CONSOMMATION:

Budget en (fragile) équilibre

Alors que le nombre de personnes surendettées n’a jamais été aussi bas en France depuis 1990, quelle est la situation en Corse ? Comment les ménages sont-ils accompagnés ? Et surtout comment prévenir ces difficultés ? Différents dispositifs existent dont l’objectif est de trouver une solution personnalisée. De l’étalement à l’effacement de la dette, à la vente d’une partie du patrimoine, l’anticipation reste la clé mais encore faut-il s’adresser au bon interlocuteur.

Par Caroline Ettori

Quand baisse est synonyme de bonne nouvelle. En matière d’économie, ce n’est pas si souvent que ça arrive. La France a ainsi enregistré en un an une diminution de 12% des nouveaux dossiers de surendettement. Et la Corse s’inscrit bien dans cette tendance, confirmée par les données de la Banque de France, établissement de référence pour cette procédure. De manière générale, l’île compte 190 situations de surendettement pour 100 000 habitants avec un endettement médian de 22 337 euros contre 16 812 euros en moyenne nationale. Si hommes et femmes sont plutôt égaux devant le surendettement, les propriétaires et les personnes âgées en difficultés sont surreprésentés dans l’île. Jean-Charles Sananes, directeur régional de la Banque de France revient sur l’origine de ce dispositif : « Nous venons de fêter les 30 ans de la procédure de surendettement. La loi de 1989 répondait alors à un constat : de plus en plus de ménages ne pouvant plus faire face à leurs dépenses courantes ni rembourser leurs prêts, il devenait urgent d’agir. Cette mesure était alors pensée comme transitoire. » Elle s’est finalement installée dans le temps résultant de causes diverses et multiples. « Tout peut arriver très vite : la perte d’un emploi, du soutien de famille, un accident de la vie et puis, il y a aussi les comportements à risques. » Pourtant, l’environnement juridique a évolué durant ces 30 dernières années. « Le faiseur de surendettés » soit le crédit revolving ou crédit à la consommation est désormais plus encadré. Aujourd’hui, « seuls » 40% des dossiers ont pour cause principale ces crédits. Ils ne sont plus majoritaires. En outre, le directeur de la Banque de France relève également une évolution très sensible du profil des personnes concernées : « Lors de la mise en place du dispositif, les surendettés étaient “actifs” dans le sens où leur consommation, leur surconsommation les avaient conduits à cette situation. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il s’agit plus d’un problème de précarité, de dépenses liées simplement à la vie courante. »

Comment anticiper ?

Afin de prévenir cette procédure intimidante, il existe des outils, des interlocuteurs qui permettent aux ménages, aux personnes en difficultés de surmonter ces temps difficiles. Parmi eux, Michel Stroppiana, directeur de l’Udaf de Haute-Corse, l’Union départementale des associations familiales. « Nous proposons d’accompagner ce public sur la dimension budgétaire. Qu’est-ce que le budget ? Comment est-il élaboré ? On se rend compte que dans un grand nombre de cas, le ménage n’a pas anticipé les dépenses et ne sait quasiment pas créer et utiliser un budget. Nous allons tout d’abord poser un diagnostic. Après avoir identifié l’origine des difficultés, on proposera à la famille un outil pour concevoir un budget type, mensuel, annuel. Nous suivrons régulièrement l’évolution du foyer et comment la famille a digéré cette notion d’éducation budgétaire. »

Si l’action de l’Udaf vise un public adulte, l’ambition de l’Union est de sensibiliser les plus jeunes, les scolaires. La France étant l’un des rares pays à ne pas proposer d’éducation budgétaire à ses élèves.

Par ailleurs, l’organisme est également plateforme d’instruction de microcrédit personnel, un dispositif qui permet à des familles de revenus modestes de pouvoir rebondir rapidement. « Il y a une partie “professionnelle” pour accompagner le développement d’une entreprise, acheter ou réparer un véhicule, financer une formation. Le système n’est peut-être pas parfait mais il rend de considérables services. » Michel Stroppiana qui rappelle aussi que « toutes les sollicitations trouvent une réponse adaptée. Les familles pouvant contacter l’Udaf directement ou passer par les travailleurs sociaux. Le plus important est d’établir un lien de confiance avec les familles ».

Chez ma tante

Autre organisme qui peut proposer une solution « d’urgence » aux personnes en difficultés : le Crédit municipal. Jean-Marc Mattei, directeur du Crédit municipal de Bastia, revient sur les missions de l’établissement public. « Nous sommes souvent assimilés à une banque mais bien qu’effectuant des activités bancaires, nous proposons surtout une activité de prêt sur gage. C’est une solution pour ces personnes en situation de précarité, hors système bancaire. C’est simple, rapide. Il suffit de présenter une pièce d’identité et un justificatif de domicile et son ou ses objets de valeur à gager et on obtient immédiatement un dépannage. »

L’évaluation de l’objet est faite en agence soit par un commissaire-priseur soit par une personne ayant sa délégation. L’estimation est réalisée immédiatement, sans rendez-vous. Lorsque les objets sont divers ou s’ils nécessitent une expertise complémentaire, les services du Crédit municipal peuvent alors faire intervenir un spécialiste. « Dans ce cadre, nous organisons à Bastia depuis quelques mois des journées d’expertise gratuite en présence d’un commissaire-priseur. L’évaluation est soit immédiate en fonction des prix des enchères publiques soit différée en fonction de la nature rare ou précieuse de l’objet. »

La somme d’argent reçue contre l’objet gagé devra bien sûr être remboursée sous 6 mois renouvelables. Si les personnes veulent finalement vendre leurs objets, des enchères publiques peuvent s’ouvrir au bout de trois mois. « Bien sûr les clients restent informés durant la durée du prêt. Outre l’information concernant l’engagement, un site Internet permet à chaque client d’avoir un espace dédié et de suivre son contrat tout au long de sa durée », précise Jean-Marc Mattei.

Surendettement : mode d’emploi

Un crédit d’un genre particulier qui peut pallier le défaut d’accès aux crédits traditionnels pour les personnes surendettées. En effet, l’acceptation du dossier de surendettement va entraîner l’inscription de l’usager au Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) que les conseillers bancaires ont obligation de consulter avant d’accorder un crédit. La durée du fichage est de 5 ans maximum alors que le plan de remboursement mis en place peut aller jusqu’à 7 ans.

Concrètement et en détails, le dossier est retiré auprès de l’antenne de la Banque de France de son département qui instruira le cas. La commission de surendettement, regroupant 7 membres, présidée par le préfet ou la préfète statuera sur son acceptation. Un plan de redressement sera ainsi décidé. La démarche est totalement gratuite et confidentielle. L’objectif étant de rembourser tous les créanciers en maintenant l’équilibre financier de l’usager. En général, les intérêts sont perdus, il arrive même qu’une partie de la dette soit également effacée ou qu’une partie du patrimoine soit vendue. Contrairement à ce qui se faisait encore il y a quelques années, les procédures « simplifiées », les mesures recommandées par la commission, laissent moins de place à la négociation ; excepté lorsqu’il s’agit de conserver le bien immobilier dans lequel vit la personne surendettée.

Jean-Michel Sananes conclut : « Au-delà de l’aspect administratif, cette procédure a été mise en place pour donner une deuxième chance aux personnes en difficultés. Grâce à cet accompagnement, elles arrivent à retrouver tous leurs droits ainsi qu’une virginité bancaire et financière. C’est bien là l’essentiel. »

Les commentaires sont fermés, mais trackbacks Et les pingbacks sont ouverts.