Les journées du patrimoine, par Vincent de Bernardi

Comment ne pas revenir sur le séisme provoqué par Jérôme Cahuzac ?  Certes, il a fait l’objet de multiples analyses, commentaires en tout genre. Je voudrais ici m’attacher à décrypter plutôt les répliques qui secouent le pouvoir politique et qui dévoilent plus profondément les tourments de la société française.

Ce n’est pas la première fois, ni la dernière, qu’un responsable politique tombe pour ses turpitudes. Cela étant, le cas Cahuzac est fascinant par sa capacité à fissurer l’autorité du chef de l’Etat et de son gouvernement si tant est qu’on puisse lui en accorder encore une once.

Première fissure, une communication empathique. Le communiqué de l’Elysée du 19 mars est tout en élégance : « Je remercie Jérôme Cahuzac pour l’action qu’il a conduite depuis mai 2012 comme ministre du Budget pour le redressement des comptes de la France. Il l’a fait avec talent et compétence. Je salue la décision qu’il a prise de remettre sa démission de membre du Gouvernement pour mieux défendre son honneur. »: Mais, on peut se poser la question de savoir si c’est Cahuzac qui a  démissionné compte tenu de l’ouverture d’une information judiciaire ou bien s’il a été démis de ses fonctions. Les réactions et commentaires qui ont suivi émanant de la gauche entretenaient sinon un doute en tout cas quelques zones d’ombre.

Animation  éditoriale

La deuxième fissure, c’est une communication lapidairement indignée le 2 avril après les aveux de l’ex ministre du Budget. Et là le communiqué de l’Elysée souligne une « impardonnable faute morale », termes qui alimenteront les violents commentaires de la plupart des membres du gouvernement et de la majorité.

Ces deux  premières fissures vont provoquer des dégâts en chaîne et contraindre le pouvoir à agir sous la pression des media, de l’opinion, et des parlementaires paniqués par le climat délétère qui règne dans leurs circonscriptions.

Dans cet épisode, ce sont les media qui donnent le rythme. Tous déploient la panoplie de l’animation éditoriale et relaient les mauvais sondages qu’ils commandent à tour de bras.  Rares sont les sujets qui ne commencent pas par le désormais fameux « Au plus bas dans les sondages… ». C’est vrai,  toutes les enquêtes d’opinion convergent et placent François Hollande après onze mois d’exercice du pouvoir sur la première marche du podium de l’impopularité présidentielle sous la Vème République. Les Unes assassines reprennent comme au sortir de l’été où la mode était au « hollande bashing ».

 Tous dans le panneau

Accusé d’attentisme voire d’inaction pendant une semaine, balloté telle un canard en plastique dans les remous d’un jacuzzi, l’Elysée cède, incapable de résister à la pression. Et c’est un Président, seul dans l’encadrement d’une porte lambrissée du Palais qui annonce un plan de moralisation de la vie politique.

Quel soulagement ! Enfin une réaction, enfin une réponse à la hauteur de la crise ! La majorité voit poindre la sortie d’un mauvais rêve et organise, au pays qui n’aime pas les riches, le concours du patrimoine le plus modeste. A qui sera le plus prompt à dire qu’il ne possède qu’un petit deux pièces ou une maison en indivision, une voiture hors d’âge, surtout pas d’actions (c’est immoral, à la rigueur un plan d’épargne logement ou un livret A). A droite, certains tombent dans le panneau sans sourciller. La mise en scène de la publication du patrimoine des membres du gouvernement est savamment orchestrée et comme pour le  dévoilement de la sélection des films présentés au festival de Cannes, cela donne lieu à une annonce défilant sur les chaînes d’information : tous les patrimoines seront publiés le 15 avril à partir de 17h sur le site du Gouvernement.

 La messe cathodique

Voilà de quoi alimenter l’ouverture du journal de 20H. A l’heure dite, en ce dimanche ensoleillé, nous avons tous pu pousser un ouf de soulagement : Aucun ministre n’a déclaré un compte en Suisse ou dans un quelconque paradis fiscal !

Au delà de son caractère pathétique, cette opération souligne une réelle inaptitude du pouvoir politique à résister à la pression exercée notamment par les media qui plus que jamais poussent à la réaction à chaud. C’est d’ailleurs leur métier.

En revanche, ce n’est pas celui des responsables politiques de qui on attend un recul, une sagesse au sens de la capacité à discerner, une vision pour sortir de pays de la crise. La gauche pas plus que la droite, dans cette affaire n’ont été capables de prendre cette distance indispensable et se concentrer sur les véritables enjeux du moment : les solutions au redressement économique et la lutte contre le chômage notamment.

Vincent de Bernard, Ex-conseiller  en cabinets ministériels

Exergue  « C’est a qui sera le plus prompt à dire qu’il ne possède  qu’un petit deux pièces ou une maison en indivision, une voiture hors d’âge et surtout pas d’actions

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