Lire, écouter, voir…« Plon-Plon, un Bonaparte rouge et or »

Par Karine Casalta

Ajaccio, Palais Fesch-musée des Beaux-Arts jusqu’au 2 octobre 2023 

Après l’exposition consacrée à la princesse Mathilde en 2019, le Palais Fesch-musée des Beaux-Arts d’Ajaccio rend hommage à une autre personnalité majeure du monde des arts sous le Second Empire, le prince Napoléon, que la postérité a retenu sous le sobriquet infantile de « Plon-Plon », et qui fut sans doute le Bonaparte le plus vilipendé de son temps. 

Fils de Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon Ier, et de sa deuxième épouse, Catherine de Wurtemberg, Napoléon-Jérôme Bonaparte a en effet été surnommé ainsi de manière moqueuse et méprisante par ses contemporains pour décrire son manque de compétence politique et sa vie mondaine. Connu pour ses extravagances et son mode de vie luxueux, qui lui a valu une certaine impopularité auprès du public français, la « légende noire » a voulu n’en faire qu’un simple agitateur au mode de vie dissolue et aux liaisons tapageuses. Cependant, c’est ignorer là sa volonté d’incarner – sans toujours y parvenir – au sein de la famille impériale et face aux réactionnaires de tous bords, un véritable idéal politique républicain et socialiste, un bonapartisme radical, fidèle aux idées de la Révolution, anti- esclavagiste et anticlérical, ayant foi dans le progrès des arts et de la science, le principe des nationalités et la liberté des peuples. 

Engagé dans l’armée française, il s’est aussi impliqué dans la politique, élu député de la Corse à plusieurs reprises.

Non sans contradictions et compromissions, le prince Napoléon usa de sa position et de l’importante dotation financière dont il disposa pour se constituer de riches collections, faire édifier des demeures, soutenir les artistes et réunir les grands esprits de son temps autour de lui, et obtenir certaines fonctions dans le système des arts, qui lui permirent d’affirmer cette figure de « prince rouge » éclairé mais aussi quelque peu rebelle face aux autres amateurs de l’époque.

En réunissant certaines des œuvres lui ayant appartenu, cette exposition, réalisée en partenariat avec le musée d’Orsay et le Napoleonmuseum d’Arenenberg, et son catalogue présentent ainsi pour la première fois la collection d’art moderne de ce prince méconnu, proche d’Ingres, amateur de Delacroix, Gérôme ou même de Courbet et Moreau. Y sont évoqués ses liens avec les artistes, les actrices, les écrivains et les intellectuels (Sand, Dumas, Proudhon, Renan, etc.), et plus largement son rôle dans la vie des institutions artistiques sous le Second Empire, notamment en tant que président de la commission pour la première Exposition universelle organisée en France en 1855.

Elle nous offre aussi de découvrir la très importante collection de memorabilia et d’œuvres de la période révolutionnaire et de l’Empire, qu’il réunit au Palais-Royal, ou l’incroyable collection d’antiques gréco-romains et égyptiens, mais aussi de peintures de Gérôme, Boulanger, Cornu, etc., de sculptures de Cavelier et de Guillaume, de porcelaines de Sèvres, de pièces d’orfèvrerie de la maison Christofle, ou encore de la très riche bibliothèque du prince, auxquels l’étonnante « villa pompéienne » qu’il fit édifier avenue Montaigne servait d’écrin.

Largement dispersées de son vivant et après sa mort, ces œuvres d’art, documents, objets, photographies, etc., sont ainsi reproduites dans le catalogue de l’exposition et réunies pour la première fois au Palais Fesch.

L’exposition, enfin, s’attache à montrer comment la curiosité intellectuelle et les idéaux saint-simoniens du prince ont trouvé à s’exprimer lors de ses très nombreuses expéditions – entreprises pour des raisons militaires, diplomatiques ou scientifiques – dans toute l’Europe, en Méditerranée et jusqu’aux États-Unis. De ces voyages – sans doute fut-il, en son temps, le Bonaparte à avoir le plus parcouru le monde – le prince rapporta récits, photographies, objets ethnographiques et échantillons naturels dont il fit don au Muséum et à d’autres institutions du savoir.

Une occasion rare de découvrir le prince Napoléon-Jérôme Bonaparte sous un autre jour. 

Au Palais Fesch-musée des Beaux-Arts d’Ajaccio jusqu’au 2 octobre 2023 

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