MONDIALISATION ET SOUVERAINETÉ

UN EXEMPLE POUR LA CORSE

Dès lors que l’on utilise Internet, le contenu passe par une ou plusieurs fibres optiques nichées dans un câble sous-marin. Suivant le site spécialisé TeleGeography, il y en avait plus de 450 en 2021 (https://submarine-cable-map-2021.telegeography.com/). 

Par Emmanuelle de Gentili

Ils sillonnent le fond de tous les océans, de toutes les mers et tous les détroits. Les hubs (points de départ et d’arrivée des câbles afin d’assurer une plus longue connexion) bordent les côtes de tous les continents.

La Corse est ainsi reliée au continent par CC5 (Ajaccio depuis La Seyne) et CC4 (L’Île-Rousse depuis Cannes), CC signifiant « Continent Corse ». En 2023, Ajaccio et Bastia seront connectés par le câble « Medloop » qui part de Barcelone et va à Gênes via Marseille.

Quatre stars du Net sont les acteurs principaux de cette expansion : Apple, Amazon, Facebook, Google et Microsoft communément appelés les GAFAM. Ils entrent en concurrence avec les opérateurs télécoms jusqu’ici majoritairement présents sur ce marché (Orange, Vodafone, Telefonica et autres). Leur puissance financière leur permet de construire leurs propres câbles afin de maîtriser la totalité de ce marché : contenu véhiculé, contenant (câbles) et centres de données. 

Ils fournissent d’ailleurs près des 66% du flux d’information qui passe dans ces câbles. Près de 20% le sont par des fournisseurs d’accès à Internet et une minorité par la recherche et des entreprises privées autres. C’est dire leur puissance. 

Pouvoir supranational

En possédant leurs propres câbles, ils gèrent au mieux le trafic entre leurs centres de données, répartis sur la planète et maîtrisent les échanges et le prix du flux d’information diffusée. 

Leur poids leur donne ainsi un pouvoir supranational. Ironie de l’histoire c’est le président Trump qui met fin à leur expansion vers l’Extrême-Orient en interdisant pour une question de sécurité nationale l’installation d’une liaison avec la Chine. Ceci montre que lorsque la souveraineté s’affirme la course au profit est régulée !

L’Europe a lancé, elle aussi, son projet de Global Gateway ou portail mondial, pour financer des investissements dans le numérique mais elle y a rajouté la santé, le climat, les secteurs de l’énergie, des transports, l’éducation et la recherche dans les pays où les valeurs démocratiques sont respectées. Résultat : seuls 10 milliards d’€ ont été investis alors que le plan en prévoit 300, en raison notamment de la grande diversité des domaines d’intervention et de la possible évaporation des fonds dans des projets non maîtrisés.

Ces développements permettent de faire un parallèle avec la Corse. Elle a récemment posé un « câble de liaison commercial exclusif » avec le continent, Marseille servant de hub fournisseur de produits, car les centrales d’achats de nos principaux distributeurs y sont implantées.

Achats en Sardaigne

Certes la continuité territoriale est un dispositif qui relie les îles avec leurs États. 

Mais une négociation avec Bruxelles aurait pu être entamée depuis qu’une vision régionaliste de la politique s’est imposée dans l’île en 2015, afin de permettre à un éventuel entrepreneur de négocier des échanges de fret avec Livourne ou Gênes. Les produits y sont moins chers qu’en France et les Italiens du Nord disposent des mêmes commodités quotidiennes que les Français. 

Les Corses ne s’y trompent pas d’ailleurs pas, en allant faire leurs courses en gros en Sardaigne, que ce soit pour les produits alimentaires ou ceux nécessaires au bâtiment.

C’est ce qui me permet de tracer un parallèle, toutes proportions gardées, entre la domination de géants du Net sur les échanges numériques, avec le modus operandi que permet la DSP. 

La quête du moindre prix

Les USA ont montré que l’exercice de la souveraineté politique a permis de réguler les échanges numériques avec l’Extrême-Orient. Une négociation avec l’UE aurait peut-être permis d’adapter les produits présents sur le marché de l’île avec les faibles ressources dont disposent ceux qui y vivent, en recherchant un point d’approvisionnement moins cher. 

Alors pourquoi ne pas y songer pour la prochaine DSP, en associant à la réflexion tous les acteurs économiques de l’île. 

Schéma de répartition du flux d’échanges numériques entre producteurs d’informations

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