EDITO – Le chant des partisans

Par Jean Poletti

Insolite. Etrange. Des responsables politiques de tous bords se pressant devant la tombe du général de Gaulle lors de l’anniversaire de sa mort. Du comique à la tragédie la frontière est ténue. Et en écoutant les propos faussement compassés nul doute que le Molière surclassait Racine. Oubliée la vérité. Gommé le fait que l’homme du 18 juin fut jeté aux chiens par la France collaborationniste. Les doctrines antagonistes parurent se diluer aux portes du cimetière de Colombey. Dans un pied de nez confinant a l’insulte, ceux qui s’abreuvent de manière affichée ou diffuse dans le marigot négationniste faisaient pour l’occasion faux acte de contrition. Ici, un émule de ceux qui affirment sans ambages que la Shoa n’était qu’un détail de l’histoire. Là un jeune et fringuant responsable libéral qui lorgne avec gourmandise vers la droite-extrême, espérant sans doute en tirer bénéfice lors de la prochaine présidentielle. Faut-il évoquer ce second couteau de la gauche qui réussit la prouesse sémantique d’être gaulliste d’un jour, tout en se montrant d’une complaisance intellectuelle avec Dieudonné au nom de la liberté d’expression ! Plus gaulliste que moi tu meurs ! Tel était l’unique slogan en cet instant dit de recueillement devant l’illustre sépulture.

Les insulaires manquaient à l’appel du souvenir convenu. Pourtant eux avaient toute leur place. La Corse premier département libéré, qui se leva pour chasser l’occupant. Celle d’un Paul Giacobbi, qui fut l’un des rares parlementaires à refuser les pleins pouvoirs à Pétain. Celle aussi des Jean Nicoli, Giusti, Mondoloni, Danielle Casanova, et tant d’autres qui écrivirent avec leur sang le sublime mot liberté.

Tous bandits d’honneur écrivit le grand résistant Choury. Oui, dans ces maquis tous étaient unis sous la bannière du Front National, le vrai. Celui qui montrait les poings et refusait le bras tendu en signe de salut.

Et comme en écho le rebelle devenu président de souligner lors d’un voyage officiel «  Il faut que chaque fois que la France entame une nouvelle période de sa vie, les corses en soient les artisans et les témoins privilégiés. »

Absente de ce pèlerinage qui se vautra dans le ridicule, la Corse observa ces postures surfaites, écouta le concert de louanges aux accents de fausseté. Entendit les bonimenteurs. Elle se dit un brin caustique qu’elle n’avait rien raté.

Chez nous, nul besoin de paraitre, fut-ce au prix de simagrées. Ici quand défilaient les bottes de Mussolini et qu’étaient scandés les chants Nazis, la population protégeait les Juifs. Aucun ne monta dans les wagons plombés pour des voyages au bout de l’enfer.

Dans cette prosternation quasi-totale devant l’icône, rares sont ceux qui dans leurs propos officiels ont une phrase bienveillante à l’égard de la question corse. Rien ne trouve grâce à leurs yeux hexagonaux. Pis ce sont sarcasmes et quolibets. Comme à l’Assemblée nationale, quand les députés nationalistes prennent la parole.

En toute modestie, osons dire qu’un petit peuple ne réclame pas aujourd’hui de passe-droit pour service rendu au gaullisme lors de l’occupation. Mais simplement sa part de vérité et de reconnaissance. Il refuse de porter cette injuste croix. Fut-elle de Lorraine. Lui aussi veut, légitimement, faire entendre son chant des partisans.