le compte des villes gagnées, de celles conservées et au besoin parlera de vague bleue pour témoigner qu’une lame de fond traverse le pays et que ce n’est pas prêt de s’arrêter.

Pourtant, la sanction ne sera pas là.  La vraie sanction sera dans le taux l’abstention, si difficile à évaluer par les sondeurs. Si certains redoutent une faible mobilisation de son propre camp, si d’autres, assez naturellement l’espère, ce serait au détriment de la politique et de la démocratie. Il faudra alors que chacun s’interroge sur la capacité des élus à représenter réellement les citoyens, à apporter les bonnes réponses à leurs préoccupations ; sur ce que les électeurs attendent de ceux qui s’engagent en politique y compris de ceux qui prônent une offre alternative. 

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