ÉRIC JALON – UN PARCOURS GUIDÉ PAR L’ÉTAT ET LES TERRITOIRES
Succédant à Jérôme Filippini, Éric Jalon a pris ses fonctions comme préfet de Corse le 25 août dernier. Fort d’une solide expérience en administration centrale comme sur le terrain, la nomination de ce haut fonctionnaire de 54 ans s’inscrit dans la continuité d’une carrière administrative en lien étroit avec les territoires et guidée par la volonté d’incarner un État présent et à l’écoute des acteurs locaux.
Portrait
Par Karine Casalta
La relation entre État et territoires, fil rouge de son parcours Formé à l’École normale supérieure, Éric Jalon a d’abord étudié l’histoire avant d’intégrer l’École nationale d’administration, dont il sort en 1998 (ENA, promotion Valmy). «J’ai fait des études d’histoire, raconte-t-il, où j’ai notamment étudié la relation entre le territoire – celui de la ville de Lyon en particulier, dont je suis originaire – et le pouvoir central. Et faisant cela, je me suis alors dit que je pouvais continuer à étudier cette relation à quatre siècles de distance – c’était passionnant, je ne le regrette pas – ou la vivre dans le temps présent. Et c’est finalement le choix que j’ai fait.» Une relation qui va devenir par la suite, le fil rouge de son parcours dans les différentes fonctions qu’il a exercées. Dès sa sortie de l’ENA, il intègre ainsi le ministère de l’Intérieur et devient sous- préfet de la Sarthe, puis de la Gironde, et gravit rapidement les échelons : conseiller technique au ministère, directeur général des collectivités locales en 2009, préfet de la Savoie en 2012, puis de la Charente- Maritime et de l’Essonne. « Je me suis beaucoup occupé de questions ayant trait aux collectivités territoriales. C’est là que j’ai appris que notre pays pouvait vivre à la fois avec l’unité, à laquelle je suis évidemment très attaché, sans pour autant que cette unité se confonde avec l’uniformité. Mais qu’au contraire elle tienne compte, dans les politiques publiques et dans l’organisation, des spécificités de chaque territoire.» Conseiller pour les affaires intérieures au cabinet du Premier ministre entre 2017 et 2020, il dirigera par la suite la politique migratoire française comme directeur général des étrangers en France à partir de 2022. «Après trois ans au ministère de l’Intérieur, j’aspirais à reprendre des fonctions territoriales», explique-t-il. Et j’ai été honoré et heureux de ma nomination qui correspondait à la fois au besoin d’assurer le relais en Corse et à mon envie de revenir au terrain.»
À l’écoute du terrain
Fidèle à la méthode qui l’a toujours guidé, dès son arrivée sur l’île, Éric Jalon s’est avant tout mis à l’écoute. «Pour bien faire ce métier, il faut comprendre le territoire dans lequel on est envoyé», explique-t-il. Et de préciser : « Ce qui m’a d’emblée frappé, c’est la passion avec laquelle les Corses parlent de leur île, la force du lien qu’ils entretiennent avec leur histoire, leur culture, leur langue, et en même temps cette ouverture au monde, cette universalité que l’on doit sans doute à la place de la Corse au cœur de la Méditerranée. » Une approche à la hauteur de l’exigence de la mission qui lui a été confiée: «Je n’en finirai sans doute pas de découvrir ce territoire, et c’est heureux, mais il faut aussi agir au service de ce territoire, ce qui suppose de le comprendre, et d’être à l’écoute de ce que les
Corses ont à m’en dire.» D’autant que le préfet arrive dans un climat particulier, succédant à
Jérôme Filippini, parti au bout de quelques mois seulement. Le haut fonctionnaire doit s’imposer à la fois comme le nouveau garant de l’autorité de l’État, et nouvel interlocuteur attentif des élus et acteurs locaux. Sans compter les enjeux identitaires et institutionnels qu’il lui faudra aborder dans un contexte où le processus d’autonomie de l’île entre dans une phase parlementaire et doit être débattu à Paris. À ce propos, Éric Jalon ne manque pas de rappeler l’intitulé du projet de loi « pour une Corse autonome au sein de la République» soulignant que cette voie vers plus d’autonomie n’est en rien contradictoire avec l’ancrage de l’île dans la République. Laissant au Parlement le soin de trancher, le représentant de l’État revendique sur ce sujet une approche pragmatique : « Mon rôle, c’est d’accompagner le processus institutionnel, mais surtout d’être dans l’action ici et maintenant. (…) Notre pays a beaucoup de chance, il y a des institutions solides et claires, et ces institutions sont d’autant plus solides quand chacune s’en tient à jouer le rôle qui est le sien.» Et de poursuivre: «Il y a de fait un certain nombre de sujets qui, quel que soit le cadre institutionnel, actuel ou futur, sont des priorités et des urgences pour la Corse. La feuille de route a été fixée par le président de la République, précise- t-il, il y a presque deux ans, jour pour jour, lorsqu’il s’est exprimé devant l’Assemblée de Corse.» Sécurité du quotidien, lutte contre les trafics, santé publique, protection des élus, soutien aux personnes âgées, transition écologique et énergétique, gestion des déchets, sans compter le plan de transformation et d’investissement prévu pour la Corse. La liste des chantiers est longue. «C’est sur tous ces sujets que j’ai commencé à travailler et sur lesquels je vais continuer à concentrer mon action et mon énergie en accompagnant bien sûr le processus institutionnel. » Et le préfet d’insister sur la nécessité d’un dialogue étroit avec la collectivité territoriale, rappelant qu’aucune action ne peut aboutir sans coopération entre institutions. « Ma porte est ouverte et je me déplace autant que possible.»
Une méthode simple : « Dialoguer, comprendre et décider »
Dès son arrivée il a ainsi commencé à rencontrer les élus, syndicats, associations ou encore acteurs économiques, convaincu que seule la coopération peut répondre aux besoins des habitants. Et partout où il s’est rendu, il dit avoir été bien accueilli, que ce soit par les maires, qui lui ont confié leurs attentes d’un État protecteur, juste et solidaire, que par les responsables politiques et les acteurs économiques, avec lesquels, dans la continuité de l’action de son prédécesseur il a noué une relation de travail régulière et constructive. «Je crois sincèrement aux vertus du dialogue», insiste-t-il, un dialogue sincère, respectueux des institutions, des lois et des personnes, et reposant sur des faits objectifs afin de construire des solutions solides et partagées. Et d’ajouter: «Dialoguer, comprendre… et décider ; Et quand il faut décider, je n’ai pas la main qui tremble. » Ainsi, dans une île où les tensions peuvent parfois être vives, Éric Jalon veut incarner un État protecteur, mais également proche: «Les maires m’ont dit qu’ils avaient besoin d’un État qui protège, mais aussi d’un État qui accompagne leurs projets. C’est exactement cela, la promesse républicaine: sécurité, justice, solidarité et équité territoriale. »
C’est ainsi que, entre fermeté et écoute, dans une Corse traversée par des tensions mais aussi riche d’initiatives et d’aspirations, Éric Jalon entend être, un «passeur de relais» qui agit au service du territoire. Un passeur animé par une ambition claire: «Faire de chaque jour passé en Corse un jour utile.»

Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.