Jerôme Camilly: De l’information à la fiction

Tour à tour chroniqueur, grand reporter et rédacteur en chef pour la presse écrite, la radio ou la télévision, Jérôme Camilly a connu un parcours journalistique riche de très belles rencontres et de voyages, qui ont nourri au fil du temps son talent d’écrivain. Auteur de romans, documentaires, et autres récits, il publie aujourd’hui Pour un accord de Django aux Éditions du Scudoson dernier roman. Articulé autour de l’idolâtrie qu’a souvent suscitée Django Reinhardt, il met en relief la complexité de la psychologie féminine et les relations parfois difficiles entre mère et fille.

Portrait

Par Karine Casalta

S’il a longtemps travaillé à Paris à la télévision, Jérôme Camilly n’a jamais cessé d’écrire. 

Tout comme il est toujours resté très attaché à la Corse où il réside désormais.

Un amoureux des lettres et de son île

Originaire de Cinarca, c’est en effet à Ajaccio qu’il a grandi dans une famille où dit-il, on lisait beaucoup et où on lui a donné très tôt accès à toutes sortes d’ouvrages « Mon père faisait exprès de laisser traîner les livres, un piège pour éveiller ma curiosité et m’inciter à lire. » Des livres qui l’ouvrent dès lors à la littérature. Il est élève au collège Fesch, lorsque le décès de son père, quand il a 13 ans, va le conduire, avec de sa mère, sa grand-mère et sa sœur, à déménager à Paris. « Ma mère pensait que pour faire des études il n’y avait que Paris, de la même façon qu’elle pensait que je devais devenir professeur, ou à tout le moins instituteur, qui signifiait pour elle un avenir assuré, ce dont je n’avais pas du tout envie et que je n’ai jamais été ! » C’est ainsi qu’il se retrouve du jour au lendemain inscrit au lycée Henri IV : « Je me souviens, quand je suis arrivé là, c’était gris, il neigeait, tout me déplaisait… »

Mais soutenu par sa famille, porté par la ferveur de ses professeurs, par les rencontres qu’il fait peu à peu, et happé par le bouillonnement culturel parisien, il apprend bientôt à apprécier cette nouvelle vie. Elle lui offre une ouverture sur le monde qu’il rêve depuis toujours de parcourir. Un rêve de voyages et de rencontres qui va le décider par la suite à devenir journaliste, un métier qui lui semble-t-il peut répondre à ces aspirations.

Un entourage bienveillant

Ainsi, formé à l’école de journalisme de la rue du Louvre, il fera ses premiers pas de journaliste à la revue Connaissance des arts, dont le rédacteur en chef, « un type ancré dans les lettres avec qui j’ai eu des échanges passionnés sur la littérature », dit-il, s’avère être le gendre de Blaise Cendrars, « un auteur que j’avais lu et sur lequel je serai par la suite amené à écrire ». De fil en aiguille, au fil du temps, le cercle de ses rencontres s’élargit, lui offrant de côtoyer des artistes, tels que Doisneau ou Dali, des éditeurs, des auteurs, un aéropage culturel enrichissant et toujours bienveillant. Le même Robert Doisneau avec qui quelques années plus tard, il se liera d’amitié et qui après avoir lu ses notes sur Cendrars le poussera à écrire et poursuivre dans cette voie. C’est ainsi que naîtront Enquête sur un homme à la main coupée (Le Cherche midi éditeur, 1986) puis Pour saluer Cendrars (Actes Sud, 1987) et qu’à partir de là, il ne cessera plus d’écrire.

Le jeune journaliste rejoint par la suite Radio Monte Carlo, où dit-il, « j’ai fait un peu tout et n’importe quoi, de l’information générale à des sujets plus spécifiques, que je ne maîtrisais pas forcément toujours très bien ». 

De la radio à la télévision 

« Je suis d’une génération de journaliste qui faisait presse écrite, radio et télévision. C’est dire que j’aime ce métier, à la fois si admirable et si détestable par certains aspects ! »

Il est souvent là encore, entouré d’écrivains. « ainsi j’ai été emmené à interviewer François Mauriac, mais aussi Pierre Mendès-France, pour un sujet politique qui m’était moins familier ! » Il y restera près de 25 ans avant d’être recruté par la télévision, alors en plein essor, à Antenne 2. D’abord reporter, puis grand reporter au service info, il sera souvent envoyé pour faire des reportages à l’étranger, notamment au Moyen-Orient, avant de lancer en 1985, en compagnie de Paul Nahon et Michel Strulovici, « Télématin », la première télé du matin. Un programme inédit, qui voit le jour contre l’avis de tous, grâce au soutien de Pierre Desgraupes, alors président de la chaîne publique. Le programme, toujours diffusé, rencontre un franc succès. Mais après quelques années, fatigués de ce rythme matinal, les trois compères décident de le laisser entre d’autres mains, pour créer en 1990 « Envoyé Spécial », une émission du soir ! Par la suite, resté fidèle à la deuxième chaîne, Jérôme Camilly y finira sa carrière en tant que directeur de rédaction.

« Je suis d’une génération de journaliste qui faisait presse écrite, radio et télévision. C’est dire que j’aime ce métier, à la fois si admirable et si détestable par certains aspects ! »

Une écriture nourrie par le journalisme

En parallèle de cette carrière journalistique, le pli de l’écriture pris, il publie aussi de nombreux livres, souvent à mi-chemin entre information et fiction, tels que L’ombre de l’île (Actes Sud, 1990) ; 6 juin 44, le débarquement (Le Cherche midi éditeur, 1994) ; Le rendez-vous de Laura (La Marge, 1998) ; Bonifacio, la vie quotidienne au début du xxe siècle (La Marge, 2000), Regards de femmes (La Marge, 2001), Doisneau rencontre Cendrars (Éditions Buchet-Chastel, 2007), Paroles de précaires, (Colonna éditions, 2014), J’ai pas à vous parler (Théâtre, Colonna éditions, 2017), Romain Gary brève escale en Corse (Colonna éditions, 2019),pour ne citer que ceux-là.

Des sujets souvent  inspirés du journalisme, mais aussi de choses vécues.

Des bribes d’expériences qui ont fait naitre l’idée de son dernier roman, Pour un accord de Django (Éditions du Scudo) inspiré en partie de la passion qu’avait son père pour la musique de Django Reinhardt, et de l’idolâtrie que le musicien pouvait susciter chez certains. Sans compter sa propre fascination pour les gens du voyage, dont plus jeune il enviait la liberté. Une liberté qu’il a ainsi donné au personnage du père, « un homme à semelle de vent. » Un héros absent sur lequel il s’appuie pour mettre exergue la psychologie des personnages féminins, qu’on le devine il connaît bien, sans doute pour avoir grandi entouré de femmes. 

Ainsi le journaliste a désormais laissé la place à l’écrivain, mais son goût pour l’information ne l’a jamais quitté. Et il ne se passe pas une journée sans qu’il ne lise la presse, ou ne s’informe par la radio et la télévision. 

Avec toujours en perspective, la naissance de nouveaux romans. 

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