Assemblée générale de la Fédération du BTP de Corse-du-Sud
Constats et perspectives pour mieux cimenter les initiatives

Conjoncture et enjeux d’une profession. Défis économiques, apport de l’innovation et de l’intelligence artificielle, actions factuelles ou d’envergure pour accompagner les entreprises. Tel est le canevas décliné par Corinne Bernardini-Biron, présidente du BTP de Corse-du-Sud. Professionnels venus en nombre purent s’imprégner des analyses globales d’Olivier Saleron président de la Fédération Française du Bâtiment ou des actions étatiques que livra Alexandre Patrou, secrétaire général des affaires pour la Corse.
Par Jean Poletti
C’est au cœur du palais Fesch, haut lieu de patrimoine culturel ajaccien et d’ouverture sur le monde, que s’est tenue au cœur de l’été l’Assemblée générale annuelle des acteurs du BTP de Corse-du-Sud. Chefs d’entreprise, artisans, représentants des TPE, étaient évidemment présents. Signe de l’importance de cette réunion, ils côtoyaient des représentants de l’État et de la Ville d’Ajaccio. Mais aussi de la Collectivité territoriale avec Gilles Giovannangeli (Adec), Angèle Bastiani (Tourisme), Jean-Félix Acquaviva (Transports).
Entre constat et perspectives, c’est la « volonté de construire ensemble au sens propre comme au sens figuré », des propos liminaires de Corinne Bernardini-Biron qui sans conteste marquaient d’une pierre blanche l’enjeu, presque la doctrine d’une corporation. Et d’asséner aux lisères de l’évidence
« Le BTP est un pilier essentiel de notre économie, un acteur clé de l’aménagement du territoire et un levier central de la transition écologique. Cette assemblée générale est un moment essentiel. Elle est à la fois le temps du bilan, un espace d’échanges, et surtout une occasion de réflexion commune pour préparer l’avenir. Nous avons fait montre d’adaptabilité dans un environnement peu porteur. »
« Oui, les temps sont difficiles », renchérit Pierre Pugliesi. Et d’énumérer un cahier de doléances : « baisse des permis de construire, inflation sur les matières premières. Tout cela pèse lourdement sur les trésoreries, les carnets de commandes. Et donc sur les emplois. Pour autant et malgré tout la Ville d’Ajaccio a fait le choix d’une politique d’investissement ambitieuse, à l’image du nouveau parking, de la réhabilitation de la citadelle ou des écoquartiers ». « Autant d’opérations, poursuivit l’édile, ne devant pas être assimilées à des dépenses, mais s’inscrire dans des choix politiques au service de notre attractivité, et en toile de fond le dynamisme de l’économie locale. »
Mais face à la crise chacun était bien conscient que seule une réponse collective pourrait être un barrage efficient. Dans ce droit fil, il fut dit et répété en leitmotiv que les collectivités ont besoin d’un tissu économique fort et les entreprises ont besoin de partenaires. Et tous d’adhérer à l’idée majeure, pour ne pas dire cruciale, que la capacité à faire face réside impérativement dans une solidarité sans faille. Elle peut et doit prendre se construire sur la convergence vertueuse entre entreprises, les femmes et hommes qui chaque jour édifient le territoire et à l’évidence les collectivités. Le temps presse car les ombres au tableau s’amoncellent. Ici comme dans l’Hexagone, Olivier Saleron ne mâcha pas ses mots et n’emprunta pas à l’euphémisme. Le secteur est sinistré. Au niveau national comme au niveau local. Même si la Corse est plus durement impactée. « Il est en décroissance avec un chiffre d’affaires en baisse de 5,5% l’année dernière. Cette année, la chute est estimée à 2,5%. Ce sont les entreprises qui vont s’effondrer. Facteur aggravant, les ressources sont en berne. Et les maires ne savent plus combien de permis de construire valider. » Dans l’île, le constat est accablant avec les conséquences que l’on imagine quand on sait que le BTP est le premier employeur privé de l’île et qu’il représente 10% de la valeur ajoutée régionale. En cause, reprend comme en écho Corinne Bernardini-Biron les particularités démographiques et les difficultés liées à l’insularité en termes de coûts et de délais. Dans son analyse, elle égrène les fléaux qui pèsent sur le BTP. Pêle-mêle sont mis en exergue une faible densité, trois fois moindre qu’au niveau national. À cette singularité démographique s’ajoute et se superpose une croissance oscillant péniblement autour de 1%, tandis qu’un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Par ailleurs des obstacles se dressent constitués par le millefeuille des règlementation, le chevauchement des lois littoral et montagne. Sans oublier les difficultés et retard dans l’approvisionnement. Conséquences ? les carnets de commandes chutent et six cents emplois perdus en l’espace d’un an. Aussi le prévisionnel pourtant nécessaire joue aux abonnés absents. Tous ces éléments concurrent au profond malaise aux effets visibles. Furent cités sans forme hiérarchique la construction subissant les effets de la hausse des taux d’intérêts mis en œuvre pour freiner l’inflation. Les autorisations de construire et les démarrages de chantier se rétractent tandis que la vente des logements neufs est au plus bas. L’investissement dans la construction est en repli et celle dans l’achat de biens immobiliers aussi. Les travaux publics souffrent d’un faible nombre de grands chantiers.
Toutefois baisse d’activité et absence de perspectives favorables n’entachent en rien la détermination des participants. Les pistes pour sortir de l’ornière ont été dévoilées à l’image de la Cellule de crise mise en place en janvier dernier par le préfet de Corse avec les services de l’État et les services de l’Assemblée territoriale. Pour Alexandre Patrou, la finalité consistait :«À mettre autour de la table toutes les institutions et partager un état des lieux et un diagnostic précis afin de trouver des solutions et mieux accompagner les entreprises en difficulté. Ainsi plusieurs groupes de travail ont-ils été mis en place avec l’objectif affiché d’« associer les têtes de réseaux et l’État ». L’initiative eut l’insigne mérite de « mettre en évidence nos problématiques » renchérit Corinne Bernardini-Biron. Parmi celles qui furent clairement identifiées : les recours de la préfecture au sujet de la délivrance des permis de construire, les difficultés rencontrées par les entreprises concernant le remboursement du prêt Garanti par l’État (PGE) et les retard du remboursement du crédit d’impôt.
- Sur les recours de la préfecture au sujet des permis de construire : une médiation s’est mise en place grâce à la cellule de crise et certains permis ont pu être débloqués. La cellule a permis de surmonter cette problématique.
- Sur les difficultés liées au remboursement des PGE : la préfecture a impliqué la Banque de France et son directeur a invité les entreprises en difficulté à se faire connaître. Par ailleurs, un médiateur des entreprises en difficulté a été instauré afin de ne pas « noyer les entreprises avec plusieurs interlocuteurs.
- Sur le Retard de remboursement de crédit d’impôt ; il est impossible pour les entreprises d’investir sans savoir si elles sont admissibles au crédit d’impôt.
Au chapitre des perspectives fut évoqué le prêt à taux zéro inscrit dans le projet de loi de finances. Une mesure qui créerait un appel d’air mais sans être spécifique à la Corse. Ou encore les donations entre particuliers et le statut de bailleur privé à développer.
Le chantier de l’innovation
Jean Ramirez, vice-président de la Fédération française du bâtiment, fit une intervention au cours de laquelle il identifia une vingtaine d’applications de l’intelligence artificielle dont pourraient se saisir les entreprises. Parmi elles, le suivi du chiffrage d’un projet, la numérisation des documents liés aux chantiers, l’anticipation de la consommation énergétique la planification de la maintenance des équipements. La liste n’est pas exhaustive mais va de l’avis d’appel à candidature au domaine juridique. Cette IA peut ici aussi révolutionner le mode de gestion alliant célérité et efficience.
Poids économique
La Corse est la région française où le bâtiment pèse le plus sur l’économie. Avec 14% de l’emploi salarié régional, la branche « bâtiment » est la première employeuse de l’île. Les métiers y sont moins qualifiés et moins diversifiés qu’au niveau national.
Chute du chiffre d’affaires
En 2024, la construction traverse une année difficile et la majorité des acteurs fait état d’un chiffre d’affaires en net recul. Les entreprises commencent à ajuster leur effectif. En un an, 600 emplois ont été perdus dans l’île, la baisse du chiffre d’affaires des entreprises est évaluée à 35% en juillet 2025.
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