Exercice physique et politique : Une convergence inquiétante

Par Jean-Pierre Nucci
Un nombre considérable de vidéos encourageant les jeunes hommes à se raccourcir les cils afin de paraître plus virils inonde la toile. D’un certain point de vue cette pratique semble loufoque, mais là n’est pas l’essentiel, ce que l’on doit retenir c’est qu’elle présente un danger pour la santé, le cil, faut-il le rappeler, protège l’œil des agressions externes. Les personnes atteintes du cancer et qui souffrent des effets secondaires de la chimiothérapie peuvent en attester. Allons plus loin. Connaissez-vous le « looksmaxxing » ? Il s’agit d’un ensemble de protocoles très controversés visant à modifier son visage sans chirurgie. L’un d’entre eux est le « mewing ». Des résultats seraient obtenus par le repositionnement de la langue dans le but d’épaissir sa mâchoire. Vous avez bien lu. Épaissir sa mâchoire, l’obsession des jeunes de 16 à 23 ans est de la rendre carrée !!! Cette transformation physique ajouterait non seulement à la virilité mais embellirait le visage. Et voilà les frères Dalton à la mode. Le menton proéminent de Jo ou celui d’Averell attirerait le regard de l’autre. Ça donne envie. Et ce n’est pas fini. Dans cette liste non exhaustive de méthodes saugrenues se trouve le « bone smaching ». Qu’est-ce que c’est ? Une technique qui consiste à frapper son visage avec un objet contendant (un marteau) afin de remodeler sa structure osseuse. Dingue ! Toutes ces inepties sont exposées sur TikTok et appliquées par plusieurs millions d’internautes dans le monde. L’être humain est capable de toutes les audaces.
Ces pratiques nous éloignent, sous certains aspects, de la notion de neutralité des sexes. Rappelez-vous, après bien des combats, l’accès aux emplois classés dans la catégorie CSP+ conférait aux femmes de nouveaux privilèges, des revenus substantiels, dont quelques-unes n’hésitèrent pas à en abuser en imitant leurs homologues masculins. Campées sur la marche élevée de l’échelle sociale, ces cheffes d’entreprise, professions libérales, chercheuses, journalistes et plus encore, créèrent leurs propres associations : clubs de consommatrices de cigares, de voitures de luxe… La masse suivit cette tendance, enivrées par le goût nouveau de la liberté, les girls s’adonnèrent à des plaisirs autrefois réservés à leurs congénères masculins : apéritifs, dîner, dancing, voyages, entre filles exclusivement… Dans le même temps, les garçons se féminisèrent, n’hésitèrent plus à fréquenter les instituts de beauté, chassèrent le moindre poil désobligeant, épilèrent leurs sourcils, fréquentèrent les salons de coiffures et se laissèrent aller à la teinture, signes tangibles de l’avènement de l’homme déconstruit… La mode vestimentaire suivit, les habits et les accessoires devinrent indistincts comme si la société désirait gommer les différences. Eh bien ! figurez-vous qu’on assiste de nos jours à une forme de rétropédalage et l’on se demande quelle est la cause de ce revirement de tendance.
Il ne faut pas chercher loin pour l’identifier. Elle se trouve dans l’air du temps. Et voilà qu’après ces revirements sociétaux, survint la plus surprenante des révolutions politiques. Dans de nombreuses zones planétaires le recours à la force s’imposa au détriment du droit. Cette évolution apparut en Russie quand son Président1 exhiba ses muscles à la vue de ses concitoyens, on ne compta plus par la suite les images diffusées dans les médias où il gonflait d’une manière démesurée sa poitrine. Ces démonstrations viriles allèrent de pair avec les exactions de son armée : Tchétchénie, Syrie, Ukraine. Aujourd’hui, Tsahal suit la même tendance, pauvres Palestiniens, si petits, si faibles, démunis de tout, priés de dégager leur terre, « la valise ou le cercueil. » Le Hamas aurait mieux fait de réfléchir avant de mener cette opération barbare contre les kibboutz. Jamais nous n’aurions imaginé qu’une démocratie – Israël en est-elle encore une ? – agirait de la sorte. Désormais la surprise vient des États-Unis. Trump ! Il m’épuise. Sous sa férule, l’Amérique à l’instar du nouveau Tsar de toutes les Russies bombe le torse, non par l’exhibition de son corps dénudé et c’est heureux, mais par ses décisions arbitraires. Qui nous aurait dit qu’un jour le Président et ses affidés de la première démocratie du monde se comporteraient comme des voyous ?
Le pape est mort, un nouveau pape est appelé à régner. « Araignée, araignée quel drôle de nom, pourquoi pas libellule ou papillon ? » Une blague d’un autre temps, tais-toi boomer, que certains critiqueront à coup sûr, mais plus sérieusement, « la Bonne Nouvelle » réside dans la parole de Léon XIV. Ces mots résonnent juste, à l’opposé de la doctrine trumpiste, il clame que « La paix réside en chacun de nous. » Nous y reviendrons.
Retournons à nos moutons, et référons-nous pour cela à Popeye. Ce personnage loufoque des années trente décuplait sa force en ingérant des épinards. Une forme de dopage empirique imaginée pour les scénaristes de l’époque. De nos jours, les « jeunes » imitent ce héros de bande dessinée et utilisent d’autres moyens dans l’espoir d’accroître leur musculature et d’amender leur performance sportive. Parmi ceux-ci l’exercice physique trouve sa suprématie. Ils poussent la fonte sans retenue, courent à perdre haleine, enchaînent les séances avec frénésie. Le rythme imposé est soutenu, incompatible avec les limites naturelles du corps, alors pour éviter que ça casse, ils ont recours aux artifices. Des moins nocifs pour les plus sages – compléments alimentaires, protéiniques, vitaminiques – aux plus dangereux pour les plus opiniâtres – des substances chimiques, produits dopants –. Ces comportements irresponsables font la richesse des thérapeutes, médecins du sport, rhumatologues, kinésithérapeutes, voire des charlatans, gourous, etc.
Cette surdose de testostérones me laisse dubitatif, je ne peux m’empêcher de me remémorer le dernier film de Paolo Sorrentino, Parthenope. On y redécouvre l’été dans toute sa félicité. Nul n’est question de force, de virilité, de brutalité, non, la sensualité et la beauté dominent l’instant. Là au bord de la mer, à Naples, la vie prend une autre tournure, loin des vicissitudes du monde et de sa violence, les jours semblent heureux. Et l’on se prend à rêver qu’il en soit ainsi partout et longtemps.
Puisqu’on aborde le sujet tant apprécié des pratiques estivales, autant mentionner le fait que chacun se prépare à l’été qui advient. On améliore dans son coin sa silhouette afin de se montrer à son avantage. Le tempo de l’horloge nous stresse, le printemps tire à sa fin, l’heure du maillot de bain approche à grands pas, alors on serre la ceinture, on affûte son corps, en d’autres termes on maigrit, on muscle. Tous ces efforts sont accomplis dans le dessein de plaire ou de ne point déplaire. Le regard des autres ; on échappe à cette inquisition que difficilement. Le plus dur est de garder raison. Tendre vers l’objectif sans compromettre sa santé. Vite dit !
La tendance est donc à la poigne. Que ce soit à l’échelle de la planète où à celle des individus. À l’aune des nations, l’inventaire est calamiteux :
- La négation des principes juridiques fondamentaux (crime de guerre, crime d’agression, crime contre l’humanité) qui garantissaient la paix depuis 80 ans établis par le tribunal de Nuremberg en 1945.
- L’augmentation des droits de douanes de manière unilatérale contraires aux règles définies par l’OMC2,
- L’appropriation honteuse des richesses d’un pays en situation de faiblesse (Ukraine).
- Le pilonnage de son peuple sans discernement par la force de frappe russe au mépris du droit de la guerre.
- La banalisation des crimes de guerre3.
- La mise à sac d’un territoire par un pays voisin (Gaza).
- Le blocage de l’aide humanitaire à sa population.
- Et, comme si cela ne suffisait pas, l’Inde et le Pakistan s’invitent dans cette course à la barbarie.
Mais là ne s’arrête pas cette descente aux enfers, sur une scène plus restreinte – à l’aune du territoire national – on observe une recrudescence de crimes, de délits, d’infractions diverses… La liste est infinie. Que faire pour endiguer cette dérive ?
Dans une graduation universelle, il revient à l’Organisation des Nations unies de rappeler, marteler, à l’adresse des dirigeants irrespectueux la nécessité de ne pas dériver des règles du droit international. La saisine de la CIJ4 ou la CPI5 est sans doute la manière la plus appropriée et la plus morale de punir les dirigeants coupables de transgression, on regrette toutefois son impuissance à faire appliquer ses décisions.
Plus près de nous, le salut passe par la bonne volonté. Les familles ou les individus doivent se convaincre du bon respect de la loi, faut-il le rappeler que c’est le seul moyen de vivre en bon entendement les uns avec les autres.
« La paix réside en chacun de nous. » Léon XIV
La prise de conscience de cette vérité papale oblige de chasser le mal qui est propre afin de laisser la place au bien. Tout un programme !
- Vladimir Poutine.
- OMC : Organisation Mondiale du Commerce.
- Les Crimes de Guerre sont considérés comme des violations graves des Conventions de Genève et le statut de Rome de la Cour Pénale Internationale. La notion de crime de guerre a été définie en 1945 par le tribunal de Nuremberg : « assassinat, mauvais traitements ou déportations pour travaux forcés, ou pour tout autre but, des populations civiles dans les territoires occupés, assassinat ou mauvais traitements des prisonniers de guerre ou des personnes en mer, exécution des otages, pillages des biens publics ou privés, destruction sans motif des villes et des villages, ou dévastation qui ne justifient pas les exigences militaires. »
- Cour internationale de justice (CIJ). Établie par l’article 92 de la Charte des Nation unies. Elle siège à La Haye dans le Palais de la Paix.
- Cour Pénale Internationale (CPI). Juridiction internationale reconnue par 124 États parties. Elle est compétente pour juger les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes d’agression. Ces crimes doivent être commis par un ressortissant d’un État partie ou sur le territoire d’un État partie (ou d’un État qui a accepté la compétence de la cour).
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