A la une – Octobre 2014

Parti pris————  

                          Bercy passe-moi  l’éponge   

Avant même d’avoir reçu mon avis d’imposition comme 19 millions de contribuables, je tombe sur cet étrange titre du Monde précisant que « le Gouvernement rappelle qu’une baisse d’impôts est entrée en vigueur ». C’est vrai pour certains sujets. Sur celui de la fiscalité, rien n’est moins sûr.  Communiquer sur les baisses d’impôts est toujours périlleux et doit se faire dans la dentelle.   L’exemple de la suppression de la vignette automobile par Laurent Fabius,  alors ministre de l’Economie et des Finances du Gouvernement de Lionel Jospin est particulièrement illustratif et souligne bon nombre de paradoxes.  A l’époque, il y a près de 15 ans, les prélèvements obligatoires atteignaient un niveau très élevé. La « tolérance » à l’impôt était proche de la saturation. Parmi les sujets de préoccupations majeurs des Français, figurait en pole position, la pression fiscale, et parmi leurs attentes, logiquement une baisse des impôts. En décidant de supprimer la vignette automobile sensée financer la dépendance lors de sa création en 1956, Laurent Fabius pensait satisfaire les Français et en particulier les classes moyennes. A quelques mois des élections présidentielles, l’opération devait logiquement porter ses fruits. Rien n’a fonctionné comme prévu. Les sondages réalisés quelques mois plus tard, ont installé plus encore la place de la fiscalité comme première préoccupation et créé des attentes encore plus fortes en matière de baisse d’impôts. Bref, la suppression d’une taxe a révélé dans l’esprit des Français que le niveau de la fiscalité était délirant et qu’il fallait aller beaucoup plus loin.  Aujourd’hui, à vouloir absolument retrouver un peu de soutien auprès des classes moyennes, le Gouvernement s’embarque dans une communication hasardeuse mais au fond assez classique. Il nous ressert le célèbre « à qui profite la baisse » en visant une multitude de cas concrets, joliment présentés dans des tableaux, tout droit sortis de Bercy. « Une petite baisse pour chacun, un gros effort pour l’Etat ».  Telle est la tonalité un peu rustique du message que les Français doivent recevoir et dont ils doivent se réjouir.

Photo de classe

Mais voilà, les choses sont malheureusement un peu plus compliquées. Le Premier ministre a beau marteler que « trop d’impôt tue l’impôt », le moment est mal choisi pour faire oublier que 80% des contribuables ne sont pas concernés par les baisses promises. L’instabilité fiscale à l’œuvre depuis le début du quinquennat, les cafouillages à répétition des premiers mois, sans parler de l’abrogation de la défiscalisation des heures supplémentaires handicapent désormais toute communication sur les baisses d’impôts et écorne un peu plus la crédibilité du Gouvernement sur le sujet. Rentrée fiscale, rentrée sociale, rentrée tout court, François Hollande et Manuel Valls ont pris les devants en mettant en scène leur nouvelle combativité. Une simple photo du couple exécutif en tête à tête autour d’une table de jardin à Brégançon suffira-t-elle à redonner confiance aux Français ? Au-delà du symbole, cet épisode estival est censé avoir quelques effets : fermer la mauvaise séquence après la censure du Conseil constitutionnel d’une partie du Pacte de responsabilité, masquer les mauvaises nouvelles, celle de la croissance nulle  du second trimestre annoncée par l’Insee et rappeler que la France doit rester la cinquième puissance mondiale. Autant d’éléments qui laissent penser que cette place est menacée et que le pays risque le dévissage.

Les mécomptes de l’ile

Les analystes politiques, eux, décryptent, cet entretien sous le soleil varois, sous l’angle relationnel. Filant la métaphore météorologique, ils estiment que leurs relations sont au beau fixe, alors que la moitié du pays traverse un épisode pluvieux, pour ne pas dire un « temps de m… ». D’ailleurs, sur ce registre d’un été pourri, vous aurez aussi remarqué l’insistance du Gouvernement à souligner les très bons résultats du tourisme en 2013. La France est restée le pays le plus visité au monde. C’est vrai, mais ne regardons pas de trop près le chiffre des recettes générées par les touristes étrangers. Avec 20 % de visiteurs en plus, le tourisme français génère trois fois moins d’argent que le tourisme américain. Ou encore, à démographie plus comparable, la France récolte à peine autant d’argent que l’Espagne, qui reçoit bien moins de touristes. Quoi qu’il en soit, dans un océan de mauvaises nouvelles, une telle information mérite d’être exploitée, surexploitée et tant pis si dans le détail, elle peut être relativisée. La tentation est trop forte. En tout cas, le message a touché largement la cible des professionnels du tourisme. Ici, en Corse, leurs mines en disaient longs. Le pouvoir d’achat en berne des familles et la grève de la SNCM début juillet ont laissé des traces profondes sur la fréquentation dans l’île. Nombreux sont ceux qui prédisent une année noire. Et ce n’est pas l’année prochaine que le Gouvernement saura résister à la tentation des chiffres

Vincent de Bernardi
Ex-conseiller  en cabinet ministériel

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