A la une – Décembre 2014

 

Parti Pris

Vous avez dit société inclusive ?

Par Vincent de Bernardi

Qu’entend–t-on réellement par société inclusive ? Est-ce une utopie égalitaire,  un rêve égalitariste? Est-ce une réponse à la crise qui secoue la France et plus largement le modèle des sociétés libérales accusées de fabriquer de l’exclusion et des inégalités à tour de bras ?

Un sondage réalisé par TNS Sofres  a permis de clarifier l’opinion des Français sur cette notion et de dresser un état des lieux des inégalités perçues ou vécues.  Spontanément, cette « société inclusive » n’évoque pas une représentation très précise. Elle est peu connue des Français dont seuls 38% en ont entendu parler et dont un sur dix voit de quoi il s’agit précisément. Elle se définit comme une «société sans privilège qui a le souci d’intégrer tous ses membres, qui garantit à chacun d’eux la possibilité de se réaliser en veillant à ce que la solidarité et le respect des autres soient garantis ». Une société rêvée, idéalisée en particulier par les jeunes dans une attitude paradoxale. Plus prompts à se sentir exclus, ils sont aussi plus nombreux que la moyenne des Français à penser qu’ils pourront faire valoir leurs mérites et trouver une place dans une société, même inégalitaire.

Globalement, près de huit français sur dix estiment que la société française est inégalitaire. Parmi les inégalités les plus graves, l’accès à l’emploi, aux soins et au logement figurent dans le trio de tête. Les jeunes, davantage confrontés au chômage et au mal-logement que leurs aînés jugent encore plus durement ces inégalités d’accès. Préoccupations majeures des Français,  domaines dans lesquels l’action du Gouvernement est jugée très négativement.

Les lauriers de l’école

Sur le registre des valeurs, la société inclusive séduit les Français car elle projette une représentation du souhaitable dans une période marquée par la morosité, l’absence de perspectives et la tentation du repli sur soi. Ainsi, au-delà de l’égalité (56%) et de la solidarité (50%), les valeurs d’une société inclusive sont, pour une majorité d’entre eux, le respect (47%), la justice (38%), l’équité (37%), la liberté (23%). La laïcité (21%), la fraternité (20%) et l’émancipation (5%) n’arrivent qu’en fin de classement, même si sur la question de la laïcité, sujet de société sensible, ils la perçoivent très majoritairement  comme un élément  majeur de l’identité.

Interrogés sur les acteurs les plus à même de faire progresser cette société inclusive, les Français citent en premier lieu l’école. Creuset du mérite républicain et de l’égalité des chances, l’école apparaît comme le lieu le plus propice à la réalisation des idéaux portées par la société inclusive. Vient ensuite l’Etat.  Il y a encore 42% des Français estimant qu’il est capable de créer un tel modèle dans un contexte où son poids et surtout ses dépenses font débat. Loin derrière, viennent les associations (29%), l’entreprise (16%), les partis politiques (11%), les media (8%) et les syndicats (7%). Cette hiérarchie souligne un clivage de génération particulièrement marqué. Les jeunes privilégient les acteurs les moins institutionnels et notamment les associations et l’entreprise tandis que les plus de 50 ans citent principalement l’école.

La solidarité hiérarchisée 

Cette enquête publiée par le Monde souligne nombre d’éléments utiles à la compréhension des tensions qui agitent le pays. Si les Français appellent de leurs vœux une société inclusive, il n’en demeure pas moins qu’ils opèrent une hiérarchie entre les catégories touchées par les inégalités. Ainsi, afin d’assurer l’égalité des chances, les Français considèrent que des efforts particuliers doivent être faits avant tout en direction des personnes ayant très peu d’argent (45%), celles souffrant d’un handicap moteur (34%) ou habitant dans un quartier fortement touché par l’insécurité (32%).  En fin de liste, les étrangers en situation régulière ou les personnes issus de l’immigration ne recueillent que 9% des citations. Cette hiérarchie  fait  l’objet d’un relatif consensus, les sympathisants de droite se révélant un peu plus favorables que la moyenne à des actions en faveur des situations de handicaps ou d’isolement géographique en zones rurales (30%). Les sympathisants de gauche pour leur part, se déclarent plus attachés à ce que des efforts soient faits en direction des plus pauvres (55%), deshabitants des zones où l’insécurité est forte (35%), ou bien en direction des étrangers en situation régulière sur le territoire (14%) ou envers des personnes issues de l’immigration (16%).En d’autres termes, il y a des inégalités plus tolérables que d’autres mais aussi des victimes moins acceptables que d’autres comme le souligne justement Jean-Baptiste de Montvallon, montrant ainsi une évolution des mentalités sur la question de la solidarité.  Une étude dont il sera intéressant de suivre les évolutions à l’approche des échéances électorales !

 

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