Au cœur, la Corse, pour Luisella Vèroli

« L’homme de lumière, conclut le philosophe, c’est le principe du temps qui indique à la ronde nocturne, le chemin de l’aurore. »

Jankélévitch

Luisella Vèroli, Italienne, originaire de la campagne bresciana, en Lombardie, a fait de Milan, son lieu de vie artistique et associative ; et de la Corse, au début des années 80, sa deuxième patrie, comme elle aime le dire. Auteure de la première biographie dédiée à la grande poétesse milanaise, Alda Merini, « Reato di vita-Autobiografia e poesia » (1994), elle a aussi écrit sur Ève, sous le titre italien « Prima di Eva- sui sentieri dei luoghi di culto della Grande Dea » (2000 & 2010), sa recherche pluridisciplinaire s’est toujours orientée vers les archétypes féminins. D’autres publications ont été réalisées avant de se consacrer à l’entreprise littéraire d’une biographie romancée autour d’une autre femme : Sibilla Aleramo, et à la reconstitution de son voyage en Corse au début du xxe siècle. 

Par Laura Benedetti

La Corse comme exploration

Diplômée en Langues et Littérature étrangères à l’Université Bocconi de Milan et en Archéologie à l’Université Statale, Luisella s’est dédiée à la recherche des symboles et archétypes féminins de l’époque antique en Europe, Inde, Anatolie et Mésopotamie. Au cours de ses voyages, son attention se portait immédiatement vers les sites préhistoriques, le patrimoine religieux et toutes sortes de traces du passé. Elle est devenue Responsable scientifique, en collaboration avec le Musée de la Préhistoire de Terra Amata de Nice, de l’exposition « Prima di Eva – oggetti di culto della preistorica » ; puis à la fin des années 80, elle a commencé à organiser des séminaires d’écriture créative et a coordonné des groupes de recherche au sein de l’Association Melusine di Milano, dont elle est fondatrice. 

Chaque année, Luisella débarquait en famille à bord de son Camper et fit de l’une des plages entre Sagone et Carghjese, un repaire familial et personnel nommé « Paradiso ». La Corse a éveillé très vite en elle, le désir d’arpenter les lieux traversés par la poétesse Aleramo afin de reconstituer par le biais du roman et des Archives du Fonds Sibilla Aleramo, auprès de l’Istituto Gramsci di Roma, sentiers, villages, et notamment, Évisa, où cette dernière séjourna de juin à octobre 1912 et y composa ses premières poésies. En 2020, Luisella Vèroli parvient à publier son travail de ce récit de voyage de l’Aleramo, sous le titre « Pudore selvaggio, L’estate in Corsica di Sibilla Aleramo », dont la traduction française va prochainement paraître. 

Actuellement, Luisella Vèroli vit entre Milan et le sud de la Corse. Au mois d’août dernier, à l’initiative des Amis du couvent Saint-François de Vico, elle a animé avec passion et sensibilité, une conférence intitulée « Le charme mystérieux des statues-menhirs dans la vallée de Sagone » ; statues non armées du vicolais, près du Monte Lazzu*, qui font œuvre de témoignages émouvants de la civilisation d’agriculteurs-éleveurs, de leurs rites collectifs particuliers aux équinoxes et solstices. 

La Corse comme création

Récemment, c’est en Deborah Levy, dramaturge, auteure et poète anglo-saxonne, à son chemin inédit de l’écriture, qu’a fait sens le dessin de sa recherche des mots dans l’ensemble du travail de Luisella Vèroli.

Quand Déborah Levy dit : « Quand une écrivaine met un personnage de femme au cœur de son enquête littéraire (ou d’une forêt) et que ce personnage commence à projeter de l’ombre et de la lumière partout, elle devra trouver un langage qui lui apprenne à devenir un sujet plutôt qu’une illusion. », la coïncidence avec l’entreprise pluridisciplinaire de l’Italienne résonne juste, « sollevando i veli della sua anima femminile con un pudore selvaggio, una selvaggia nudità », faisant clairement écho à la visée narrative de son dernier récit dédié à Sibilla Aleramo. 

La gratitude est une sorte de nom sacré de la générosité. Elles sont indissociables et perceptibles en cette femme, Luisella Vèroli à travers sa voix chantante, accueillante, musicale. Elle fait de sa recherche du passé, des symboles, des rites, et depuis quarante années de l’Histoire de la Corse, un pari sur et pour l’avenir dont elle fait une aventure et un jeu sérieux, en toute liberté : produire de la lumière dans la nuit.

*Lazzo en italien, du latin solatium qui signifie confort, amusement.

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