Corti, la belle (presque) endormie

Sicondu tempu di cunfinamentu, eccu a Corsica torna inchjudata da u guvernu è da e direttive di a mossa anti- covid. In pienu core sò stati tocchi cummercianti, studienti, artisgiani. È in pienu core di l’isula : eccu à Corti, capitale storica è cità universitaria chì offre à i studienti i so più belli ricordi d’amparera… è di surtite ! Ancu a Cità di l’orsu s’hè spinta quandu Macron hà annunziatu u sicondu capitulu di u cunfinamentu naziunale, u 29 d’uttobre, à mezanotte.

Più studienti, più osterie, ne più buttege : Corti di vaghjime in un silenziu senza paru. Paroles de Corse hè andatu à stà à sente issu silenziu è quelli chì u ricusanu. Ghjustu qualchì ghjornu prim’à u scunfinamentu parziale di u 28 di nuvembre.

« On a besoin de vous, ne nous laissez pas mourir ! »

9 heures du matin à Corte en cette toute fin de novembre, le soleil ne suffit pas à réchauffer une ville qui a connu le gel de la nuit. Il se lit encore sur la végétation. Au rond-point historique de l’Oriente, le bal des feux rouges a connu de plus belles heures d’affluence. Le bar a baissé le rideau, confinement oblige, à l’instar de la faculté de droit.

Sobre dans ses lignes, cette dernière est vide, à travers les grandes vitres, on ne voit que les sorties de secours allumées. À n’en point douter, Corte a vécu des heures plus enlevées. On se glisse à travers une inexistante circulation vers le cours Paoli où, peut-être, âme qui vive se fera remarquer. En effet, l’artère principale est plus passante. On trouve, ça et là, devant les boutiques fermées, des colis de livraison comme autant de confirmations de la réouverture prochaine. Les commerçants sont souvent enfermés dans leurs magasins histoire d’être prêts pour le 28 novembre. C’est avec un grand sourire que vient vous chercher à sa porte vitrée Élodie, créatrice de la marque Sgiò. « On prépare la réouverture de samedi, ça risque d’être la folie », confie la jeune femme originaire de la Plaine orientale. « On ne s’attendait vraiment pas à ce deuxième confinement. Passée la stupéfaction, nous avons absolument tout misé sur les réseaux sociaux et le e-commerce », poursuit Élodie. « Or, notre clientèle était déjà bien habituée à la commande en ligne, avec cet événement les gens ont vraiment joué le jeu. »     

Le message de la jeune cheffe d’entreprise ne manquait pas de clarté face à la crise : « On a besoin de vous, ne nous laissez pas mourir ! » C’est sans plus attendre que les messages de soutien ont afflué ! L’enjeu était d’autant plus grand pour la boutique que toute la collection d’hiver est arrivée, hasard du calendrier, le jour même du deuxième confinement ! Une rude épreuve que Sgiò a traversé sans trop d’encombre grâce à un système de drive mis en place et une ligne téléphonique au bout de laquelle un voix chaleureuse vous conseille à loisir sur vos futurs habits et accessoires. Un clic et Sgiò s’invite chez vous, sous la forme d’un bleu de Chine revisité, de tee-shirts customisés avec soin, de parfums ou de Pascal Paoli variant du style classique aux couleurs acidulées.

 « Le premier confinement a été un choc économique mais surtout psychologique »

« Nous redoutons tellement un troisième confinement que nous avons pris la décision de quitter la boutique de Corte au 31 janvier prochain », annonce la jeune créatrice. C’est beaucoup de charges dans un climat incertain. On a la peur d’un troisième confinement. » Plus de boutique physique donc, et l’assurance de ne plus dépendre ainsi des aléas viraux ou gouvernementaux, seuls demeurent les points de vente sur l’île, l’Espace Sgiò dans une boutique de la place des Vosges ou encore, un revendeur multimarques à Saint-Germain. « Je voulais créer une marque confortable et sportwear pour les 25-35 ans, c’est donc assez adapté aux périodes que nous vivons notamment avec le mode télétravail », explique Élodie. Et de poursuivre :  la chance également est de maîtriser notre marque, et il n’y a donc pas de revendeur sur Internet qui pourrait vendre du Sgiò à notre place. » Des cadeaux pour toute les bourses, des collaborations inédites comme avec le Sporting, Sgiò a atteint bon nombre d’objectifs. À quelques mètres de la boutique, Pascal, un peu plus de 80 ans, lit son journal au soleil. « Pour moi, ça ne change pas grand-chose, je peux encore voir ma fille même si ce n’est plus comme avant », témoigne cet habitant de la place Paoli. J’ai écouté le Président parler, on est quand même un peu perdus dans cette crise. On va presque devoir fêter Noël en cachette. » Le seul bruit aux alentours est celui du balai de l’employé municipal qui nettoie la place vide et vient saluer Pascal en silence. Sentiment d’univers parallèle, si loin du brouhaha du monde d’avant.

Un peu plus bas sur le cours Paoli, une autre jeune femme ne se laisse pas démonter par cette période sombre pour le commerce. Davia a ouvert « L’arrière boutique », il y a plus d’un an.

« Les étudiants nous manquent énormément »

Un lieu cosy dont la partie traiteur permet de rester ouvert malgré ce deuxième confinement. « Le premier a été un choc économique mais surtout psychologique », témoigne la jeune entrepreneuse. Puis en prenant de grandes précautions, on avait réouvert tandis que pour celui-ci, avec l’accord de nos comptables et au regard de notre statut de traiteur, nous sommes restés ouverts et assurons les livraisons. Nous sommes davantage rodées avec ma collègue. » Thés raffinés, éléments design, productions insulaires haut de gamme, L’arrière boutique a de quoi faire passer de bons moments gastronomiques chez soi. « Nous tenons grâce au soutien de nos clients, ils ont joué le jeu à fond », explique Davia. Après les étudiants nous manquent énormément. La réouverture du 28 novembre va au moins redonner un peu de dynamisme à la ville même si le manque à gagner de 2020 ne sera jamais rattrapé, hélas ! »

Trottoir d’en face, une institution depuis 1887 : la Boulangerie Casanova. La patronne prend quelques instants de pause pour nous livrer ses impressions. « Le fait que nous restions ouverts, c’est presque du service à la personne », commente la responsable. Mais ça ne veut pas dire que nous travaillons comme d’habitude, c’est très difficile ! » D’ici quelques heures, la boutique mettra ses plus beaux atours pour les fêtes de fin d’année. « On va jouer le jeu pour nos clients », commente la patronne. Mais ça ne sera jamais les fêtes qu’on a pu connaître jusque-là. J’espère juste que la réouverture de tous les commerces et le fait qu’on puisse se retrouver en famille va casser un peu cette morosité ambiante ! » Et si nous faisions un saut dans un autre commerce qui n’a jamais fermé, lui non plus, car vendeur de tabac ? La Bouffarde a pignon sur cours, même si dernier est quelque peu désert. Jouets de bois, souvenirs, le père et le fils qui tiennent ce commerce sont fidèles au poste. « Même si la majorité des commerces réouvrent, si les étudiants ne reviennent pas, ça ne va pas changer grand-chose pour nous ! », confie Jean-Philippe.

C’est surtout du côté des restaurateurs que la fermeture de l’Université pose problème même s’ils venaient à réouvrir leurs tables en janvier. « Ils représentent 70% de mon activité », confie un restaurateur souhaitant rester anonyme. Me concernant, j’essaye de tenir en faisant un peu de livraison et ce, avant tout, pour pouvoir garder mes employés ! L’aide de 10 000 euros prévue dans le fonds de solidarité devrait me permettre de résister jusqu’à la mi-janvier. Par contre, je suis contrarié pour ceux qui viennent de prendre des gérances ou de s’endetter pour lancer une affaire. »

« Nous vivons une catastrophe »

Même son de cloche douloureux pour un autre restaurateur préférant également que son nom ne soit pas cité, comme une pudeur en plein naufrage : « Nous avons tous les mêmes mots à la bouche : nous vivons une catastrophe ! La réouverture se fera au mauvais moment, en pleine saison morte cortenaise, février… Je compte pour ma part énormément sur le plan de relance de la CDC. »

Le temps s’égrène très lentement en cette fin novembre à Corte. Comme si l’horloge s’était arrêtée subitement. Pourtant les heures passent malgré tout, il est déjà 18 heures et les lumières de la librairie-papeterie Valentini attirent l’œil.

On pousse la porte, et le premier regard se pose sur un ouvrage de circonstance : Manuel pour une sortie positive de la crise.

« C’est le côté papeterie, classé dans la liste des commerces essentiels, qui nous sauve », précise Jeanne. Et puis nous travaillons également beaucoup avec les écoles pour les commandes de livres. Cependant, la perte d’activité reste énorme. » Niveau lecture, le roman reste roi dans cette librairie du cours : « Les gens ont plus que jamais besoin d’évasion et puis, la rentrée littéraire a été si bonne ! » Une cliente rentre justement récupérer des livres réservés et lance au passage : « C’est à nous de ne pas commander sur internet ! » « Merci à vous », lui répond avec affection la libraire, accompagnée de son mari à qui elle rappelle de bien mettre un nœud sur le papier cadeau qu’il vient de faire. Ici, le client prime, on prend le temps d’écouter ses désirs de lecture ou de cadeaux. « On a tellement moins de passage qu’on a mis cette table pour travailler et moins perdre notre temps », indique Jeanne. Quand on demande à ce couple charmant ce qu’il pense de cette année 2020, la réponse fuse comme d’un seul homme : « qu’elle se finisse et vite ! ».

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