La crise dans le couple: Plaidoyer pour le conjoint qui n’est plus aimé

La crise dans le couple est fille de l’ignorance, la troisième passion de l’être après l’amour et la haine. «Après» parce que c’est dans cet ordre qu’elle se manifeste, mais elle était là avant même la première rencontre.

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Ce fait en quelque sorte dédouane et atténue la responsabilité du partenaire dans la survenue de la crise puisqu’en effet le germe de la crise existait avant même que le couple se constitue: lui ou elle, le ou la partenaire, a été le plus souvent choisi(e) de façon inconsciente pour ses potentialités à susciter la crise avec, dans les bons cas, l’espoir qu’elle puisse être surmontée (et de cela de façon réciproque en permettant aux deux sujets du couple de liquider les fantômes de leurs passés respec- tifs). La relation de couple est donc l’une des plus aptes à mobiliser les passions de l’être humain, mais elle hérite des circonstances et contingences qui ont marqué l’apprentissage du contrôle de ces passions par le sujet lorsqu’il était enfant, et cela sur la personne de ses parents, tour à tour chacun des parents, ou parfois d’autres proches, impliquant amour, rivalité, renoncement et identification. Voire traumatisme. Le couple formé par des sujets adultes, dans ses débuts, se constitue ordinairement avec l’amour. Peut-être cette séquence a-t-elle été inaugurée par le coup de foudre: pour qu’il se produise, il faut qu’une image de celui ou celle qui va être aimé soit déjà constituée en moi (dans le «moi»), image qui est comme une mosaïque de traits empruntés à ceux qui ont compté dans l’enfance.

De l’agressivité à l’indifférence

Ces traits ne sont pas toujours idéalement beaux, mais ils étaient portés par ceux qui ont marqué le sujet lorsqu’il était enfant : la forme d’un sourcil, une fossette, une couleur de cheveux, une raucité de la voix, telle particularité d’une démarche… également présents chez tous ceux que le sujet aimera par la suite, il y aura un tel trait qui fera la série. Dans le coup de foudre, ce trait est là, soudain incarné sous les yeux, donc retrouvé. Aimer, c’est se donner le temps : il y a forcément dans la situation initiale ou actuelle quelque chose qui manque, une insatisfaction, qui oblige à se donner comme preuve d’amour l’accomplissement de projets pour combler ce manque: ce sera le plus souvent assurer l’assise matérielle du couple (l’appartement, la maison), décider la naissance d’enfant. La haine dans le couple, inhérente à toute relation humaine (car si je dis que j’aime ou que je hais, ce n’est que la tendance dominante et consciente, l’autre tendance d’influence minoritaire étant inconsciente et refoulée et forcément liée à la première) vient d’un autre côté et relève d’une autre temporalité : elle surgit dans la gestion du quotidien, dans l’infini des jours qui succèdent aux jours, et porte la marque des rythmes vitaux ; comment se séparer le matin ou se retrouver le soir, comment se répartir les contraintes? Le conjoint est le plus proche, il est important de trouver avec lui la bonne distance : trop près cela déclenchera l’agressivité, trop loin ce sera l’indifférence. L’intimité de la sexualité est là pour abolir cette tension en cas d’amour partagé, comme dans la réplique finale du film Eyes Wide Shut de Kubrick: « Viens, on va baiser.»

Le miroir du passé

Pour éviter la scène de ménage permanente (se souvenir d’Élise Jouhandeau et de son « spleen empanaché » pendant que son mari Marcel écrivait les « chroniques maritales »…), il faut donc mettre en place un art de vivre. Vient le temps du dévoilement de l’ignorance, lequel n’est pas chronologique mais logique : depuis toujours dans la vie de chacun des protagonistes du couple existait un problème, pas vraiment ignoré mais laissé de côté, comme dans un coin du psychisme, une souffrance venue d’une situation à effet traumatique de l’enfance, par exemple tenant à l’état des relations dans la fratrie, au fait de ne pas se sentir aimé de tel ou tel parent : or dans l’histoire du partenaire choisi, il existe très souvent une histoire comparable, soit identique, soit exacte- ment à l’inverse, ce qui a joué comme un effet de reconnaissance inconsciente… La crise souvent va venir de là, comme si une situation du passé trouvait à s’actualiser à la faveur de coïncidences en apparence fortuites, devenant de plus en plus conflictuelle, comme s’il fallait qu’elle soit mise en acte pour être d’une certaine façon comprise (symbolisée) et dépassée… Pour que l’amour reprenne le dessus en inaugurant un nouveau cycle amour-haine-igno- rance avec un nouveau projet.

Charles Marcellesi/ Médecin

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