Edito : Marchands d’illusions

La Corse serait-elle  le creuset des espoirs déçus ?  Comme si une malédiction invisible mais  permanente s’ingéniait à briser un paisible droit au bonheur. Dans une île baignée d’atouts inégalés et de bénéfiques vagues de potentialités, rien ne va plus.  L’esprit cartésien flanche et s’étiole devant cet incompréhensible  désastre sociétal et économique. Le fléau  se propage ruinant le lien social,  provoquant  la peur l’individualisme et le repliement.  Et tandis que la maison commune  menace ruines,  tels  juchés sur des tréteaux proclament sans discontinuer leurs sornettes  sur le possible Eden.  Depuis trois décennies les mêmes dialectiques égrènent les programmes électoraux, aussi épais qu’un catalogue de la Redoute.  Les vendeurs  de promesses se succèdent, au gré des générations. L’ancien et le nouveau  se retrouvent dans cette intemporalité qui façonne l’illusion.  La société civile n’écoute plus ces messages qui bannissent la réalité au profit de savantes constructions intellectuelles, riches  d’accents utopiques.  Certes, les résultats tangibles, sans cesse prédits ou annoncés  sont aux abonnés absents Mais c’est la faute à Paris,  à l’Etat, à Bruxelles, aux autres. Ou  à pas de chance.  L’autocritique  ne parait pas être dans le cahier des charges de ceux qui exercent des responsabilités électives, ou se démènent pour y accéder.  Et pendant que les  élites autoproclamées prêchent  dans le désert ?  la population ploie sous le joug  des difficultés quotidiennes.  Voilà  qui s’apparente, à maints égards, au divorce entre  élus et société. A qui la faute ? Chômage endémique,  jeunesse déboussolée,  un habitant sur  cinq vivant sous le seuil de pauvreté.  La morale au vestiaire,  le règne  du colt, un derby sportif se métamorphosant en émeute. Telle est la triste situation d’une  société en pleine déliquescence. Sans repères ni lisibilité. Nul ne pense que l’édile possède  toutes les clés ouvrant la porte des solutions. La sagesse populaire sait pertinemment  que le remède  miracle  n’est pas au bout d’un colloque, d’un séminaire ou de quelque  manifestation thématique.  Mais cette majorité silencieuse pense à bon droit  que les grands débats qui secouent le microcosme politique sont décalés et ignorent étrangement  les causes du véritable désarroi  général.

Logement, emploi,  développement. Telle est la magistrale trilogie  qui marque au fer rouge. Comment œuvrer  pour sortir collectivement de l’ornière et les chemins de traverse ?  Certes,  les  questions  institutionnelles, constitutionnelles, linguistiques  ont leur importance. Mais quand le bateau  risque de couler, mieux  vaut colmater les brèches que façonner de nouvelles voiles.  Cela s’appelle  la hiérarchisation.  Car  la misère est un des  terreaux   favorisant la délinquance, le refus du vivre ensemble. Elle  entraine inexorablement  l’éclosion du grand banditisme, qui devient  d’ailleurs le sujet à la mode dans les derniers salons ou l’on cause.

Sans  une rapide prise de conscience, la situation déjà  délétère atteindra un point de non retour.  L’Etat de droit  deviendra concept purement théorique. Une loi, non écrite mais prégnante  sera édictée par d’autres. Et chacun, sans exception, devra s’y plier.

                                                                                    Jean Poletti

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