Fédération du Bâtiment de Corse-du-Sud 

Le risque d’aller droit dans le mur

Publi rédactionnel 

Jean-François Luciani ne verse pas dans un pessimisme de circonstance. Le président du BTP de Corse-du-Sud est réaliste et lucide en évoquant le profond malaise d’une corporation. Se voulant aussi force de proposition, il réitère la mise en œuvre de solutions susceptibles de juguler une catastrophe. 

Le constat est implacable, il est officialisé par la hausse des dépôts de bilans enregistrés par le tribunal de commerce. Est-ce irréversible ?

Malheureusement, ça l’est pour les entreprises concernées. En 2023, 93 entreprises en difficulté sont enregistrées dans le secteur, soit près du double de l’année précédente. Pour le secteur dans sa globalité, dans un contexte où la croissance économique est pénalisée par la chute de l’investissement global, les Fédérations du BTP ont fait des propositions de longue date afin de pouvoir éviter une catastrophe, notamment :

  • Développer les logements sociaux dont nous manquons cruellement ;
  • Développer les projets structurants ;
  • Simplifier drastiquement le dispositif MaPrimRénov ;
  • Rétablir immédiatement le prêt à taux zéro pour la construction d’un logement, dans tous les territoires, y compris pour la maison individuelle ;
  • Geler les barèmes de la REP Bâtiment (traitement des déchets) sur un an et rendre le dispositif, aujourd’hui inefficace, plus opérationnel pour les entreprises sur l’ensemble du territoire ;
  • Mettre en place le statut fiscal du bailleur privé pour maintenir l’offre de logements locatifs. 

Quelles sont les causes majeures de ce marasme ?

Nos entreprises sont confrontées, depuis des mois, à une aggravation sans précédent de la crise du logement. Partout, les difficultés d’accès au logement se font de plus en plus vives. Dans le parc privé comme dans le parc social, à l’accession comme à la location, la tension est à son maximum. Le délégué général de la Fondation Abbé Pierre estime que « la bombe sociale du logement a explosé ». Les causes sont multiples :

  • L’augmentation des taux d’intérêt des crédits immobiliers et l’inflation qui diminue le pouvoir d’achat des ménages ;
  • La hausse des prix : en raison de la flambée du coût des matériaux en lien avec la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine mais aussi en raison de l’entrée en vigueur de la Réglementation énergétique 2020 (RE2020) ;
  • La raréfaction du foncier ;
  • Les exigences en matière de construction et l’empilement des lois d’urbanisation.

Le logement est une préoccupation pour les Corses, c’est un enjeu pour l’économie et donc pour l’emploi.

Où en est la commande publique ?

Comme la commande privée, la commande publique est en berne dans notre région. Après avoir traversé la crise sanitaire et des effets de la guerre en Ukraine, les problèmes d’approvisionnement et les fortes hausses de coûts qui les ont fragilisées, les entreprises du secteur n’ont désormais plus de carnets de commande pour les mois à venir. Dans ce contexte compliqué, il est primordial pour les entreprises du secteur d’avoir une visibilité sur la commande publique à venir afin de permettre aux entreprises locales d’anticiper et d’être en capacité de répondre. Pour cela, les Fédérations du BTP de Corse souhaitent la mise en place d’outils d’informations permettant l’accès à la programmation et au suivi des opérations pour les années à venir et notamment la réactivation de l’Observatoire de la Commande Publique. Le préfet, Amaury de Saint-Quentin et le président du Conseil Exécutif, Gilles Simeoni , que nous avons rencontrés nous ont dit être favorables à cette demande.

Que pensez-vous de la solution consistant à surélever les immeubles existants ? 

Cela fait partie des solutions à envisager. En effet, cela peut permettre d’obtenir de l’espace supplémentaire dans des zones immobilières en situation de rareté, du fait de l’urbanisation et de prix élevés. Par ailleurs, la nécessité de refaire la toiture de l’immeuble peut conduire à réaliser de bien meilleures performances énergétiques. Cependant, il faut veiller à conserver l’harmonie visuelle des bâtis. Il faut que cela puisse s’intégrer en toute discrétion dans l’urbanisme local. Cela n’est donc pas possible partout.

La demande en logement social est extrêmement forte, et l’offre ténue. Peut-on inverser cette spirale ?

Nous ne comprenons pas les choix budgétaires nationaux successifs qui conduisent à réduire la capacité d’investissement des organismes de logements sociaux alors que le nombre de demandeurs de logement social ne cesse d’augmenter. Les conséquences économiques et sociales sont délétères sur notre territoire : mal-logement, allongement des trajets domicile-travail, entreprises qui peinent à recruter. Notre Région a besoin de développement économique, elle a besoin d’emplois, elle a besoin de cohésion, elle a donc besoin de logements. 

À cet égard, le plan prévoyant la rénovation de quelque sept mille cinq cents logements commence-t-il à produire ses effets ?

Cela est encore à l’état de projet. Nous n’avons pour l’instant connaissance que du volume global d’investissement à venir.

Votre filière représente plus de douze mille emplois, en regard de la situation des licenciements sont-ils inéluctables ? 

Aujourd’hui, ce sont de nombreux emplois directs qui sont menacés dans le BTP à l’échelle de notre région. Depuis le dernier trimestre 2022, l’effectif salarié du secteur de la construction a déjà commencé à diminuer. En 2023, sur un an, il accuse une baisse de 0,8 %. L’emploi fléchit donc et cela devrait se poursuivre en 2024. Au-delà de la problématique sociale dans nos entreprises, j’insiste sur le fait que se pose celle de l’accès de nos concitoyens au logement, particulièrement des plus modestes, qui est un enjeu majeur pour notre société. Par ailleurs, cette crise affectera bien entendu la croissance…

Certains reprochent à votre profession de bâtir des résidences secondaires. N’est-ce pas là un procès d’intention ?

Les entreprises du BTP ne font que réaliser les travaux qui leur sont confiés par la maîtrise d’ouvrage. La politique d’aménagement du territoire ne nous appartient pas.

Bâtir autrement, se régénérer, s’adapter, impliquent une collaboration avec d’autres corps de métiers. Dans ce cadre, les architectes peuvent-ils être de précieux compagnons de route ?

En effet, conception et réalisation doivent obligatoirement s’articuler afin de progresser et faire naître des projets de qualité. Les architectes et les entrepreneurs se doivent de faciliter et de rationaliser leurs exercices professionnels et d’améliorer leur collaboration au profit de la qualité de leurs réalisations. Nous devons apprendre des uns et des autres, nous enrichir à l’écoute de nos deux métiers, trouver ensemble de nouvelles pistes de réflexion.

Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.