MAINTIEN À DOMICILE – MISSIA : l’IA au service des seniors
Véritable enjeu de société, le maintien à domicile des seniors est la raison d’être de Missia. Une solution innovante pour les personnes âgées qui s’appuie sur de nombreuses ressources dont l’intelligence artificielle. Pour autant, pas question ici de compliquer la vie des usagers, bien au contraire. Le dispositif se veut discret, autonome et respectueux de la vie privée.
Par Caroline Ettori
D’ici 2027, selon le ministère des Solidarités, le nombre de personnes âgées dépendantes devrait atteindre 3 millions et 4 millions en 2050. Les besoins d’aide et d’accompagnement à domicile augmenteraient ainsi de 20% à horizon 10 ans et de 60% d’ici 30 ans. Des données qui donnent à réfléchir sur comment gérer au mieux cette nouvelle étape de l’existence autant pour les personnes concernées que pour leurs proches et les professionnels de santé qui les entourent. Par ailleurs, ce que ces chiffres ne traduisent pas, c’est l’attachement de ces personnes à leur mode de vie. Continuer de vivre à son domicile à la suite d’un événement handicapant, d’une maladie, d’une perte d’autonomie ou simplement à un âge très avancé est régulièrement plébiscité dans les différentes études menées sur le sujet. Comment imaginer renoncer à ses habitudes, son confort, ses souvenirs ?
Répondre à un besoin
C’est dans ce cadre que s’inscrit Missia. Initiée par Sébastien Gilabert, ingénieur de formation, docteur diplômé de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), la start-up se situe au carrefour de son parcours académique, de ses rencontres mais aussi d’expériences plus personnelles. « Durant mes études, j’ai réalisé que la technologie pouvait être utilisée pour aider. Ce n’était plus seulement de la théorie mais une application très concrète pouvait changer les choses. » Une prise de conscience accélérée par une demande émanant de sa famille. « Un jour, mon beau-père a retrouvé sa mère par terre. Elle était tombée à 8 heures du matin et n’avait pas pu ou voulu alerter ses proches. Et dans ce cas, les visites quotidiennes n’ont rien changé. Une chute accidentelle peut toujours arriver. Mon beau-père m’a alors demandé d’imaginer une solution. Cet épisode m’a fait comprendre que ce que je faisais en laboratoire devait avoir du sens. J’ai vraiment beaucoup insisté pour développer ce système qui avait du mal à convaincre. Personne n’y croyait vraiment au début. » C’est peut-être à cela qu’on reconnaît, après coup, les bonnes idées.
Du laboratoire au salon
Spécialiste de la vision par ordinateur, une branche de l’intelligence artificielle, Sébastien a voulu utiliser cet outil dans le domaine de la santé. Ses différentes recherches menées notamment au sein de l’Institut Claude Pompidou dans le cadre de la détection de la maladie d’Alzheimer grâce à l’intelligence artificielle ont un peu plus forgé sa conviction que la technologie était un levier de l’autonomie.
Manger, boire, dormir, se coiffer, se brosser les dents, ranger les courses… Actuellement, le dispositif Missia détecte près d’une centaine d’actions du quotidien qui permet d’évaluer l’état d’autonomie de la personne. « Au-delà des gestes et comportements basiques, nous avons dû nous poser la question de savoir ce que cette technologie était capable de reconnaître. Le projet a pu bénéficier de partenariats solides qui ont nourri le dispositif. » L’INRIA, le DAC Corsica Via Salute, le Gérontopôle de Corse l’ont enrichi tout comme l’accompagnement de cabinets de conseils avec des médecins gériatres.
« Beaucoup de personnes âgées ne veulent pas déranger leur entourage, elles ont souvent honte de leur perte d’autonomie et refusent d’appeler à l’aide. En même temps, il peut y avoir un vrai rejet de la technologie pour de nombreuses raisons. Il nous fallait donc une solution invisible et utile, sans jamais empiéter sur la vie privée. »
Un dispositif intelligent et respectueux
Contrairement à d’autres dispositifs, Missia est non intrusif. Il repose sur des capteurs utilisant la vision par ordinateur pour relever les actions du quotidien. L’appareil s’installe dans un coin de la pièce, sans interaction nécessaire avec la personne. Il observe les routines, détecte les anomalies. « Nous pouvons analyser les événements et les habitudes : plus de raideur, moins de vitesse de marche, la personne boit de moins en moins… Ces informations sont envoyées aux proches et aux professionnels de santé que nous appelons le cercle de bienveillance. » Quand un problème est détecté, la réponse est immédiate et adaptée. Cela peut aller de la simple notification accompagnée d’une recommandation à l’appel des secours et des proches par l’intermédiaire d’une plateforme spécialisée. De plus, un rapport journalier est envoyé par email aux proches et professionnels de santé. Bien sûr, rien ne se fait sans l’accord de la personne âgée. C’est elle qui autorise son entourage à recevoir les données sur son état de santé. Sébastien Gilabert insiste sur ce point essentiel : « Tout est sécurisé avec respect des normes et lois en vigueur relatives à la santé, à l’IA et à la vie privée. Nous sommes accompagnés par la CNIL sur ce point. Car oui, pour que l’intelligence artificielle soit efficace, elle doit recueillir un maximum de données mais en respectant scrupuleusement les garde-fous. Notre technologie dépasse l’œil humain, avec une précision de plus de 90%. Mais jamais au détriment de la vie privée. D’ailleurs, aucune vidéo, aucune image n’est conservée. »
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