Par Philippe Lacombe/ Recteur de l’académie de Corse
Pendant très longtemps, aucune place n’a été réservée aux parents à l’École; les seuls adultes étaient les maîtres. La société a depuis évolué de manière considérable. La massification de l’enseignement a profondément modifié la perception du rôle de chacun, et a laissé entendre que quiconque, en fonction de ses mérites, pouvait prétendre occuper une place dans la société sans être entravé par ses origines, notamment sociales. Par ailleurs, la fameuse «perte de repères» touche désormais tous les domaines qui vont des technologies et des techniques en mutation constante, je songe notamment à la révolution numérique, à tous les nouveaux domaines de la connaissance. La structure familiale subit également des transformations profondes. Un chiffre illustre parfaitement ce propos: en Corse, près d’une famille sur quatre est monoparentale. Les clés de compréhension du monde sont beaucoup plus complexes qu’avant, et l’École ne peut plus, seule, répondre aux attentes et aux interrogations des enfants dont elle a la charge. Le monde a changé, la famille et l’École aussi.
Aujourd’hui, la présence et la participation des parents au sein de la communauté éducative est non seulement souhaitable mais absolument indispensable. Au-delà de sa mission première qui est celle de transmettre des savoirs et des connaissances, l’École joue un rôle majeur, aux côtés des familles, pour inculquer des valeurs et développer des règles de vie en société. Cette action communément appelée la coéducation doit impérativement être complémentaire et non contradictoire. Parents, familles et enseignants sont donc devenus de véritables partenaires de l’éducation des jeunes. Pour exemple, je rappelle que les enseignants contribuent notamment à l’éducation, à la santé et à la citoyenneté, à l’éducation au développement durable et au vivre-ensemble…
Valeurs et pratiques universelles
Si la dernière rentrée scolaire a été placée au niveau national sous le sceau de la sécurité, la question du vivre-ensemble restera d’une vive actualité dans les années qui viennent. Le vivre- ensemble, c’est l’acquisition des règles de la tolérance, du respect mutuel, de l’ouverture sur le monde et à autrui, de la non-violence. Contrairement à ce que certains esprits chagrins affirment parfois, ces valeurs et pratiques universelles ne s’opposent en rien à la connaissance et à la défense de son histoire, de sa langue et de sa culture, qui font la richesse et la singularité des territoires de la République.
L’École a donc besoin des parents, de tous les parents. La réussite des élèves passe d’ailleurs par cette reconnaissance mutuelle : le Maître reconnaît les parents, les parents reconnaissent le Maître. Aussi, lorsque des parents d’élèves se permettent d’agresser verbalement voire physiquement des personnels (chefs d’établissement, enseignants, CPE ou surveillants, la liste n’étant pas exhaustive), nous nous devons de réagir avec force parce que c’est tout un équilibre qui est menacé. L’Académie de Corse n’est pas épargnée, même si elle reste relativement préservée, par des intrusions intempestives, des manifestations incongrues, des violences de la part de parents mécontents.
Il s’agit là d’un très mauvais signal donné aux jeunes, souvent témoins de ces scènes inacceptables ; les critiques stériles, menaces, insultes, agressions physiques n’ont pas leur place ni dans l’école, ni à la sortie de l’école. Ces comportements vont à l’encontre des valeurs et des actions éducatives portées au quotidien dans les écoles, les collèges et les lycées, et seront donc poursuivis. Comment peut-on imaginer que des mères de famille se battent lors d’une réunion parents-professeurs ou à la sortie d’un établissement, suite à des différends mineurs ayant opposé leurs enfants ? Pour concilier exigence et bienveillance, la valeur de l’exemple revêt une vertu pédagogique fondamentale. On transmet, parent, éducateur, enseignant, aux enfants davantage ce que l’on est que ce que l’on veut qu’on soit; autrement dit bien souvent la pratique l’emporte sur la théorie.
Exigence et bienveillance
Il est évident que l’École doit garantir une place prépondérante aux parents d’élèves. De nombreux efforts ont été déployés depuis de nombreuses années pour les intéresser à la scolarité de leur progéniture (le dernier en date étant la mise en place du livret scolaire unique). Il conviendrait aussi dans cette perspective que tous les parents s’engagent un peu plus dans la vie des établissements scolaires, notamment au moment des élections où moins d’un parent sur trois participe au scrutin, en Corse comme ailleurs ; l’École seule ne pourra éduquer et pacifier la société française. L’École ne peut, dans un quartier, devenir un sanctuaire étranger ou exclu de la vie sociale ; le rôle des associations est lui aussi essentiel.
Retenons simplement que c’est ensemble, parents et enseignants, École et
familles, que nous saurons relever les défis éducatifs qui nous sont lancés. Exigence et bienveillance sont les deux piliers de toute éducation, ils peuvent être partagés et concertés.
Cela nécessite évidemment une écoute, un respect et une reconnaissance au service d’un objectif commun : la réussite de notre jeunesse entendue aux plans bien entendu scolaire, mais aussi humain, c’est à dire leur permettre de devenir des adultes épanouis.
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