Ainsi s’ouvre la période de Noël avec ses repas gargantuesques à répétition, ses produits exotiques venus des antipodes et son pic de gaspillage alimentaire. Et si la tendance cette année était justement d’inverser la tendance ? Les fastes indigestes sont désormais surfaits. Consommer moins mais mieux : un cadeau «inestimable» pour votre portefeuille et la planète.
Par caroline Ettori
Chaque année, dans le monde, un tiers des aliments produits ne sera jamais consommé. En France, cela représente 10 millions de tonnes, l’équivalent de 18 milliards de repas. Et si ces chiffres donnent le vertige, le malaise est encore plus grand lorsqu’ils sont ramenés aux individus. En effet, cela équivaudrait à près de 30 kg d’aliments gaspillés par personne et par an dont 7 kg de produits qui ne seront même pas déballés. Si on ajoute les cantines et restaurants, ce chiffre grimpe à 50 kg d’aliments jetés alors que les hôpitaux pointent à 40% de gaspillage. À l’approche des fêtes de fin d’année, les campagnes de sensibilisation s’intensifient. Œuf qui parle, salade boudeuse ou encore pot familial de crème fraîche cédant son tour au format mini, les consommateurs ne peuvent échapper aux messages d’alerte même s’ils ne sont que le dernier maillon de cette chaîne alimentaire.
Action collective
Établir une liste de course rigoureuse, choisir le produit adapté, ne pas avoir peur d’une carotte un peu cabossée… Pour Marc Tomasini, animateur au sein du Syvadec, ces bonnes pratiques s’acquièrent dès le plus jeune âge. En 2016, le Syndicat a ainsi conçu le programme : Eco Scola. Celui-ci a pour objectif d’ancrer davantage les comportements écoresponsables dans les établissements scolaires volontaires en accompagnant les enseignants dans la formation des élèves. «Nous faisons un diagnostic de l’établissement : tri des déchets, gestion des cantines, gaspillage alimentaire… Nous analysons ce qui est fait, ce qui marche et bien sûr ce qui reste à faire. Cet effort est collectif et lie le Syvadec, les écoles et les collectivités. En outre, les enfants font de formidables ambassadeurs de la lutte contre le gaspillage. Ils sont souvent bien meilleurs élèves que leurs parents et les influencent dans leur comportement au quotidien. Les familles peuvent adopter des gestes simples comme le compostage ou la congélation quand la date limite de consommation approche. » Une éducation au bon sens que David Cruciani poursuit auprès d’adolescents et jeunes adultes. Il est assistant de prévention au lycée agricole de Borgo avec quelque part, une double casquette. Il forme les professionnels de la filière agricole, les futurs producteurs et gère la restau- ration collective de l’établissement. « Nous travaillons depuis plusieurs années avec l’Ademe qui a établi un bilan de la gestion des stocks, des effectifs et de la qualité nutritionnelle de notre cantine. Nous avons suivi les recommandations des experts et cela a abouti à un certain nombre d’innovations dont par exemple, la mise en place d’un « Salade Bar ». Ce service permet la valorisation de produits bio locaux tout en répondant à une tendance alimentaire. Par ailleurs, une partie de nos élèves a collaboré avec les cuisiniers pour redorer l’image de la cantine et déconstruire certains clichés de malbouffe industrielle. Et cela ne coûte pas plus cher. Résultat, en deux ans, le gaspillage a été réduit de 30% et les mentalités changent. »
L’écologue au sein du cabinet AMIC, Anne- Marie Isetti-Crevieux, représente cinq restaurants situés à Vizzavona et sa région. Ils ont fait appel à cette professionnelle de l’antigaspi dans le cadre d’une démarche plus large que la seule dimension alimentaire. « Mes clients s’inscrivent dans un programme de performance environnementale. Il s’agit autant d’économie d’énergie que de circuits courts pour leur approvisionnement. La difficulté pour eux est de maîtriser la diversité du public, sa fluctua- tion. Ma mission est d’étudier les méthodes de travail et d’apporter des résultats concrets et immédiats. Il faut savoir qu’un gain écologique est un gain économique. »
Depuis la loi de 2016, les dons, des grandes surfaces aux associations
ont augmenté de 22%.
Un raisonnement implacable quand on estime le coût du gaspillage alimentaire à 565 milliards d’euros par an à l’échelle de la planète. Anne-Marie analyse la politique d’achat, la cuisine, le service et le retour de plats. Mais plus que des chiffres, le changement doit
aussi et surtout être psychologique. « Il faut mobiliser toute l’équipe, et là, c’est la force du chef d’entreprise d’encourager ses employés à adhérer à cette démarche et adopter les bons gestes. Par exemple, on va jouer sur la taille de l’assiette, la quantité, les produits locaux qui entretiennent le lien social, le service au plat plutôt qu’un buffet. Et ça paie ! »
Dans le secteur de la restauration, l’autre révolution des comportements et des mentalités serait de promouvoir les fameux doggy bags. La loi du 27 mai 2018 rend obligatoire d’ici à 2021 ces boîtes dans lesquelles vous pouvez emporter les restes de votre assiette. Initialement destiné au chien du foyer, ce surplus permettrait de réduire considérablement le gaspillage alimentaire (24% des déchets des restaurants). Ne reste plus qu’à se moquer du regard des tables voisines voire des restaurateurs eux- mêmes qui souvent considèrent ce service comme une contrainte. Peut-être que le marketing offrira une issue socialement acceptable à cette initiative. En effet, le doggy bag devient le « Gourmet bag », nettement plus chic. Durant la semaine européenne de réduction des déchets du 17 au 25 novembre dernier, la Capa a d’ail- leurs relancé l’opération « Gourmet Bag » à destination de 48 restaurateurs volontaires pour tester le dispositif auprès de la population du Grand Ajaccio. « L’idée est moins de faire des économies que de faire un geste pour la planète », rappelle Anne-Marie Isetti-Crevieux.
Action solidaire
Un geste pour la planète mais également un geste pour les plus démunis. Le gaspillage alimentaire est de la responsabilité des sociétés développées, un « souci de riches » qui impacte comme trop souvent un public précaire. Depuis février 2016, les grandes surfaces de plus de 400 m2 doivent établir des
conventions avec des associations pour leur donner des denrées invendues ou dont la date de péremption approche. L’effet est bien réel puisqu’on constate une augmentation de 22% de dons. De la même manière, il existe des Frigos solidaires, des réfrigérateurs en libre- service installés dans un espace public, remplis de produits donnés par le voisinage, les commerçants ou les restaurateurs. Ils permettent aux personnes en demande de se nourrir et évitent le gaspillage alimentaire.
Des réfrigérateurs ont déjà trouvé leur place à Marseille, Nantes, Metz et Paris. Enfin, plusieurs applications existent pour gérer sa consommation : Too Good to Go, Optimiam, Frigo Magic ou Zéro Gâchis qui proposent des réductions et des bons plans pour mieux consommer. Autant de bonnes résolutions pour la nouvelle année.
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