Laurent Silvani : Napo et moi

Laurent Silvani est un artiste ajaccien qu’il est difficile d’enfermer dans un style ou dans un courant particulier. Il aime se définir lui-même comme créateur, peintre, sculpteur à l’univers original, très pop art, mais pas que. Son travail s’inspire de son époque et des techniques graphiques de son temps. Son Napoléon Bonaparte, dit « Napo », fait aujourd’hui partie de sa signature artistique. Le succès est au rendez-vous, au-delà du territoire insulaire tant le personnage historique s’insère avec ferveur dans notre monde contemporain.

Laurent comme tous les artistes est réservé et parle avec humilité de sa créativité, mais ses yeux brillent avec passion dès que l’on évoque le monde de l’art et les artistes qui ont accompagné son évolution artistique.

Rencontre avec le créateur de « Napo »

Par Anne-Catherine Mendez

Quel est votre parcours ?

Je suis issu, comme beaucoup d’Ajacciens, du lycée Fesch. Je suis ensuite parti à Aix-en-Provence, suivre des études d’arts plastiques, puis j’ai présenté le concours de l’école Boulle. J’ai suivi une formation de design industriel mobilier, au sein du lycée professionnel de l’école, pendant environ trois ans. Très vite je me suis à peindre, à exposer avec d’autres étudiants. J’ai rencontré Pierre Farel, qui par exemple m’a poussé à faire la foire d’art contemporain de Bastille et bien d’autres encore. Je m’exprimais enfin en tant qu’artiste, et Pierre à qui je dois beaucoup a été le chef de file de ces jeunes artistes qui partaient leurs toiles sous les bras dans le métro pour exposer leurs œuvres dans de nombreuses galeries parisiennes. Je suis rentré à Ajaccio, et je n’ai jamais cessé de produire. Mes parents m’ont toujours soutenu, mon père, qui au début était mon seul mécène, nous a toujours mon frère et moi permis de fréquenter le monde de l’art, à travers les voyages, les visites de musées, de lieux sacrés. Ma mère, qui sculpte et qui peint aussi, m’a certainement transmis ses prédispositions artistiques. J’aime à dire que je me suis forgé avec le don de ma mère et la culture de mon père.

Et depuis, votre vie en tant qu’artiste ?

Depuis mon retour, j’ai la chance d’avoir mon atelier, où je me retrouve face à moi-même, près du lycée Laetitia. Je le partage régulièrement avec d’autres artistes, peintres, photographes, plasticiens, comme par exemple Erick Larrieu, qui m’a initié au numérique, aux techniques de découpes plus modernes. Pour moi, l’échange entre artistes est important, il permet de prendre du recul dans son propre travail, de se nourrir et de nourrir le travail des autres. J’ai fait également de nombreuses expositions, festivals, salons avec un réseau de galeries qui connaissaient bien mon travail. J’ai eu beaucoup de chance, car aller toi-même démarcher les galeries, c’est plus compliqué. Mais plus tu prends de l’âge, plus tu as envie de te vendre toi-même (rire).

Enfin Napoléon ?

J’aime travailler la sculpture et le volume. Je travaille pendant longtemps une même pièce, ensuite je passe à autre chose, comme si j’en avais fait le tour. Réaliser un personnage récurrent nourrit mon obsession de la même ligne directrice. Napoléon est arrivé naturellement et pour un Ajaccien, le sujet est trop tentant. Je continue à créer d’autres œuvres, mais il prend beaucoup de place, j’ai du mal à l’enfermer dans mes cartons ! C’est une passion. Je découvre grâce à lui, le monde du volume, la recherche de la texture, le toucher. Je ne suis pas sculpteur, j’ai trop de respect pour la discipline, mais j’avais besoin de créer quelque chose que je puisse toucher. J’ai une intelligence de la main. 

Quel est le message de votre « Napo » ?

Je voulais réinventer le personnage, fidèle au message qu’il véhicule. Même si nous sommes proches du cliché, c’est néanmoins un chef, ancré dans le sol, le regard anxieux. Et paradoxalement, c’est un personnage pop ! La difficulté essentielle est de ne pas le caricaturer tout en gardant cette imagerie napoléonienne, qui s’impose quand on est ajaccien. Je vis depuis longtemps avec Internet, avec l’impression et la diffusion d’images multiples. Mais il faut nourrir ce monde avec de la nouveauté. J’essaie en tant qu’artiste pop, s’il faut me définir, de créer mes propres images et de ne pas reprendre une image, un personnage existant, déjà créé par un autre artiste.

Pourquoi vous sentez-vous pop ?

Je me sens pop car je me sers des outils de mon époque, c’est notre culture, du moins la mienne. 

Vos projets ?

Je vais poursuivre ma production. « Napo » a du monde autour de lui, Joséphine, les grognards, les chefs militaires… J’ai envie de créer une marque NAPO, également plus abordable. L’œuvre d’art reste intime, confidentielle. Pleins de personnages sont encore dans mon laboratoire d’expérimentation. Ma rencontre avec Mathieu Bertrand-Venturini et Luce Leca a été déterminante. La galerie et la boutique de produits culturels Contami, dans la rue Fesch, créées par ce couple, ont permis de donner un nouvel essor à ma carrière. Un artiste par essence ne sait pas se vendre, il a besoin de partenaires et c’est précieux de trouver ceux qui deviennent de véritables collaborateurs.

Vos échecs ?

Ce sont tous les après d’une exposition, tu ne vends jamais ce que tu veux… Un artiste est toujours un éternel insatisfait. Après le succès d’estime, il faut savoir se renouveler, rebondir. 

C’est dur la vie d’artiste, tu perds, tu prends, jusqu’à la victoire. (sourire)

Votre fierté ?

Ne pas avoir renoncé, il faut savoir accepter la notion de temps dans l’art, dans ton travail. Je pense avoir su gérer cela.

Votre devise ? 

« Les hommes de génie sont des météores destinés à brûler pour éclairer leur siècle. » Napoléon, évidemment. 

Encadré :

Contami, raconte-moi l’histoire de la Corse

Une boutique d’édition de produits culturels et de souvenirs

Quand Mathieu Bertrand-Venturini a décidé, avec sa compagne Luce Leca, de créer Contami, ils sont partis du constat que le marché du souvenir en Corse, se limitait à des flopées de boutiques accolées les unes aux autres, présentant des porte-clés, des tee-shirts ou des boules de neige similaires, fabriqués en Asie pour la plupart et vendus de façon identique dans tous les magasins insulaires. La notoriété de la Corse, selon leur analyse s’étiolait à travers une imagerie restrictive, mer, soleil, plage, associée au patrimoine naturel seulement. « Napoléon, par exemple, précise Mathieu, était très peu exploité en Corse, c’est pourtant une réelle opportunité de marché pour implanter et décliner de nouveaux produits, sur l’île mais pas que. La découverte d’autres univers notamment ceux liés à la culture, au patrimoine historique, aux événements patrimoniaux, sont autant d’éléments qu’il faut valoriser de façon originale et surtout différente. Nous avons voulu créer une boutique musée hors les murs, semblable à n’importe quelle boutique que vous trouvez à la sortie d’un espace culturel et dans lequel vous pouvez acheter un produit d’une valeur de 2 € ou de 10 000 €. »

Contami se positionne en effet sur deux marchés complémentaires, celui de la galerie d’art, et celui du produit culturel. Sa collaboration avec plusieurs artistes locaux permet au fil des saisons de construire une gamme de produits, de collections capsules autour de thématiques insulaires, entre art, patrimoine et culture. « Ce ne sont pas des produits dérivés, nous essayons de créer nos propres identifiants, des lignes qui nous soient propres, même si vous retrouvez dans la boutique le Playmobil Napoléon créé récemment, qui fait figure de produits d’appel. Nous voulons raconter l’histoire de la Corse et reconnecter notre héritage avec le monde entier. Notre collaboration intensive avec Laurent Silvani, nous permet de mettre en avant une œuvre d’art sous les traits de Napoléon à la portée universelle. Mais d’autres personnages comme Pascal Paoli sont à l’étude. En filigrane, nous voulons faire rayonner des valeurs comme la liberté, la fraternité, qui sont plus que jamais une force dans le contexte actuel et qui selon nous forgent notre identité. »

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