Anne-Marie Natali replie son écharpe

Elle était la reine-maire de Borgo

Icône de la droite insulaire. Un franc-parler qui désarçonnait l’interlocuteur. L’empathie en bandoulière. À la tête de la municipalité depuis près d’un demi-siècle, elle ne se représentera pas au prochain scrutin. Durant ses mandats elle a métamorphosé sa commune, devenue la quatrième ville de Corse. Ce n’est pas fruit du hasard

Par Jean Poletti

Répondant aux sollicitations familiales, elle reprit le flambeau. Une sorte de devoir de mémoire qui immergea celle qui était commerçante dans l’univers politique. D’emblée elle imprima sa marque, fit de ses mandats de véritables sacerdoces. À l’écoute de ses administrés, elle engrangea les succès électoraux décourageant les adversaires, quand elle ne ralliait pas à sa cause. Quotidiennement dans son bureau, celle que ses administrés appellent par son prénom les recevait sans protocole. Démarches pour trouver un emploi, soutien d’une famille en détresse, solidarité agissante pour une personne. Autant d’engagement pétris d’authenticité se conjuguant avec l’inlassable essor de sa commune. Au fil du temps celle-ci passa de deux mille à quelque dix mille habitants, sans que fleurissent des résidences secondaires. Cette alliance de tradition et de modernité se concrétise par de multiples réalisations concourant au bien-être d’une communauté. En point d’orgue le plus beau complexe de sport insulaire gage s’il en est de l’attention portée a la jeunesse. Aussi n’est-ce pas hasard si Anne-Marie Natali reçut la Marianne d’Or, sorte de prix d’excellence à l’égard d’un élu de proximité récompensant créativité, dévouement et innovations. Le nombre d’édiles de tous bords présents à la cérémonie, ainsi que des acteurs économiques et bien évidemment les résidents, démontrait si cela était opportun, le respect porté à une dame qui avait une certaine idée de la politique. Celle d’être auprès de ses concitoyens, non par souci carriériste mais puisé dans l’altruisme qui confère à un mandat électif un supplément d’âme.

Le reflet d’une promesse

D’ailleurs elle répétait en leitmotiv que la politique n’était pas son violon d’Ingres. Cette orientation presque fortuite supplanta sa profession. Mais à ses yeux il s’agissait d’une mission confinant à l’irrépressible nécessité de poursuivre l’œuvre tissée précédemment par ses proches. Nul n’objectera qu’elle sut dans ce droit fil faire fructifier ce principe de continuité. Mais sa première élection ne fut pas une sinécure. Trois listes d’opposition, dont une nationaliste, et une campagne virulente. La néophyte partiellement déstabilisée ne laissa cependant rien paraître publiquement. Elle fit front, ravissant de haute lutte les lauriers initiaux. Ils seront suivis de bien d’autres sans que nul ne lui conteste vraiment sa couronne démocratique.

Anne-Marie Natali fut par ailleurs élue territoriale, occupant même le siège de vice-présidente, mais sans conteste la fonction municipale avait sa préférence. Sans doute goûtait-elle peu ou prou ces tractations et palabres inhérentes aux délibérations. Pour autant elle voulait que son potentiel électoral soit reconnu et respecté. Ainsi lors de l’élaboration d’une équipe de droite aux régionales, elle jugea sa position trop éloignée du chef de file. Elle le dit sans ambages ni précautions oratoires. Mieux elle se rendit à Paris pour rencontrer Nicolas Sarkozy alors omnipuissant ministre. Dans ses bagages un ballotin de chocolats et des récriminations. L’interlocuteur entendit son plaidoyer, demanda avec insistance et obtint qu’une place plus conforme lui soit accordée. La reine-maire avait-elle menacé à mots à peine couverts d’orienter les nombreux suffrages de ses administrés, qui l’auraient suivie sans hésitation, vers une autre formation qu’elle fut de gauche ou nationaliste ? Cela ne transpira pas officiellement, mais la rumeur circula à bas bruit.

L’empreinte d’un nom

Voilà à grands traits campé le portrait d’Anne-Marie Natali. Il est certes incomplet, mais suffit à fixer les esprits sur un caractère bien trempé, fondant sincérité et générosité dans le creuset de l’efficience.

En annonçant qu’elle ne se représentera plus, d’aucuns se posent déjà la lancinante question : qui après ? Tout sera fin prêt le jour de l’échéance. Fidèle à son habitude, elle mettra tout en œuvre pour que le changement se déroule sans accroc. Des réunions avec le conseil municipal, les adjoints, et le pouls pris de la population, ont d’ores et déjà ouvert un espace de fructueux échanges afin que le flambeau soit passé en totale harmonie. Mais vraisemblablement fidèle à la maxime de Mac-Mahon « Nous sommes pressés, allons lentement », celle qui est encore pour peu de mois première magistrate municipale ne veut rien brusquer. En cela, elle privilégie le dialogue qu’elle érigea en doctrine. Sans verser dans la grandiloquence, chacun s’accordera à reconnaître qu’à Borgo et ailleurs Anne-Marie Natali laissera une empreinte qui ne versera pas de sitôt dans l’oubli.

Maire, élue régionale, présidente de l’association des maires, vice-présidente de la communauté des communes Marana-Golo, Anne-Marie Natali a trusté nombre de fonctions sans jamais confondre l’essentiel et l’accessoire. Modeste ? Sans doute.

Le souvenir de Paul

Sa satisfaction du devoir accompli ne laisse pas dans l’ombre Paul, son défunt mari. Elle évoque sans cesse et toujours son souvenir affirmant, le ton parfois brisé par l’émotion, qu’elle lui doit sa réussite et sa longue carrière qu’elle voulait comme son époux « au service des gens. » En toute hypothèse, nombreux sont ceux qui croient que succéder à Anne-Marie Natali est dans l’ordre des choses, mais la remplacer ne se trouvera pas au fond d’une urne.

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