DE DISSENSIONS EN POSTULANTS, UNE AUTRE DONNE DE LA DROITE

À l’Assemblée de Corse, le groupe Un Soffiu Novu se divisa. La dissension incarnée par ses deux co-présidents Valérie Bozzi et Jean-Martin Mondoloni tourna à l’avantage de ce dernier, hostile à l’octroi du pouvoir législatif. Sans préjuger des éventuelles conséquences d’une telle fissure, le visage du camp libéral pourrait cependant se modifier avec l’entrée en lice de Xavier Ceccoli qui crée son propre parti. Et celle de Pierre Alessandrini référent insulaire de Nouvelle Énergie.

Par Jean Poletti

« Adapter plutôt qu’adopter. » Tel est l’inlassable credo de Jean-Martin Mondoloni. Ce régionaliste convaincu signifiait ainsi une nouvelle fois les limites qu’il accordait aux avancées institutionnelles. En contrepoint, Valérie Bozzi affirmait d’une belle formule le jour du vote «Quand j’entends La Marseillaise je me lève, quand j’entends le Diu vi salvi Regina, j’ai la main sur le cœur. Ce soir, j’ai la main sur le cœur.» Ainsi peuvent être résumés de manière lapidaire deux positionnements antagonistes. Déflagration ou simple parenthèse? Quoi qu’il en soit si

le duel exista, il fut à fleuret moucheté. Chaque fraction s’appliquant à relativiser cet épisode, l’apparentant à une sorte d’union dans la diversité. Pour autant d’aucuns ne sont pas loin de penser qu’une telle dichotomie sur une décision majeure pourrait introduire insidieusement le ver de la discorde dans le fruit de l’homogénéité. Et des regards se tournent inévitablement vers Laurent Marcangeli, supposé avoir été en onde de choc partiellement désavoué par le groupe territorial.

Antoine Maestrali pédagogue

Le député, nul ne l’ignore, est en parfaite symbiose avec Gilles Simeoni dans le processus d’autonomie. Aussi dans une analyse sincère ou quelque peu perfide, des voix murmurent que le président de Horizons au Palais Bourbon serait fragilisé localement et dans son plaidoyer auprès de parlementaires réfractaires à toute réforme. Nullement, rétorque Antoine Maestrali. Le conseiller spécial du groupe parlementaire et délégué municipal à la mairie d’Ajaccio, balaie d’un revers de manche les supputations diverses et variées. Les renvoyant à de vulgaires chimères. Il prend soin de préciser, à toutes fins utiles, que sa réaction est étrangère à son indéfectible amitié avec la figure de proue de la droite insulaire. Elle s’enracine dans la réalité, martèle- t-il. Et d’expliciter en substance que dans le landerneau politique de la capitale les explications de Laurent Marcangeli enregistrent, aujourd’hui plus qu’hier encore, un écho favorable. Il recueille au gré des rencontres des ralliements de députés de diverses mouvances, notamment de l’union centriste. Tandis que des sénateurs prêtent aussi une oreille attentive à ses explications. En bannissant tout procès d’intention et sans jouer les augures, Antoine Maestrali déboute avec diplomatie ceux qui à l’aune d’un vote épars à l’Assemblée de Corse seraient tentés de tirer des conclusions hâtives concernant le coup de canif dans le leadership électoral de Laurent Marcangeli. «Le rapport de force se joue exclusivement dans les élections. Le verdict des suffrages populaires est en effet le seul qui vaille en démocratie. Le reste n’étant qu’arguties gratuites.» Tel est le rappel renvoyant à une imparable doctrine. Elle jette par-dessus les moulins ce qu’en non-dit éloquent notre interlocuteur semble qualifier d’assertions bassement politiciennes, qui se fracasseront sur l’implacable mur d’un futur scrutin.

Ceccoli dans l’arène

Mais si l’on daigne, l’espace d’un instant, scruter plus largement le spectre de la droite locale nul doute qu’il apparaît sinon extrêmement fluctuant à tout le moins loin d’être figé. Ayant perdu bon nombre de bastions, dont le principal, certains pensent légitimement qu’il est grand temps de changer de discours et de méthode. Au cœur de cette révolution de palais figure en bonne place l’entrée en lice de François-Xavier Ceccoli. Le président de la Fédération Les Républicains de Haute-Corse se décide à créer son propre parti. On pouvait penser que sa compétition aux récentes législatives, où il faillit détrôner le sortant, n’était qu’un chapitre isolé dans sa vie d’élu local. Nullement. N’abandonnant pas en route sa philosophie d’un libéralisme pétri d’humanisme, il aspire au renouveau de sa famille politique. Aidé par une équipe qu’il fédère et au fil des contacts avec des édiles locaux, voire des représentants de la société civile, son crédo est de « remettre l’église au centre du village». Sans outrance ni ukases, un peu force tranquille, François-Xavier Ceccoli n’accepte plus ces frontières étanches à ses yeux surannées, qui structurent les faits et arguments de la politique insulaire. Cela vaut sans doute aussi pour la mouvance dont il est adhérent. En forçant quelque peu le trait dire qu’il appelle de ses vœux une troisième voie ne paraît pas usurpé.

Vision sociale

Dans une discussion à l’emporte-pièce, celui qui est également maire de San Giuliano énumère un panel qu’il fonde à maints égards dans le creuset de l’inefficience de l’actuelle majorité territoriale. Port de Bastia, programme d’investissement de l’eau, déchets, budget. François-Xavier Ceccoli affirme qu’en regard de ces carences il ne peut demeurer plus longtemps témoin passif. Dans un mélange d’humilité de convictions et sans se départir de son authentique honnêteté intellectuelle, il affiche sa volonté d’apporter sa pierre à l’édifice « pour un mieux vivre individuel et collectif des habitants». Le développement économique? Oui bien sûr mais en le jumelant avec l’impérieuse nécessité d’éradiquer la précarité. À cet égard, il propose, entre autres, d’accorder des avantages fiscaux aux petites et moyennes entreprises qui en corollaire auront des obligations sociales. Une piste jalonnée de réciprocité susceptible de concrétiser cet essor partagé qui serait une arme pour lutter contre cette misère au soleil. Injuste tribut désormais payé par trop de citoyens. À telle enseigne que les associations caritatives ne parviennent plus à gérer la demande sans cesse croissante. Certes, il applaudit à cette solidarité agissante. Pour autant, au non de la dignité, nul doute que son choix rejoindrait celui de Confucius « Quand un homme a faim mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson.»

Au nom de Lisnard

Hasard de calendrier? Dans le même temps ou presque Pierre Alessandrini s’active pour implanter Nouvelle Énergie dans l’île. La formation fut lancée au niveau national par David Lisnard, premier magistrat municipal de Cannes et président des maires de France. Cette figure montante de la droite veut essaimer sur tout le territoire. La démarche a-t-elle un espace chez nous? Oui, dit sans ambages son référent régional. Originaire d’Antisanti, il puise son expertise dans ses anciennes fonctions à l’Adec, à la mairie de Porto-Vecchio et actuellement à la Communauté des communes de L’Oriente. Son constat? «La Corse a connu, il y a plusieurs années, l’accession au pouvoir d’une majorité nationaliste. Un phénomène comparable à celui que concrétisa Emmanuel Macron, avec la promesse d’en finir avec un “ancien monde” pour résoudre les problèmes ici et dans l’Hexagone. Force est de relever que cette promesse de changement n’a pas été tenue. Cela participe de la crise de l’exécution à laquelle nous voulons remédier. »

Éloquents combats passés

Comparaison n’est pas raison mais en convoquant l’histoire récente chacun peut déceler qu’à chaque évolution statutaire des lignes de fracture parcourent chaque mouvance. Tandis que se profile l’avènement de forces nouvelles. Sans qu’elle en ait l’exclusivité, cela semble un marqueur dans le giron de droite. Ce fut le cas lors du statut Defferre, où Jean-Paul de Rocca Serra dut affronter son ennemi intime José Rossi. Ce dernier candidat aux trois tours de l’élection permit au radical de Gauche Prosper Alfonsi d’être élu président de la première Assemblée régionale. Bis repetita sous l’ère Joxe. Là aussi la droite se déchira. José Rossi fut rapporteur du projet. Le député Paul Patriarche et d’autres se rangèrent dans le camp des évolutionnistes. Ils furent rejoints par Marc Marcangeli, ancien maire d’Ajaccio, au grand désarroi de son oncle Charles Ornano et nombre de caciques bonapartistes. Sans parler de ceux qui affichaient la prudence de Sioux meublant leur attentisme par des propos alambiqués, en attentant de connaître dans quel sens soufflerait le vent. Et monter dans le train du vainqueur. À gauche, ce ne fut pas non plus le fol

  

amour et la fameuse appellation camarade n’était que clause de style.

Les communistes évoquant la primauté de la solidarité nationale pour pallier les difficultés salariales. En résonance, Nicolas Alfonsi et Émile Zuccarelli formèrent un axe nord-sud afin de marteler la République une et indivisible. Les nationalistes y allèrent de leur couplet critiquant la tiédeur des mesures qu’ils qualifiaient de réformette et de trappula. Bref, dans des argumentaires diamétralement opposés se forgea une coalition de circonstance. Certains dénonçaient un toboggan vers l’indépendance, quand d’autres mettaient leur véto à une mutation jugée insipide. Finalement la droite remporta les élections et se coula, sans autre forme de procès, dans les nouvelles institutions, tandis qu’autonomistes et indépendantistes s’acquittèrent de leur rôle d’opposants. E la nave alla, sous le regard amusé d’un Laurent Croce. Il avait œuvré avec ses amis pour que cette réforme vit le jour. Se souvenant de l’ostracisme qu’il affronta durant l’intense bataille qui fit rage lors de son élaboration.

Esprit de reconquête

Éternel recommencement? Vraisemblablement pas. Les enjeux ne sont pas identiques, pas même similaires. Mais cela n’empêche pas que le processus en cours, à l’incertaine finalité, provoque des remous et facilite à n’en point douter l’émergence de personnalités libérales désireuses de faire entendre une autre partition. Si ce n’est pas une redistribution des cartes, cela semble y ressembler étrangement. Avec en toile de fond, l’esquisse de stratégie de reconquête du pouvoir d’une droite reléguée depuis longtemps sur les bancs de l’opposition territoriale. Une sorte de changement dans la continuité, ou de continuité dans le changement. À la convenance de chacun.

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