A la une – Novembre 2015

La disruption démocratique.  

Par Vincent de Bernardi

Combien de temps encore la vie politique continuera-t-elle à être aussi décevante ? Ces dernières semaines ont été marquées par plusieurs épisodes particulièrement significatifs. Revue  de détail  de ces épisodes  surréalistes.

Tout a démarré à partir des déclarations de Nadine Morano sur la France, pays de race blanche.  Pendant trois semaines, elles ont défrayé la chronique et conduit la quasi-totalité des responsables politiques de la droite républicaine à prendre une position réprobatrice sinon indignée.

Fallait-il  lui donner autant d’importance, l’inviter  dans les matinales radiophoniques et même au journal de 20 heures de TF1 ?  Assurément, Madame Morano a atteint son objectif : faire parler d’elle par tous les moyens.  Peu importe les critiques pourvu qu’il y ait l’ivresse médiatique !

Elle s’est même payé le luxe d’être  tenue pour responsable de la baisse de popularité de Nicolas Sarkozy dans les sondages du mois d’octobre et d’apparaître comme celle qui est soutenue par l’opinion. Elle gagnait 5 points dans le baromètre IfopFiducial pour Paris Match et Sud Radio atteignant 32% d’opinion favorables, soit son score le plus haut dans cet indicateur. Nicolas Sarkozy, lui dévissait de 6 points dans sa propre famille politique passant derrières ses principaux concurrents à la primaire, Alain Juppé et François Fillon.

Dernière conséquence de sa sortie, elle a réussi à déchainer les foudres des gardiens du temple gaulliste l’accusant d’insulter la France elle-même.

Le temps des dérives

Mais quel déferlement de vacuité !  N’y avait-t-il rien dans l’actualité pour donner autant d’importance, non pas au débat qui touche à des questions d’identité, mais à celle qui le lance sans en mesurer les conséquences ? Les responsables politiques n’avaient-ils rien d’autres à dire aux Français que de condamner une responsable politique qui à chacune de ses déclarations se plaît à dévoyer l’action politique ?

De la même manière, le traitement et les réactions suscitées par l’annulation de l’émission « Des Paroles et des actes » sur France 2 soulignent les dérives d’une vie politique autocentrée, qui ne traite plus des vraies questions parce que ses acteurs en sont finalement incapables.

Et si la politique était un sujet trop important pour qu’on le laisse entre les mains des politiciens qui peuplent les partis et occupent les tribunes à longueur d’année ?

La réalité c’est que la politique va finir par leur échapper. On connaissait la FinTech qui est en train de bouleverser le vieux modèle bancaire, la GreenTech, qui  transforme la manière de produire,  voici venue la CivicTech qui va faire évoluer la démocratie.  Pour les promoteurs de ces initiatives citoyennes numériques, la politique qui se résume à ce que je décris plus haut, c’est fini.  La vie politique du 21ème siècle numérique, participative, collaborative se concentre sur le fond. Alors, certes des candidats s’y sont déjà frottés, comme Ségolène Royal avec Désirs d’Avenir en 2007. D’autres ont tentéde casser  les vieux partis politiques comme « Nous Citoyens » de Denis Payre  ou « Nouvelle Donne » lancé par Pierre Larrouturou, avec plus ou moins de bonheur.

Le retour du citoyen

On est loin des modèles imaginés par les promoteurs de LaPrimaire.org ou Voxe.org qui ne reposent pas sur une ambition politiquemais sur la volonté de redonner la parole au « peuple ». Chez LaPrimaire.org on veut révolutionner le choix des candidats aux élections en permettant une sélection plus légitime. Pour Voxe.org, l’idée est de comparer les programmes électoraux. Une manière de revivifier le débat démocratique en incitant les citoyens à voter en connaissance de cause.

La génération qui accèdent au droit de vote, élevée au numérique et ayant totalement intégrée les transformations des vieux modèles,  est sur le point de radicaliser la démocratie. C’est d’ailleurs le titre du dernier livre de Dominique Rousseau, professeur de droit Constitutionnel à la Sorbonne qui montre comment la démocratie est devenue prisonnière du principe de représentation. Selon lui, malgré la montée des populismes, la défiance à l’égard des élus et l’apparente indifférence politique, l’idée démocratique vit un peu partout,  portée par des collectifs informels de citoyens qui prennent en charge directement les questions qui les préoccupent. Ces expériences témoignent d’une forme nouvelle de démocratie. L’ancienne, toujours présente, s’appelait démocratie représentative ou démocratie électorale ; celle qui émerge hésite  encore entre démocratie d’opinion, démocratie du public ou démocratie participative. Elle est en tout cas une forme de démocratie continue.

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