Hugo Volpei, de l’intime au sublime

Dès leur sortie d’HEC, la plupart des jeunes diplômés rêvent de créer leur start’up numérique, de partir vers la Silicon Valley ou d’être remarqués par un des géants de la planète web. Hugo Volpei n’a pas suivi cette voie. Il s’est intéressé à un produit de notre quotidien, utilisé par la majorité de la planète, dont on parle peu, presque un sujet tabou, mais surtout qui n’a subi aucune évolution depuis 250 ans : nos toilettes. 

Avec pour ambition de concevoir ce trône – c’est aussi le nom de la marque – comme un objet décoratif, dans une ambiance du lieu entièrement repensée, Hugo Volpei surprend…

Propos recueillis par Anne-Catherine Mendez

Quel est votre parcours ? 

J’ai 29 ans, j’ai passé toute mon enfance et adolescence à Nice avec la Corse comme point de repère, puisque mes origines sont ancrées à Bastelicaccia. Après avoir été diplômé de HEC Paris, j’ai tout de suite voulu monter ma boîte. Trone est née il y a deux ans et demi. Cette entreprise est au cœur de tout ce qui m’intéresse, l’architecture, le design, la restauration, l’artisanat. Elle me permet de créer un produit physique mais qui peut enchanter notre art de vivre en le rendant plus beau, plus sympa, plus confortable. 

Pourquoi vous êtes-vous intéressé aux toilettes, sujet pas très sexy pour une start’up ?

En rendant visite à un ami à Londres, nous sommes allés dans le fameux restaurant Sketch et j’ai été littéralement subjugué par la pièce dédiée aux toilettes. 70m2 de décoration incroyable, de jeux de lumière, de bruitage. Une expérience innovante mais une fois qu’on entre dans ces œufs immenses en guise de cabine de toilettes, à l’intérieur, l’aventure s’arrête et on se retrouve face à un objet du quotidien très classique. Je me suis dit qu’on pouvait donc aller plus loin en sublimant cette dernière partie de l’aventure, en réinventant ce qui n’a jamais été modifié depuis environ 250 ans. Trone est à la croisée du design, de l’architecture et de l’hôtellerie-restauration. Je mêle tout ce que j’aime pour proposer une expérience originale, traduisant au mieux l’ADN des marques afin de transformer un simple passage aux toilettes, en un moment mémorable et distinctif. Mon challenge : comment susciter du désir sur un produit qui n’en a jamais eu ?

Votre produit séduit aujourd’hui bon nombre de clients mais quel a été le starter des premières commandes ?

Aujourd’hui 80% de nos clients sont des entreprises. Les pâtisseries de Cédric Grolet, Stéphanie Le Quellec (La Scène) ou le groupe Barrière ont d’ores et déjà été séduits. Mais c’est grâce au groupe Big Mamma, que nous avons pu lancer notre première production. Ce groupe français, qui réunit aujourd’hui plus de douze restaurants, a su nous faire confiance lors de l’ouverture de leur immense restaurant, food-market italien, La Felicità à Paris. L’installation de sept toilettes fut une source de défi technologique qui pour nous à l’époque n’avions ni société immatriculée, ni partenaires industriels. Nos simples dessins avaient suffi à les convaincre. Nous avions six mois pour les fabriquer et les installer. Finalement, c’est ce qui nous a permis de nous lancer.

Concrètement à quoi ressemble ces « lieux d’aisance » du futur ?

Trone est une marque 100% made in France. Elle a fait le pari d’un produit aux allures d’aucun autre et d’une marque forte et désirable. Les créations disruptives et radicalement novatrices de la marque viennent apporter caractère et brin de folie à la décoration de nos intérieurs sur un produit qui en France est encore tabou. Concrètement, le seul modèle de la marque, ICONE 01, a un aspect ultra design. La cuvette, en céramique émaillée, vient de Desvres, à Lille, la lunette en bois de frêne d’Arras. Le réservoir d’eau en verre transparent, dont la contenance a été soigneusement étudiée (3 ou 6 litres), transmet un côté ludique et expérientiel. En février prochain, nous sortons la deuxième génération du modèle avec une technologie qui va supprimer les odeurs, mais également en y intégrant un filtre bactéricide, fongicide et virucide. Cela fait sens aujourd’hui…

Vous avez réalisé votre première levée de fonds, quels sont vos principaux investisseurs ?

Après avoir fondé la société, j’ai été rejoint par Camille Mourgues, Romain Freychet et Antoine Prax. Nous avons été hébergés par la Station F, l’incubateur de Xavier Niel. En s’attaquant à un marché hyper traditionnel, aux mains de quelques grands acteurs vieillissants, Trone a fait le pari d’un produit aux allures d’aucun autre.

En plein confinement, et ce n’était pas gagné, nous avons réalisé notre première levée de fonds de 2 millions d’euros auprès de nombreux investisseurs parmi lesquels Xavier Niel (Free), Victor Lugger (Big Mamma), Thibaud Elziere (eFounders), Frédéric Jousset (Webhelp, Beaux-Arts), Othmane Bouhlal (Kapten), Véronique Morali (Webedia) ou encore Chantal Baudron. Cette levée de fonds va nous permettre d’accélérer le développement en France et en Europe, de recruter une équipe plus expérimentée, À moyen terme, nous souhaitons nous imposer sur le marché international, et particulièrement d’exporter cette french touchdétonnante sur le territoire américain. 

L’entreprise pourrait s’intéresser aussi à d’autres éléments de la salle de bains, et même aux carafes d’eau ou aux piscines. Comme Dyson avec l’air ou Apple avec le Consumer Electronics, nous souhaitons suivre le fil rouge de l’eau.

Quels sont vos liens à la Corse ? 

La Corse a été mon refuge pendant le confinement. Dès que j’ai quelques jours, je saute dans un avion. Àterme, j’aimerai y vivre la moitié de mon temps. Les choses sur l’île bougent peu à peu, en particulier en architecture et en restauration, mes domaines de prédilection. Il faut apprendre à se réinventer, la Corse a une carte à jouer.

Vos regrets ?

Au départ, je regrette de m’être lancé en solo, il faut savoir s’entourer et ne pas hésiter à lever des fonds rapidement. L’industrie demande de gros investissements. 

Vos conseils ?

« Se jeter à l’eau ! » est une maxime qui ne me quitte pas depuis mon master en entreprenariat à HEC. Il faut pouvoir rapidement engager ses équipes, avoir un cap et engager ses collaborateurs vers ce cap.

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