Par Jean Poletti
À la roulette de l’économie, la France est au tapis. Alors que les princes qui nous gouvernent s’adonnent à de puérils jeux ou lorgnent vers la présidentielle, un pays se trouve proche de la cessation de paiement. Un grand bravo à celui qui s’auréolait du titre de Mozart de la finance. En symbiose avec les hôtes successifs de Bercy, le naufrage fera date dans les annales de la République. Désormais le pays cherche des subsides sur le marché international pour payer les intérêts des emprunts. Ils sont devenus le premier poste de dépense de l’État. Bayrou désabusé, démonétisé, a montré rapidement ses limites. Il annone des constats, cherchant désespérément quelque quarante milliards qui sans réforme structurelle ne seraient que pis-aller, cautère sur jambe de bois. Et pour tout dire simple colmatage d’urgence laissant le problème en suspens. La seule piste éculée, que réfuterait tout étudiant en première année de sciences économiques, consisterait à augmenter la TVA baptisée sociale et demander à tous de se serrer la ceinture. Macron qui fut naguère omniprésent dans les affaires intérieures prend le large. Il fait de la géopolitique à la petite semaine. Aspirant vraisemblablement à être prix Nobel de la paix, il délivre bons et mauvais points. Ici, il fustige Netanyahou. Là, s’essayant à tancer Poutine, ou rabrouant Lula. Comme aurait dit Chirac « la maison brûle et il regarde ailleurs ». Ce radical changement d’attitude serait louable si ses critiques étaient audibles. Malheureusement, il prêche dans le désert, se limitant à gesticuler sur la scène internationale multipliant les admonestations inaudibles et sans lendemain. Le voici même devenu un vigile de l’écologie marine. Cela serait, là aussi, préoccupation bénéfique si en même temps, selon la formule consacrée par les « marcheurs », il ne dénonçait sous le terme de brainwashing, c’est-à-dire de lavage de cerveau, ceux qui prônent une stratégie plus sécuritaire face au délitement du pays. Des griefs qui n’épargnent nullement sa famille politique et certains membres de son gouvernement. Nulle propension de notre part à hurler avec les loups, ou crier haro sur le baudet. Mais de dire en simple citoyen que si un pays est au bord du gouffre ce n’est nullement pas fruit du hasard. Des responsabilités, diverses et variées, se conjuguèrent au fil du quinquennat écoulé et celui qui s’achève. Aucune explication pourtant. Pas l’esquisse de l’ombre d’une autocritique chez les ministres, dont la plupart sont de parfaits inconnus. Peu rompus à l’exercice. Une exception toutefois. Celle sibylline et aux lisières du surréalisme de Bruno Le Maire. Lui qui détint longtemps les cordons de la bourse se limita avant son départ de Bercy à un mystérieux « un jour vous saurez ». Roulez carrosses, passez muscades. Comme pot d’adieu, on a connu mieux. Rarement pire. Sauf à remuer le couteau dans la plaie, nous n’évoquerons pas la doxa du ruissellement. Schématiquement, il consistait à donner des subventions au monde des majors de l’entreprenariat qui en retour devait créer de l’emploi. Dans ce maelström, comme aurait dit Prosper Alfonsi, la Corse devient préoccupation accessoire. Qu’il s’agisse de problématiques institutionnelles, ou plus prosaïquement de solidarité nationale maints dossiers sont en suspens. Facteur aggravant, un palais Bourbon fracturé comme jamais depuis la surprenante initiative présidentielle de la dissolution qui célèbre son premier anniversaire. Une bataille de tranchée où les incessantes revendications factuelles ou d’envergure de nos députés peinent à trouver le nécessaire consensus. Il n’est qu’à se remémorer notamment le serpent de mer des prix du carburant, ou d’un centre hospitalier universitaire. Le reste à l’avenant. Chez nous entre violence, décrochage sociétal et économique, une communauté se dit sans repères ni avenir. Le mal est profond. Il appelle une authentique volonté politique au plus haut niveau et non la noria de ministres venant, dans une indifférence générale, compatir ou faire des promesses aux lisières de la vacuité. Oh les beaux jours, clamait Samuel Beckett. Voilà espoir étranger à la Corse. Et pendant ce temps, la vitale prise de conscience de jours aux abonnés absents. Sur les bords de la Seine, la messe semble dite. Elle s’apparente à une oraison. La Corse coûte trop chère et elle veut toujours plus. Voilà la rengaine. Objection, dit François-Xavier Ceccoli. Il réclame un audit financier. En corollaire, il demande au Premier ministre de saisir la Cour des comptes pour que soit établi un rapport circonstancié. Gilles Simeoni avait fait de même en son temps, mais sa démarche demeura lettre morte. Au-delà des éventuels jugements de valeurs, il serait opportun, une fois pour toutes, que l’opinion soit enfin éclairée. Là aussi comparaison n’est pas raison, mais sans crainte d’erreur une simple observation permet de dire que si une région est assistée, c’est bien celle d’Île-de-France. Théâtres, opéras, transports collectifs, crèches, complexes sportifs, associations bénéficient de largesses pécuniaires. N’en jetez plus, la cour est pleine. Sans elles, le prix des prestations serait nettement plus élevé. Et inaccessibles pour beaucoup. Tant mieux pour ceux qui en profitent. Mais l’actualité laisse fréquemment percer que ces aides se transforment en gabegie et que les fonds prennent de mystérieuses destinations, aux antipodes du but recherché. Sans que cela émeuve vraiment. Si un tel comparatif était effectué entre la Corse et la capitale, les surprises seraient au rendez-vous. Avec en filigrane des bénéficiaires qui sur les bords de la Seine se moquent comme d’une guigne des préceptes de la République aux atours de vivre ensemble et de laïcité. Mais cela ne se produira pas et il sera ardu de chasser des esprits que l’île n’est pas la fille ingrate de la France. Car nul n’ignore que le leitmotiv des fausses vérités s’ancre dans la mémoire comme une incontournable évidence. Qui a dit « Baccalà per Corsica » ?
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