Les couteaux de l’obscurantisme 

Edito

Par Jean Poletti

Trois ans après, le souvenir de Samuel Paty est ensanglanté par un nouveau drame. Un professeur mortellement poignardé à Arras. Des blessés. Un lycée traumatisé et au-delà une nation tétanisée. Terrible résonance, indicible sentiment de funeste répétition par les fous d’Allah. L’islamisme, sauvage déviance d’une religion, arme ici et là les bras de tueurs qui veulent que la charia supplante nos lois. Et annihilent la République. Les circonvolutions sémantiques de certains, des fumeuses explications deviennent indécentes aux yeux de la réalité couleur rouge sang. L’ambigüité savamment entretenue et distillée par telle formation dite de gauche pollue de manière récurrente la clarté de saines réactions politiques ou populaires. Dans une inversion de la sémantique, elle place bourreau et innocente victime dans une responsabilité sinon identique à maints égards similaire. Usant d’une métamorphose de doctrine, les masses laborieuses ouvrières furent progressivement abandonnées au profit du sous-prolétariat immigré dont elle tire nombre de suffrages. Au risque de perdre son âme quand dans ce marché électoraliste se dissimulent des émules du djihad se muant en porteurs de voix. Les adversaires de la démocratie le disent sans se voiler derrière les euphémismes. La France qualifiée de petit Satan implique une croisade verte, celle qui puise dans un imaginaire que fertilisent certains imams extrémistes, au mépris des règles coraniques. S’en prendre à ceux qui dispensent la connaissance en les décapitant ou en les lardant à l’arme blanche ajoute le symbole à la sauvagerie. Tuer ceux qui dans les salles de classe transmettent le savoir s’inscrit dans l’opposition frontale aux leçons puisées dans le siècle des Lumières. Celui de la rationalité, qui insuffle l’esprit critique. Et a pour noble mission de former des citoyens pétris d’humanisme. Aux antipodes avec les croyances maléfiques, que certains mettent sur un piédestal faussement cimenté de religiosité. Tel est le cœur de la cruciale équation qu’une société doit résoudre. Elle ne se satisfera pas d’incantations ou de discours convenus de ceux qui nous gouvernent. L’esquisse de la solution implique assurément de redorer le blason de la laïcité. Ne plus tergiverser sur ce concept qui fonda le vivre-ensemble. Il tient en peu de mots. Liberté des cultes dans la sphère privée, neutralité dans l’espace public. Ainsi croyants, agnostiques, libre penseurs, athées pourront coexister paisiblement et s’ouvrir au progrès collectif. La régression est patente. Qui oserait affirmer que la crainte n’assaille pas le monde enseignant ? La vérité commande à dire que dans la corporation nombreux sont déjà ceux qui s’autocensurent et évitent d’aborder l’histoire, les religions, les sciences, la biologie ou la diaspora du peuple juif. Qui pourrait leur en faire reproche ? À l’évidence, ils n’ont pas vocation à périr sur l’autel de terroristes, isolés ou agissant en groupe. Loin de nous la volonté d’accabler les autorités concernées, pourtant il convient de souligner qu’elles ne furent pas toujours à la hauteur des situations. Preuve s’il en était Samuel Paty avait alerté sa hiérarchie sur les menaces dont il faisait l’objet. On lui conseilla de changer d’itinéraire lorsqu’il rentrait chez lui, et se couvrir la tête avec une capuche pour ne pas être reconnu. Ubu roi ! Pas de vague. Faut-il aussi dire que la fratrie radicalisée de l’assassin d’Arras devait être expulsée voilà une dizaine d’années vers la Russie dont elle est originaire. La mobilisation de plusieurs associations stoppa in extremis la procédure. Et que dire du coupable, fiché S, surveillé dit-on par les services de la défense du territoire, mais qui vaquait à ses occupations car un possible « passage à l’acte » n’était pas formalisé ? Évoquer ces assauts mortifères n’équivaut pas à faire d’amalgame qui impliquerait injustement l’écrasante majorité de musulmans dont la foi se double de quiétude et de respect des normes de notre société. Dire aussi qu’en onde de choc ils sont victimes des homicides sauvages et aveugles perpétrés par d’ignobles individus issus de leurs rangs. Il n’empêche, chez nous aussi, une crainte diffuse est palpable, notamment dans le microcosme éducatif. « Cela peut arriver », dit sobrement un prof d’Ajaccio. Un avis vraisemblablement partagé par nombre de ses collègues. Les forces de polices stationnées devant les grilles d’établissements scolaires insulaires témoignent d’ailleurs de précautions que nul n’imaginait nécessaires voilà peu encore. Le ministre de l’Intérieur a mis le pays en alerte rouge. Il fait d’ailleurs un parallèle entre le drame d’Arras et l’embrasement du conflit israélo-palestinien, consécutif au pogrom du Hamas terroriste qui sema le deuil et la colère. À l’évidence il n’est pas usurpé de dire que le monde est sur un point de bascule. S’agissant de la France, il convient de ne plus se satisfaire de rituelles marches blanches, de poignantes allocutions et de dépôts de gerbes en mémoire d’innocents assassinés par ceux qui prennent des vies en hurlant Allah Akbar.

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