En mai, fais ce qu’il te plaît

Edito

Par Jean Poletti

Parfois ce proverbe, et bien d’autres, sont plus efficients que les doctes analyses pour évoquer les dérèglements de la société. Ici, un Trump qui risque de mettre à bas l’économie mondiale en rejouant Apocalypse Now entre offensive et trêve de quatre-vingt-dix jours. Là, Poutine qui martyrise l’Ukraine pour assouvir son rêve de grande Russie. Le Hamas, relayé par l’Iran et les doctrinaires du djihad, ne cesse de prôner la destruction d’Israël au mépris des affres infligées aux Palestiniens. Le monde est fou. L’Europe gesticule, veut se rassurer en tentant de jouer les arbitres, alors qu’elle est hors-jeu. Inaudible et impuissante. La France n’est pas en reste. Tant s’en faut. Pratiquement en banqueroute avec un déficit abyssal que les supposés « Mozart de la finance » n’avaient pas vu venir. À moins que pour des raisons électoralistes, ils n’aient dissimulé la Bérézina. Face à cette débâcle, la classe politique nationale poursuit ses petits jeux politiciens et les philippiques dignes du café du commerce. Macron qui s’est détourné des problématiques hexagonales joue à guerre et paix. Un moyen illusoire pour faire oublier ses quinquennats délétères. Il était Tocqueville, le voilà Churchill. Mais une telle mutation a un parfum d’opportunisme que le bon peuple pressent comme une ultime tentative de sauver la fin de son mandat. N’est pas de Gaulle qui veut. Et passer de la fameuse stratégie de l’offre à celle de l’uniforme prêterait à sourire si la situation n’était pas si grave. Il avait tout misé sur les aides généreuses aux capitaines de l’industrie en escomptant sur le ruissellement, c’est-à-dire l’emploi. La stratégie fut longue. Désormais, il tente de jouer la mouche du coche sur la scène internationale. Qui peut dire décemment que son appel à la mobilisation enregistre un écho tangible ? Il n’est pour s’en rendre compte qu’à observer les foires aux saucisses du parlement. Ou les entrées dans l’arène des postulants à l’Élysée. Tel Wauquiez voulant exiler ceux qui doivent quitter l’Hexagone à Saint-Pierre-et-Miquelon. Un archipel français ! Détail croustillant s’il en fut, nous eûmes droit lors d’un récent dimanche à trois manifestations à Paris. Certes de veine et nature différentes, mais se rejoignant pourtant chez les organisateurs dans cette quête du graal qui transcende tout autre préoccupation. En piste Attal, Le Pen et Mélenchon dans des rassemblements qui ne mobilisèrent pas les foules des grands jours. L’un plaidait pour incarner une présidentielle au centre. L’autre pour flétrir la justice et le troisième fustigeant les deux premiers au nom de sa théorie du bruit et de la fureur. Que de mouvements de menton ! Que d’outrances dans les prises de parole ! Un adepte du bleu Marine n’hésitant même pas à parler de « solution finale » de triste mémoire. Tandis que le Che et les écolos évoquaient « le risque séditieux du rassemblement de fachos ». Et pour faire bonne mesure le leader de Renaissance de lancer « Deux ans pour la France ». Ou encore à l’adresse du Rassemblement national « Tu voles, tu payes ». Au premier rang du public, un Premier ministre engoncé dans l’expectative, un jour « troublé » par le jugement contre Le Pen, l’autre plaidant pour le respect de l’indépendance de la justice. Des saillies mi-chèvre mi-chou, tant il sait qu’irriter par trop la droite extrême signerait son éjection de Matignon lors d’une motion de censure. En bon Béarnais, il sait mélanger les sauces pour s’accrocher à un poste qui fut sa sempiternelle quête. Et sur son Aventin, jouant au rassembleur, Édouard Philippe en appelle à l’alliance des libéraux et socio-démocrates. À l’aune de ces postures qui traversent l’échiquier politique, le citoyen est sceptique et dit sans fards se détourner de la politique. Non pas pour ce qu’elle est mais à cause de ceux qui la représentent. Étant prêt à verser dans le populisme ou ceux qui théorisent l’antisystème. Triste réalité. Enjeux majeurs mis sous l’éteignoir au sein d’un microcosme qui derrière les grands mots foule aux pieds l’intérêt général. Les coups de Jarnac et chausse-trappes jalonnent ce parcours, au sein même d’une même mouvance. Tel celui qui oppose à bas bruit Bruno Retailleau à Macron. Tandis que le ministre de l’Intérieur promet les foudres à l’Algérie, le Président va négocier avec ce pays une normalisation des rapports. Et envoie son ministre des Affaires étrangères qui loin de finaliser un piètre accord de façade se fait rouler dans la farine. Drôle de drame. Ubu roi. Voilà le pensionnaire de Beauvau obligé d’avaler son chapeau ou démissionner. Ainsi va la politique de l’État qui conjugue approximations, imprévoyances et volte-face. Avec en ombre portée les ambitions de ceux qui croyant avoir un destin prêchent exclusivement pour leur chapelle. On a beau tendre l’oreille nul bruissement sur les remèdes structurels pour remédier au marasme. Aucune esquisse de mesure d’envergure sociétale. Sauf à tenter d’accréditer l’idée que le peuple devra payer les pots cassés par d’autres. La Corse, à son niveau, n’échappe pas à cette spirale emplie de philippiques. Alors qu’elle est en train de décrocher économiquement, que la précarité a droit de cité, d’aucuns ouvrent des débats stériles sur tout et n’importe quoi. À l’heure où l’on célèbre le tricentenaire de la naissance de Pasquale Paoli, revient dans nos mémoires la prédiction « Corsica non avrai mai bene ». Sans parler d’une utopique union sacrée ne serait-il pas temps qu’émergent dans chaque camp insulaire de véritables projets? Et pourquoi pas un consensus sur les principaux. Ceux qui renvoient au mieux-être d’une communauté, pour l’heure prise entre le marteau de la voyoucratie, et l’enclume de visions fréquemment partielles, parfois partiales. En mai, fais ce qu’il te plaît. Sans doute. À condition que cette folle parenthèse ne dure que l’espace d’un instant.

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