L’adresse calvaise

Casa Vinu by l’Ortu di Babbò

Par Laura Benedetti

À la faveur d’un voyage au cœur des terroirs insulaires, Casa Vinu réunit en un lieu éleveurs, producteurs, artisans, vignerons… et artistes en plein centre-ville de Calvi, Boulevard Wilson ; l’adresse de Jocelyne Geronimi Petrucci et de son mari, Jean-Luc se fait plurielle. À la fois, lieu de partage et de convivialité, espace vivant où l’extérieur s’habite et s’anime au gré des saisons, à l’image de leur propre production maraîchère en vente directe, le couple balanin prennent à bras le corps un modèle d’autosuffisance ouvert malgré les prises de risque lié à la fragilité actuelle du commerce de bouche et des contraintes pour déployer et ancrer la production biologique, aussi dans les esprits des gens. A Casa Vinu est plus qu’une adresse, elle est un territoire de production et de création comme il n’en reste désormais plus beaucoup.

2015 est une année phare pour Jocelyne et Jean-Luc. Marquée par la naissance de leur fille, Chilina, cette année-là est aussi animée d’une intensité particulière. Jocelyne quitte son emploi après de nombreuses années d’investissement au sein d’une boîte commerciale pour soutenir son mari qui fait alors le choix d’une autre vie professionnelle, celui de monter son propre projet agricole. Jean-Luc a cheminé auparavant, pendant 17 ans aux côtés d’AFiletta, au rythme artistique soutenu et toujours en mouvement. Il reste encore aujourd’hui une figure marquante du paysage culturel insulaire. Pour le couple, à l’écoute de la vie au fond, de ses mouvements, de ses évolutions, de ses mutations, il se meut un parcours audacieux et inspirant des mille et une façon de s’ancrer dans un art de vivre qui fait sens pour lui, où production responsable et création coexistent. « Au début, Jean-Luc travaillait avec des supermarchés (Spar, Utile, Leclerc), des restaurants (La cabane du pêcheur, L’auberge de Tesa, la Ciucciarella) puis sous forme de panier avec des particuliers. Il a voulu se diversifier, surtout pour l’hiver, et nous avons acheté un troupeau de chèvres. Il y avait donc, la traite du matin, la réalisation de fromage… ce qui finalement à gêner la partie maraîchère dans son organisation. Nous avons alors voulu ouvrir – avec l’aide de l’ODARC – un point de vente directe dans lequel on peut retrouver nos œufs, nos fromages de chèvres, nos légumes, nos fruits et parfois notre viande. »

Leur démarche s’inscrit dans une proximité avec la nature, qui plus est, oblige à mettre l’égo de côté parce qu’elle est à l’écoute d’un rythme naturel de production. Elle est à saluer car elle sincère, respectueuse de l’ordre des choses et plus intuitive dans l’investissement qu’elle engendre. Jocelyne et Jean-Luc sont convaincus qu’elle s’accompagne du désir de partager, de relier, d’établir des liens sains et durables. Ils prônent un art de vivre qui s’enrichit aussi par l’espace qui laisse libre cours aux rencontres de la vie et dont les horizons sont toujours ouverts et susceptibles d’en accueillir d’autres : « Grâce au talent de mon mari, nous avons eu l’occasion de créer des événements musicaux au sein de l’établissement sous forme de concert, d’animations et donc de rencontres. Nous sommes profondément convaincus de notre démarche, ce n’est pas un jeu. Les produits que je vends ont étés sélectionnés avec soin ; nous connaissons personnellement une très grande partie des producteurs. A défaut de légumes ou fruits que nous ne produisons pas, je me fournis – l’hiver – chez d’autres producteurs, notamment chez Pratali. Son gérant a suivi la même formation au lycée agricole que Jean-Luc, et produit en agriculture biologique. Sinon quelques produits sont en conventionnel et/ou de France pour répondre à la demande et proposer une diversité. », nous confie Jocelyne. La boutique attenante à la nôtre – Casa Vinu – n’avait plus de gérant. Nous avons donc entrepris de reprendre la partie restauration de cet établissement puis l’année suivante la boutique de cet établissement. Nous avons proposé pendant ces 3 années une cuisine d’agriculteur, c’est-à-dire, une cuisine élaborée avec nos produits ! La carte évoluait avec la saisonnalité du jardin. C’est vraiment devenu une entreprise familiale ; Jean-Luc et moi sommes aux manettes. Mon père, ma mère et mon frère nous soutiennent et participent également (livraison, stockage, bricolage en tout genre), les deux grands garçons de Jean-Luc également (restaurant) et notre fille qui se plaît à jouer à la marchande. »

« On dit parfois qu’on écrit des histoires pour en maîtriser la fin. Peut-être qu’on les écrit pour en découvrir le début. » Claire Marin

S’ils ont finalement fait le choix de cesser l’activité du restaurant, le travail sur l’exploitation et la boutique Casa Vinu réussissent, toutefois, à rassembler ce qui leur tient à cœur depuis le début, le choix du terroir, de sa qualité écologique, raisonnable et raisonnée. L’épicerie corse met en exergue un panel de ses richesses : « Hormis notre production, on y trouve des confitures maison, des huiles d’olive, du miel, des terrines, des gâteaux, des confiseries … Et bien sûr du vin ! Comme son nom l’indique Casa Vinu a été conçue pour être une cave à vin. » Le luxe réside dans leur démarche menée avec soin, détermination et audace ; par une force qui les anime vivement, celle de ne pas dénaturer l’essentiel de ce qui nous fait : un peuple fait de terre, d’eau, d’air … et des autres. Un art de vivre et de penser qui nous invite à revenir à l’essentiel de ce qu’on est.

15, Bd Wilson, Calvi

@casavinubylortudibabbo

Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.