Baseball en Corse

Strike* !

Sport roi aux États-Unis, sa pratique est encore confidentielle dans l’île. Mais ça, c’était avant. Avant que quelques passionnés ne fassent revivre, oui revivre, un sport que la Corse avait découvert puis oublié il y a maintenant 70 ans. Filipe Mendes, vice-président des Imperatori d’Aiacciu nous raconte la petite histoire et les grandes ambitions du baseball en Corse.

Par Caroline Ettori

L’histoire du baseball en Corse trouve son origine du côté de la Plaine orientale, entre Solenzara et Ghisonaccia, en pleine Seconde Guerre mondiale…

Effectivement les premiers pas du baseball dans l’île ont été faits en 1943 au sein de la base aérienne qui accueillait les soldats américains durant la Seconde Guerre mondiale. Ce sont donc les militaires qui ont initié les Corses à ce sport qui disparaîtra peu après la fin du conflit. Ce n’est qu’en 1984 que Robert Pasqualini et quelques copains fondent le premier club de baseball : les Generali de Bastia. Ajaccio leur emboîtera le pas en 1988 puis Biguglia et ses Maures, dix ans plus tard. Mais il faudra attendre 2012 pour que l’organisation actuelle se structure.

Vous en êtes l’élément déclencheur…

Très modestement ! En fait, j’ai présenté Robert Pasqualini à un ami originaire de République dominicaine Juan Severino. J’ai connu Juan à l’Université de Corte où nous jouions tous les deux au football américain. Je savais qu’il avait pratiqué le baseball pendant longtemps dans son pays, la rencontre entre ces deux passionnés était pour moi une évidence ! De là, sont nés les Bulldogs de Bastia ; certains anciens sont d’ailleurs revenus, de nouvelles recrues sont arrivées. Un an après, en 2014, de retour à Corte, Juan créera les Orsi, puis Ajaccio lancera ses Imperatori en 2017, aujourd’hui la ville compte deux équipes avec I Filanci, et enfin Calvi rejoindra le mouvement en 2019.

Comment expliqueriez-vous aux novices les grands principes de ce sport qui peut paraître assez complexe…

C’est un sport qui allie physique et surtout stratégie, bien plus que certains sports d’intuition et d’improvisation. Deux équipes de 9 joueurs s’affrontent au cours de 9 manches. Le but était de marquer le plus de points possibles. Le terrain en quart de cercle est divisé en un champ intérieur et extérieur. Au sein du champ intérieur, les 3 bases et la base principale qu’on appelle le marbre, soit le point de départ et d’arrivée du batteur, forment le diamant. En son centre, un monticule de terre battue accueille le lanceur. Chaque équipe est tour à tour en attaque, à la batte, et en défense, au lancer. Le premier temps de jeu correspond à un acte de défense, le lanceur envoie à son receveur une balle que le batteur tentera de frapper. Pour qu’une balle soit considérée comme bonne, elle doit être envoyée dans la zone de strike soit la zone entre les genoux et le milieu du corps du batteur. Le batteur incapable de repousser la balle sera éliminé au bout de trois strikes. À l’inverse, en attaque, l’équipe marque un maximum de points quand une fois la balle frappée, les coéquipiers peuvent avancer de base en base et revenir au marbre. Pour les contrer et éliminer les défenseurs, l’équipe en attaque veillera à récupérer la balle et à la transmettre à la base la plus proche avant que l’adversaire n’arrive. À noter que quand la balle est frappée au-delà du champ extérieur entre les deux poteaux de limite de terrain, on parle d’un « home run ». Les temps d’arrêt sont fréquents et nous permettent de préparer les coups d’après. Je le disais, c’est un sport qui laisse une large place à la réflexion, je comprends pourquoi il s’est imposé au Japon et en Amérique latine.

La Corse n’est pas encore tout à fait une terre de baseball, aussi comment vivez-vous votre sport ?

C’est un ami étudiant américain connu encore une fois à Corte qui m’en a parlé pour la première fois. Fan des Astros de Houston au Texas, il a partagé cette culture avec moi et m’a convaincu. J’ai commencé à jouer deux ans plus tard pour ne plus arrêter. Quand on a relancé le sport, beaucoup de membres savaient déjà jouer. Je pense à Juan mais aussi au Japonais Yuta Niimoto et d’autres, Américains, Sud-Américains, Cubains qui pratiquaient le baseball depuis tout petit. Ces joueurs expérimentés et chacun dans leur style, du plus rigoureux au plus festif, ont su transmettre leur savoir et leur passion aux nouveaux venus. Et je ne vous parle même pas des bienfaits déstressants de la « batte thérapie » qui permet vraiment de se défouler et d’oublier les petits soucis de la semaine.

S’agissant des Imperatori, nous nous entraînons au stade de Suartello le samedi après-midi à 14h. Nous mettons à disposition gratuitement des battes, casques, jersey, uniformes, gants et balles pour les licenciés. L’aspect financier ne doit pas être un souci c’est pourquoi nous proposons une adhésion à faible coût, 100 euros pour l’année. Le but est de faire connaître ce sport aux filles comme aux garçons à partir de 15 ans et que tous en profitent pleinement.

Et cette saison 2020 marque une grande première…

En effet, nous avons participé à plusieurs reprises au championnat PACA et à différents tournois sur le continent mais cette année nous organisons le premier championnat régional à quatre équipes. Chacune a ses chances : les Orsi calvais sont très athlétiques, Bastia a de l’expérience et une grosse cohésion de groupe, nous sommes tous très motivés. Nous visons les compétitions nationales. L’objectif à long terme est de représenter la Corse dans un championnat et d’accéder à des formations « professionnalisantes » de coachs ou d’arbitres. Nous tenons vraiment à démocratiser ce sport, à lui donner une stabilité, qu’on s’éloigne aussi des clichés.

Au-delà d’un sport, c’est une nouvelle culture que vous proposez de découvrir…

Le côté patriotique américain est amusant et nous avons essayé de le transposer. Aux États-Unis, les équipes sont nommées après la particularité, la fierté de la localité, d’où le nom de notre équipe les Imperatori. Et tout se décline en logo, mascotte, c’est l’aspect ludique de l’activité. Mais ce qu’on a vraiment envie de faire passer c’est la convivialité. Le baseball permet un bon esprit de partage entre joueurs mais aussi entre joueurs et spectateurs. Sans pression. Nous passons la journée ensemble puisque nous jouons le matin et l’après-midi. Un grand barbecue coupe les rencontres qui se finissent très souvent autour d’un verre. Il ne faut plus hésiter. En tribune ou sur le terrain, tout le monde est le bienvenu !

*Zone de prise.

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