Les deux visages de Macron

 Un premier ministre annoncé qui se désiste. Plus récemment le déplacement présidentiel, feuilleton fertile en reports et rebondissements.  S’agissant de la Corse, L’Elysée et Matignon afficheraient-ils un front commun teinté de désinvolture ?  

Par Jean Poletti

Décidemment, Emmanuel Macron donne l’impression diffuse de regarder l’ile au travers d’un prisme déformant. Lui qui lors de sa campagne portait fièrement en bandoulière le concept Girondin, devint peu ou prou Jacobin sitôt  franchies les marches de Palais.  Sa première  escale de Chef d’Etat parut dictée par une certaine vision de la Corse. Celle d’un retour au centralisme. Les présidents de l’Assemblée territoriale qualifiés d’élus locaux. Fouillés  au corps, sous le regard gaugenard de Jean-Pierre Chevènement.  Ici, plus qu’ailleurs sans doute, le symbole ne joue pas l’Arlésienne.  Mitterrand, mais aussi Sarkozy  avaient pleinement intégré cet élément irrationnel  sans lequel l’espace de dialogue se mure dans le silence.  Certes, nul ne lui déniera le droit d’afficher sa conception  insulaire.  Il en a le pouvoir et les prérogatives, nées du verdict électoral. Mais le bât blesse, et les interrogations affleurent, au regard des atermoiements qui s’apparentent à un jeu de dupe.  Car au-delà des saillies et arguties relayés par certains ministres, tout  accrédite l’idée que c’est à maints égards la coloration politique de notre collectivité qui suscite la méfiance.  D’ailleurs, contrairement à ses prédécesseurs,  Emmanuel Macron, ne daigna pas se rendre à  L’Assemblée de Corse, lors de sa venue initiale, et n’entend pas déroger à cette règle. Une sorte de jurisprudence.  Négliger le lieu qui est par essence et définition le cœur battant de la stratégie régionale suscite une certaine frustration, qui transcende  les clivages.  

Stratégie diffuse

Rencontrer les maires, voilà une excellente initiative. Eux qui furent si longtemps traités depuis les bords de la Seine de quantité négligeable.  Pour autant, quels que soient la qualité des échanges, a-t-on la certitude d’airain que la problématique insulaire  trouvera dans cette nouvelle approche l’esquisse de l’ombre d’une réponse ?  

 Plus sournoisement, bruisse dans les allées du pouvoir l’idée d’enfoncer un coin entre le leader du conseil exécutif et celui de l’Assemblée.  Et ainsi tenter de faire voler en éclats  l’union entre  autonomisme et indépendantisme. Hypothèse d’école ? Retour aux pratiques anciennes ? En employant l’euphémisme et ne pas  emprunter à la philippique, dont certains s’emparent déjà, affirmons  qu’une telle stratégie tournerait le dos aux velléités de nouveauté et de modernité tant martelés  depuis l’avènement de l’ère Macron. Mais chacun sait qu’il y a parfois loin de la coupe aux lèvres. Des promesses aux concrétisations. De la théorie à la pratique.  

En toute hypothèse, ce bras de fer qui ne dit pas son nom replonge  l’ile dans une sorte d’expectative. Tant chacun perçoit, fut-ce de manière diffuse, que désormais entre Paris et la Corse, rien n’est simple. Pas même un coup de fil !

De Rocard  Giscard

La société en quête de concorde commence à s’engoncer  dans le fatalisme, les divisions et le courroux.

Les attentes sont fortes. Certaines cruciales. En démocratie la vérité  des urnes n’est pas à géométrie variable.  Elle peut  à l’évidence trancher des enjeux d’importance inégale. Mais fouler aux pieds  tout scrutin n’étant pas national  équivaudrait à briser de fait le rêve de la décentralisation. Et amputer le printemps  des régions, dont la Corse est légitimement friande.  Tout à la fois semblable et différente, par son histoire et sa géographie, elle est, au gré des gouvernants successifs soumise à d’incessants changements de cap.   Prise entre l’enclume et le marteau. La question est immuable au fil du temps qui court. Elle peut être  schématisée par les évolutionnistes  tels   Rocard évoquant la réalité d’une question Corse. Et le positionnement de Giscard martelant : « Il n’y a pas de problème Corse, mais des problèmes en Corse. »

Danse sur une poudrière

Désormais  le temps du parler-vrai est venu.  A trop  mettre plusieurs fers au feu les brûlures reviennent. Finalement du Cap à Bonifacio personne n’est vraiment satisfait.  Dire une bonne fois pour toute sa doctrine. Effacer les quiproquos. Se monter  à la hauteur de la situation. Etre  pleinement dans sa fonction présidentielle. Celle  qui accepte les interlocuteurs désignés par le suffrage universel. Sans a-priori.  Cela n’implique nullement de mettre son drapeau dans la poche. Dire ici son accord, là ses refus.  En un mot clarifier. Car il est des attitudes  qui peuvent réveiller des vieux démons. Ils signifieraient  l’échec patent et conjugué de l’Etat et de la Corse.

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