Edito – juin 2017

Une île à la Pen

Par Jean Poletti

La structuration politique insulaire a volé en éclats. Le constat est aussi limpide que le bleu d’un ciel sans nuages. La Corse s’est jetée dans les bras de Marine, et non de Marianne. Là où le père recevait des pierres à chacune de ses venues, la fille engrangea sinon des fleurs, nous n’osons pas dire des roses, a tout le moins des bulletins dument estampillés.

Réveil brutal ? Gout de cendres ? Les jugements de valeur à postériori n’ont pas cours en politique. A moins d’admettre que le verdict démocratique relève de la décision spontanée. Presque de la loterie ou de la roulette russe. Verser dans les considérations générales en explorant les scores hexagonaux, équivaudrait à nous exonérer ici de notre responsabilité collective. Si cette cécité perdure, il faudrait acter que notre ile n’a aucune spécificité. Dès lors, en un terrible constat, il conviendrait d’admettre qu’emboucher les trompettes du particularisme équivaudrait à jouer un refrain illusoire. Une sorte de ritournelle n’ayant aucun écho au sein du peuple corse.

Déplorer, se muer en lanceurs d’alerte quand l’épilogue se concrétise équivaut à se donner bonne conscience et jouer la comédie du pompier pyromane. La vérité est autre et de nature différente. Trop longtemps dissimulée elle travaille la société insulaire depuis plusieurs années. Elle avançait masquée et éclata cette fois au grand jour. Les considérations sociologiques, sociétales, économiques ou géographiques ne valent que dans les derniers salons ou l’on cause. Elles servent de palliatifs à nos propres turpitudes. Car si l’on daigne faire une banale introspection, la réalité s’impose. Incontournable et cruelle.

Elle permet d’affirmer que chez nous plus qu’ailleurs existe deux FN, l’un rural, l’autre citadin. Dans l’intérieur l’exaspération est constitutive du sentiment d’abandon dans lequel est plongée la population. Dans les grandes agglomérations, la fracture sociale qui s’amplifie créée des cités a deux visages. Et les plus démunis affirment ne trouver nul écho volontariste auprès de ceux qui ont des responsabilités électives.

Face à cette mutation débridée, les laissés pour compte mettent à l’index la classe politique. Ils font les yeux doux à celle qui promet de les protéger. Et qui se veut de surcroit la championne de la laïcité contre l’intégrisme islamisme. Renvoyant dans l’inconscient collectif les incidents de Sisco, des Jardins de l’Empereur et autres affaires qui défrayèrent la chronique.

Aussi, plutôt que de pousser des cris d’orfraie, parier sans cesse et toujours sur le front républicain, comme ultime rempart à l’incessante progression de l’extrême-droite, mieux vaudrait par les actes et les décisions rendre l’espoir a ceux qui l’on perdu. Redonner ses lettres de noblesse au vivre-ensemble qui est ravalé au concept vide de sens. En finir avec cette ségrégation sociale, mur invisible qui coupe les populations et scinde les générations. Cela s’appelle faire de la politique. Tout simplement !

Faute de l’avoir compris, maints édiles se sont coupé des réalités, fomentant involontairement, l’éclosion du gaucho-lepénisme. Il devient en Corse une terre de mission. Jusqu’où?

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