BORD D’AILES DE MERLE

Un peu de littérature en ce bas monde!

Par Nathalie Coulon

Il y avait au début des années 80, un programme délicieux qui débridait le téléspectateur chaque soir, un programme salutaire, un antidote à la bouffonnerie ambiante, un reconstructeur de méninges : « La minute nécessaire de monsieur Cyclopède », présenté par Pierre Desproges. C’était ce souffle de liberté qui faisait partie d’un courant vivifiant, un courant d’air pur. Des minutes nécessaires, Ô grand Dieu, il y en aurait bien besoin dans nos vies robotisées entre un avion qui décolle et ces trains qui finalement n’arriveront jamais à
l’heure indiquée. Embarqués dans ces wagons qui jour après jour poussent le train-train bien rempli de nos vies, monsieur Cyclopède serait le bienvenu, l’alternateur pour nous sauver du «con du jour», «de la couille dans le potage», de tous ces ingrédients qui font que vous passerez plus ou moins «une belle journée de merde!».
Bord d’ailes de merle. Cette sonnerie de réveil qui chaque matin vous éjectera hors de votre lit douillet a l’aube avec son petit horaire formel entre 06:00 et 06:50 pour les plus chanceux. Un horaire de fonctionnaire pour le boulanger qui pétrit son pain dès potron-minet. Se laisser aller au fantasme bourgeois bohème de n’avoir aucune contrainte horaire que celle de se poser un long moment devant un café, apprécier de pouvoir buller. Promouvoir une campagne anti quotidien, combattre le temps qui nous bouffe et se laisser aller à flotter dans un petit bain de jouvence, avide de savoir rythmé par les douces notes de la culture. Alors, j’ai décidé de m’imposer en plus des 5 fruits et légumes par jour entre poivrons, tomates et une grappe de raisin noir de réécouter mes podcasts ceux loupés dans la semaine. Un replay, une rediffusion quoi ! Il y a quelques semaines déjà, Jérôme Ferrari était l’invité d’Augustin Trapenard dans «Boomerang» sur France Inter. C’était bon ça, d’écouter parler de photogra- phies, de l’obscénité des images, de l’âme humaine, de la curiosité stagnante des élèves, d’une dédicace de rentrée de Ferrari à ses collègues enseignants, du militantisme. Ce monde si porno qui ne cesse de nous envahir de ses images laissant à l’homme croire à sa propre légende, écrire son histoire. Des êtres du beau qui tout à coup envahissent. Occuper l’espace, inventer un temps. J’ai décidé d’aller cet après-midi acheter Balco Atlantico et puis de lire À son image dans la foulée qu’on
m’a gentiment offert. Dans «Boomerang», il y avait cette chanson de Nirvana en 1994, une de mes chansons préférées. Entre Kurt, le soleil et les heures sans pénalités, je m’étais octroyée ces minutes nécessaires. Ça repose et ça envoûte comme une petite musique de chambre qui doucement vous porte vers l’ailleurs. Un autre jour, écouter Jean- Michel Jarre et son futur antérieur, se plonger dans l’univers de James Baldwin. Parler de l’intime, du secret, des droits civiques. Des mots comme une trahison ou plus que ça un don. La représentation que l’on se fait des choses. Objective ou pas ? Parler de Méditerranée, de Kafka, des rives d’un pays à un autre, de guerres cruelles, de faits immondes et comme une empreinte : de femmes belles, d’universel. L’écriture est un territoire, ça répare. L’écriture c’est une jubilation. Les mots sont des matières qui se dorent comme la peau au soleil. Un peu de littérature, de culture dans ce bas monde, tissons des toiles pour nous rapprocher d’une rive à l’autre. On va finir par en perdre le fil, bord d’ailes de merle !

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