Le Cinéma, la Corse et moi

par Jean-Pierre Savelli

Le Cinéma et moi, c’est une longue histoire, ça remonte à 1965, j’étais pensionnaire au lycée Mounier en classe de 6e à Grenoble et je monte un ciné-club dans l’établissement, à l’époque les films circulaient en 16 mm, et cela me faisait supporter l’internat.
En 1989, avec Françoise ma compagne et des amis proches, Gérard et Nathalie, nous montons l’association Movita pour le cinéma. À cette époque, il y avait peu de festivals, le principal étant le Festival méditerranéen de Bastia, créé par René Viale où les courts métrages n’étaient pas représentés. Profitant de la renommée de ce festival, nous créons une section parallèle dédiée aux courts. Sélection des films, invitation des réalisateurs, certains sont aujourd’hui des pointures du cinéma français, René Viale met à notre disposition son cinéma Le Studio, le public répond présent et même Canal Plus et Arte viennent y faire leur marché. Franchement faire ce genre d’expérience avec des amis c’est à la fois enrichissant et enthousiasmant, bref on s’éclate ! Ça dure trois ans, l’idée est lancée, on arrête, il faut dire qu’on habite tous à Ajaccio.

Le doc rien que le doc
En 1992, Françoise et moi sommes sollicités par le fondateur du Festival de Lama, Mathieu Carta. Pendant seize ans, Françoise conçoit l’affiche du festival et nous montons une section court métrage. Nous engageons une équipe réellement professionnelle. Cette équipe est la même depuis vingt-quatre ans. Tellement pro, que Jean-Baptiste, le boss de l’équipe technique, supervise les projections du Festival de Cannes, l’attaché de presse est celui du festival de Clermont-Ferrand, le plus grand festival de courts métrages au monde. Avec cette base, plus de bons films, une équipe soudée, le résultat, c’est un festival qui fête ses vingt-cinq ans cette année. Ensuite, nous sommes passés au docu- mentaire, en 2007, avec la rencontre d’Annick Peigné-Giuly, fondatrice de Corsicadoc. Là encore un genre peu visible en Corse comme l’étaient les formats courts à une époque. Il persiste encore dans le public une confusion, le documentaire ce n’est pas du reportage, ce n’est pas formaté comme à la télévision, c’est du cinéma avec des auteurs et des histoires, ce que l’on appelle le cinéma du réel. Corsicadoc existe depuis onze ans à Ajaccio. La Corse est bien dotée aujourd’hui en matière de festivals, ils nous proposent un vaste panorama de la production internationale : festival du film italien à Ajaccio et Bastia, festival du film britannique, Latinita, Arte mare, les Nuits Med, Ciné Passion, Corsicadoc, festival du film du Maghreb, « Et pourtant ça tourne » à L’Île-Rousse, Ventu di Mare à Calenzana et enfin le festival du film politique à Porto-Vecchio. J’espère n’oublier personne. La plupart de ces manifestations sont soutenues par la Collectivité territoriale de Corse. J’ai juste un petit regret, pas suffisamment de productions asiatiques mais c’est sûrement plus compliqué à organiser !

Une dynamique menée par des passionnés
En dehors des festivals, n’oublions pas le réseau des salles de cinéma, deux exemples aux antipodes mais répondant à l’engouement pour le 7e art, l’ouverture du cinéma l’Ellipse à Ajaccio, projet porté à bout de bras par Michel Simongiovanni, et, dans le rural un cinéma équipé en numérique à Marignana, projet réalisé par l’association A Scopre.
Mais le cinéma ce n’est pas que de la diffusion, la production cinématographique en Corse c’est de l’histoire ancienne. Clairement, je ne vais pas me rappeler de tout, mais à l’origine de cette dynamique qui perdure, on peut citer Cinemassociu et l’incontournable Noëlle Vincensini, Dumé Gambini, Marie-Jeanne Tomasi, Dumé Maestrati, Dominique Tiberi et bien d’autres. Sans oublier évidemment Jean-Pierre Mattei et Dominique Landron, créateurs de la Cinémathèque de Corse. De vrais passionnés du 7e art.
De multiples sociétés de production parallèlement à l’essor de France 3 Corse ViaStella se sont créées. Comment ne pas évoquer aussi le succès de Thierry de Peretti et celui de Marie-Ange Luciani des Films de Pierre, sans oublier le prix de Carole Poggi à Berlin. Le cinéma en Corse c’est aussi l’éducation à l’image à travers le réseau « L’école et le cinéma », l’apprentissage aux métiers du cinéma à l’Université de Corte, dirigé par Colomba Sansonnetti, le partenariat avec la Cinémathèque française de Corsicadoc, et les ateliers Varan qui forment chaque année une dizaine de réalisateurs.

Le CESEC, une nouvelle aventure
Le Conseil économique social environnemental et culturel représente la société civile, me concernant je suis élu par les associations et les professionnels qui œuvrent dans l’audiovisuel et le cinéma. Nous sommes consultés sur l’ensemble des dossiers étudiés par l’Assemblée, je dis bien l’ensemble, tous secteurs confondus. Parfois j’entends dire « Savelli ne soutient pas mon projet de film », ce n’est pas mon rôle, ce domaine est du ressort exclusif de la Commission cinéma de la direction de la culture. Le CESEC est devenu aujourd’hui un véritable relais constructif entre la société civile et la CTC.

Je reste un médiateur culturel
Pour ma part, j’ai produit des films institutionnels, des pubs, des films d’animation 2D et 3D et deux documentaires, mais c’est un métier très difficile ! À mon âge, je me considère plutôt comme un médiateur culturel, curieux de toutes formes d’arts.
Le développement de la culture est à mon avis essentiel afin d’éviter toute dérives xénophobe, sectaire et fondamentaliste, nocives à la cohésion sociale. Il faut certainement des moyens, pourquoi ne pas convaincre les hypermarchés pour qu’ils contribuent à l’événementiel du secteur, puisque qu’ils sont là et avec eux, les grandes sociétés corses, en tant que fervents mécènes de la culture. Cela pourrait représenter une des missions repré- sentatives, de la collectivité unie…

 

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