Robin Renucci – Utopiste engagé

Comédien et réalisateur engagé, Robin Renucci initiait il y a 20 ans le projet de l’ARIA pour ramener à la vie la vallée rurale du Giussani qui se mourrait. Depuis, le projet, devenu réalité, n’a cessé de croître et d’irriguer ce territoire marqué aujourd’hui d’une identité théâtrale qui attire intervenants et public du monde entier.

Par Karine Casalta

Né au Creusot, Daniel Robin – plus connu en tant que Robin Renucci, nom tiré de l’association des patronymes des ses parents- a toujours été fortement enraciné en Corse d’où est originaire sa mère. C’est durant son enfance en Saône et Loire qu’il découvre l’univers théâtral tout à fait par hasard. « Ma mère était couturière. Elle a été amenée à travailler sur les costumes d’un spectacle pour une troupe de passage dans la région. J’ai pu ainsi assister aux répétitions. Par ailleurs j’avais un oncle poète au village, Ange Trojani, qui m’a également initié à l’art de la diction avec ses textes en langue corse ». Car les vacances d’été le ramènent en effet chaque année d’Olmi-Cappella en Haute Corse berceau, sa famille maternelle.

 

Amoureux des planches

Attiré dès lors par cet univers, il va commencer à participer à différents stages de théâtre, organisés notamment par des conseillers techniques et pédagogiques de la Jeunesse et des Sports. Fort de ces expériences riches de partages et de rencontres, ce goût du théâtre va le nourrir et l’accompagner tout au long de sa jeunesse, et conduire le comédien à se construire une carrière et une philosophie de vie largement tournée vers l’échange et la transmission par l’éducation populaire.

Convaincu qu’il trouvé sa voix, en 1975 il « monte » à Paris poursuivre sa formation théâtrale à l’Atelier-École Charles Dullin tout d’abord puis au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique où il deviendra lui même professeur quelques années plus tard.

Mais c’est le cinéma qui lance vraiment sa carrière. A partir de 1981, il multiplie les apparitions : Eaux profondes, Coup de foudre, Stella, Fort Saganne, Train d’en­fer et Esca­lier C de Jean-Charles Tacchella en 1985, qui lui vaut une nomination au césar du meilleur acteur et le révèle au grand public. Puis Masques en 1987, sous la direction de Claude Chabrol. La même année, désireux de renouer avec les planches, il revient au théâtre à l’affiche du « Soulier de satin », qui va l’entrainer dans une longue tour­née et marquer un virage dans sa carrière. Il va en effet peu à peu s’éloigner des plateaux de tour­nages pour s’in­ves­tir davan­tage dans la créa­tion théâ­trale.

 

Du rêve à la réalité

Goutant peu au monde des paillettes et du vedettariat, il décide au début des années 90, de revenir vivre en Corse, et s’installe en famille à Olmi Cappella, village de son enfance où il garde en mémoire les moments forts passés aux côtés de son grand-père forgeron. De cette présence permanente sur l’île va naître le projet ambitieux de redonner vie à ce territoire rural en voie de désertification à travers un projet artistique. Sous son impulsion, les villages Olmi Cappella, Pioggiola, Vallica et Mausoleo se réunissent pour faire de la vallée un pôle de forma­tion et de rencontres théâtrales. Un rêve utopiste ! Un projet de théâtre populaire au service de tous, tel que l’avait rêvé Jean Vilar, mêlant créations et échanges et réunissant amateurs et professionnels dans le même engagement. C’est ainsi qu’en 1998, l’Aria (Asso­cia­tion des rencontres inter­na­tio­nales artis­tiques) voit le jour, avec les « Rencontres internationales du théâtre en Corse» en point d’orgue estival d’une activité théâtrale et culturelle qui s’exerce tout au long de l’année. 20 ans après, le défi est relevé haut la main! Dans le cadre de A Stazzona (la Forge), théâtre et siège de l’association, inauguré en 2010 à Pioggiola, l’Aria organise ainsi en continu des formations, des stages, des accueils en résidence de création, des ateliers hebdomadaires, une rencontre des écoles d’art au niveau international, propose des classes vertes d’expression artistique pour les jeunes publics et les foyers éducatifs sur le temps scolaire et en période de vacances scolaires…. La vallée a repris vie ! «  L’ARIA n’est plus un projet, 20 ans d’existence se sont soldés par beaucoup de « concrétude ». Elle est aujourd’hui une réalité avec des bâtiments, des salariés, et une activité permanente, quelque soit le moment de l’année ! Tout ceci est rendu possible grâce à l’action formidable des équipes sur place, qui me comblent, je pense notamment à Serge Nicolai, notre directeur artistique et à Viviane Luck, directrice générale sur lesquels, en ma qualité de président je peux m’appuyer. »

 

Voir toujours plus loin

Car la carrière de Robin Renucci ne s’en est pas moins poursuivie par ailleurs : au cinéma, et à la télévision qui lui a offert de très beaux rôles (celui d’un médecin de campagne dans la série Un village français notamment). Il a aussi réalisé en 2007 un long métrage pour le cinéma « Sempre Vivu ! » situé en Corse. Professeur au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, il dirige aussi depuis en 2011 le Centre dramatique national « Les Tréteaux de France », où il a succédé à Marcel Maréchal, qui l’entraine toute l’année sur les routes de France pour des représentations itinérantes.

Malgré cette activité foisonnante, il reste extrêmement investit dans l’aventure collective de l’ARIA qu’il espère encore voir se développer pour partager toujours plus. « J’aimerais que nous devenions un grand centre culturel de rencontres, et qu’en collaboration avec la collectivité de Corse, nous parvenions à mettre en place ce label national, tourné vers l’Europe et la méditerranée en particulier, pour faire de nos petits villages de montagne un lieu de rayonnement culturel européen, tourné vers l’échange tout au long de l’année. Et nous y arriverons !»

Devant tant de détermination, c’est à n’en pas douter…

 

 

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