Jean-Charles Orsucci toujours avec Macron

« Je ne hurle pas avec les populistes »

« En politique, la fidélité vaut doctrine. » Le maire de Bonifacio ne peut que souscrire à ce propos de François Mitterrand. Lécher, lâcher, lyncher n’est pas dans ses habitudes. Lui qui est adepte du parler-clair de Rocard, dont il fut proche, flétrit en termes diplomatiques notamment des députés ou anciens ministres qui par opportunisme s’empressent de condamner celui qui les arracha de l’anonymat. Le premier magistrat de la cité des falaises connaît bien la mer. Il sait qu’en cas de vents contraires, l’équipage peut maugréer sans pour autant quitter le navire dans un sauve-qui-peut exclusivement dicté par des survies personnelles. Jean-Charles Orsucci avec sérénité et lucidité rappelle entre autres que l’hôte de l’Élysée se prononça à plusieurs reprises en faveur de l’autonomie de la Corse dont il est lui-même un fervent partisan.

Propos recueillis par Jean Poletti

Vous qui avez été dans l’île le fer de lance du mouvement En Marche, adhérez-vous toujours à la doctrine présidentielle ou émettez-vous de sérieuses réserves ?

Comme c’est le cas depuis maintenant 30 ans, les présidents en exercice sont constamment poussés vers la sortie en fin de mandat et on reconnaît plus tard que leur bilan était positif. Je suis certain que ce sera encore le cas d’Emmanuel Macron dont je demeure fidèle.

Vous me connaissez, je reste un adepte de la franchise et ne me suis jamais caché. Si j’ai des désaccords, j’en ferai part.

Pour ne parler que de la Corse, ce sera quand même sous son mandat que nous aurons obtenu que l’autonomie devienne un projet de loi.

Je concède cependant que la dissolution n’a pas assez été comprise.

Participez-vous toujours aux réunions du bureau exécutif du parti Renaissance et êtes-vous en harmonie avec les décisions prises ?

Je participe régulièrement aux réunions et je me cale sur la ligne prise in fine. Si j’ai des griefs à formuler je le fais dans ce cénacle, ou directement auprès de l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, notre secrétaire général. Je ne m’étale pas dans la presse.

Donc en symbiose avec votre formation Renaissance ?

À ce jour, en tant que social-démocrate, je suis en phase avec la ligne du parti, qui reste opposé aux extrêmes. Il est certain que pour beaucoup, il vaut mieux hurler avec les populistes d’extrême-droite ou d’extrême gauche.

Ne vous inscrivez pas toutefois en faux sur la démarche individualiste d’Emmanuel Macron qui semble s’enfermer dans le pouvoir personnel ?

Je suis un acteur de la vie publique pas un commentateur et encore moins un psychologue. Je laisse donc ces analyses à tous les spécialistes qui pullulent ici et ailleurs.

Je ferai remarquer qu’aujourd’hui, à la suite de la nomination par le président de la République de Sébastien Lecornu à la tête du Gouvernement, il a été annoncé l’arrêt d’utilisation du 49.3. C’est une bonne nouvelle qui renvoie un pouvoir et une responsabilité considérables au Parlement. Si l’on peut discuter de l’opportunité de la dissolution, il faut bien reconnaître que ce sont les Français eux-mêmes qui ont choisi de créer trois blocs qui ont du mal à dialoguer jusqu’ici. Aux députés d’être à la hauteur des nouveaux pouvoirs qui leur sont donnés, dans la construction du futur budget de la France comme par la suite.

Votre philosophie rocardienne se retrouve-t-elle cependant dans la persistance de l’hôte de l’Élysée à poursuivre le processus d’autonomie ?

Totalement et je plaide depuis 2017 pour que ce statut soit enfin la norme en Corse. C’est ma conviction et il se trouve que la classe politique insulaire s’est entendue à la quasi-unanimité sur ce point. J’espère que le Parlement fera droit à cette vieille revendication. Je redis aussi que cela ne règlera pas tous nos maux.

Il faudra être très vigilant sur le maintien et le renfort des compétences de police et justice pour ne pas que notre île continue de souffrir des dérives qu’elle n’a que trop connues. L’autonomie doit être un outil au service d’une politique générale. Il serait temps de construire un véritable projet de développement pour la Corse et les Corses.

Vous présidez depuis peu l’association des élus du littoral et à ce titre allez-vous porter la voix de la Corse sur les diverses problématiques liées au bord de mer ?

La Corse est le laboratoire singulier de ces problématiques (trait de côte et érosion, tourisme, logement, aménagement et urbanisme, etc.) et Bonifacio tout particulièrement, j’ai donc une expérience certaine en ces matières. J’imagine que ce sont ces raisons qui ont conduit mes pairs à me porter à la tête de l’ANEL. Mais aujourd’hui je suis le porte-parole de tous les territoires îliens, côtiers et littoraux français, métropolitains comme ultramarins.

Que vous disent vos administrés de Bonifacio concernant la crise politique actuelle et quelles sont leurs attentes ?

Ils m’en parlent peu. Ils ont des préoccupations du quotidien notamment de cherté de la vie, de logement, d’emploi, d’éducation ou de transport.

C’est à cela que doit répondre le politique. Rendre la vie de ses citoyens meilleure.

Vous avez débattu du Rapport d’Observations Définitives de la Chambre Régionale des Comptes au dernier Conseil municipal. Que faut-il en retenir ?

La CRC a diligenté un contrôle au mois de janvier, portant sur la période 2019-2024.

La tonalité et le contenu du rapport sont plus que satisfaisants.

Si on rentre dans le détail, tout n’est pas parfait. La CRC a émis trois recommandations dont certaines étaient déjà en cours d’exécution et des rappels au droit qui seront suivis.

Il y a un positionnement politique que j’assume. On me reproche de ne pas respecter rigoureusement une règle de comptabilité publique qui interdit de me servir des excédents du port de plaisance pour mener des politiques municipales vertueuses.

Que vous est-il demandé précisément ?

Concrètement, on me demande donc de m’endetter auprès des banques ou d’augmenter les impôts, plutôt que de percevoir l’argent directement où il est, auprès des grandes puissances mondiales qui viennent fréquenter notre port de plaisance.

Je m’y suis refusé et je continue de penser que j’avais raison, plutôt que brûler l’argent public des excédents ou baisser les tarifs des yachts. Je tenterai de régulariser comptablement la situation et militerai fortement pour faire évoluer la loi qui donne vie à pareille absurdité.

Diriez-vous que cette juridiction est tatillonne à votre égard ?

Tout en saluant la qualité des échanges que nous avons eus avec les contrôleurs, je regrette que la Chambre n’ait pas plus retenu dans son rapport le critère de la performance – ou capacité à générer des recettes – alors que cela m’a été présenté dans un entretien préalable au contrôle.

In fine, je mets au défi quiconque de trouver une commune de France de même strate qui soit mieux gérée que la mienne avec des résultats considérables.

Les conclusions viennent conforter la dynamique d’investissements et la gestion saine et durable menées par la collectivité, au service de l’intérêt général et du bien commun des Bonifaciens.

Le Plan local d’urbanisme sera enfin adopté dans votre ville ?

La procédure est en cours, l’enquête publique se clôture. J’espère voter la version finale début décembre.

Ce document n’est pas le document rêvé de la municipalité, mais il sera bien plus vertueux que l’anarchie du Règlement National d’Urbanisme.

Nous aurons un territoire protégé à 97%, avec une part belle faite au monde agricole car nous sommes déterminés à remettre notre terre en production.

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