Jean Nicoli réveille-toi !

Par Jean Poletti

Un détail de l’histoire ? Pétain assombrit les commémorations du charnier que fut la grande guerre. Au-delà des philippiques l’intelligentsia nationale versa une fois encore dans la querelle…d’Allemand. Fallait-il honorer un homme improprement baptisé le sauveur de Verdun, et occulter sa funeste poignée avec Hitler à Montoir deux décennies après ? Collaboration effrénée, déportations massives, République décapitée. Voilà le lourd passif, que la fuite du temps ne peut occulter. Célébrer un maréchal ? Mais frappé d’indignité nationale il en avait perdu le titre. Hommage à l’Hôtel des Invalides ? Mais il n’y repose pas. Cette tentative, à tout le moins ambiguë, de réhabilitation éclipse les véritables héros, ces poilus, cernés par l’enfer et la mort dans les tranchées du malheur.

L’inconscient collectif insulaire vibre encore du courage de ces régiments Corses, tel le 173ème d’infanterie. Les monuments aux Morts de nos villes et villages, gravés de onze mille noms, indiquent mieux que longues digressions le trop lourd tribut que laissa l’ile exsangue. Et le macabre titre de région la plus meurtrie de France. Ceux qui revinrent traduisaient avec des mots simples, pétris de sincérité, l’attitude des chefs insensibles et incompétents. Attaques suicidaires, des centaines de morts pour quelques mètres de terrain. Perdus le lendemain. L’assaut frontal fauché par la mitraille. Le Chemin des Dames, le fort de Douaumont, L’Argonne et maints autres théâtres d’opération qui saignèrent à blanc les premières lignes, ou faut-il le rappeler figuraient ceux qui furent baptisés « I Zitelli ». Et lors de rares confidences devant la cheminée, nul n’entendit ces survivants vanter les qualités militaires ou humaines de Pétain. Lui aussi mit du cœur à l’ouvrage en fusillant, pour l’exemple, ceux qui refusaient des ordres assassins.

L’ile revit sa moustache et son képi avec l’invasion Nazie. Ici la résistance et le refus. A Vichy celui qui pactisa avec le diable. Chez nous Jean Nicoli, Giusti, Mondoloni, Scamaroni et tant d’autres. Là-bas, Laval, Darnand, Papon, Bousquet et toute la clique. Ici, des juifs protégés, là-bas la rafle du vel d’hiv.

Le 8 septembre 43 la Corse se libérait et devenait le premier département français à chasser l’occupant.   Faut-il souligner que sept mois plus tard, le 26 avril 44, Pétain haranguait encore la foule parisienne et lui promettait de revenir bientôt ! Le débarquement ne lui en laissa pas le temps.

Ce simple regard croisé sur deux grands évènements évoque l’ombre portée en Corse de celui qui fut chef de guerre puis d’Etat. Nulle place ne peut lui être réservée au Panthéon nustrale du souvenir. Nous avons nos héros. Des vrais, qui n’ont nul besoin de forfaiture sémantique. Ailleurs non plus, si l’on en croit la levée de boucliers. Le passé d’un pays n’est pas figé et ne se découpe pas en tranches. Il s’abreuve au fil du temps d’évènement qui fondent la société. Et permettent un jugement lucide sur les êtres qui la composent. Pétain, qui se plaisait à dire que les français avaient la mémoire courte, vérifie de manière posthume que tel n’est pas le cas.

La faute à Macron fut sans doute d’avoir alimenté la confusion, en se fourvoyant dans le mélange de genres. Les historiens disent en chœur qu’il se trompa de registre.

A l’heure du retour de l’antisémitisme et du chant des sirènes totalitaires, chacun perçoit en incidence le mauvais signal donné par cette tentative mémorielle. Que les révisionnistes de circonstance rentrent dans le rang et cessent avec leurs arguties de salon. Le superbe chant des partisans doit pour toujours et en toute circonstance effacer les indignes accents de Maréchal nous voilà.

 

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