Edito – Février 2016

L’Etat gère ?

Par Jean Poletti

Mouvements de mentons. Florilèges de propos indignés. Litanie du vivre ensemble. Une nouvelle fois la Corse fut lapidée en place publique.  Forcément raciste, naturellement xénophobe, assurément asociale. N’en jetez plus, la cour est pleine Les Jardins de l’Empereur connurent  une épopée médiatique, la hissant au rang d’affaire d’Etat. L’impression d’une condamnation sélective dans les propos de certains responsables nationaux fut surprenante. C’est un euphémisme. L’indigne guet-apens dans lequel tombèrent les pompiers sembla à maints égards anecdotique, alors que son coupable débordement fit sortir du bois les procureurs de circonstance. Les faits sont têtus. En conscience certains ici refusent de voir la paille en ignorant la poutre. Et sauf à se contenter de l’écume des choses, comment ne pas déceler en creux une tentative d’assimiler ces dérapages a la prise de pouvoir des nationalistes ?  A cet égard, soulignons l’attitude du préfet de région, Christophe Mirmand, qui sut  par la parole et les actes  gérer avec tact et autorité cette  séquence en la ramenant à ses justes proportions.

Ne pas dire les choses clairement, simplement, avec ce parler vrai qui sied en toute démocratie équivaut à se cacher derrière le petit doigt. Dire  que chez nous le communautarisme, fut-il balbutiant, relève de l’imaginaire rejoint le déni de réalité. Affirmer que la religiosité est absente de toute exaction s’apparente au mensonge convenu. Brandir systématiquement le drapeau victimaire  équivaut à occulter un authentique espace de dialogue propice à la solution.  Les gesticulations autour de cette affaire ajaccienne sont un nouveau révélateur  du mal corse et de sa gestion par les autorités étatiques, noyées sous les flots de la méconnaissance. Quand il ne s’agit pas de mépris. Quel que soit le problème,  une sorte de reflexe de Pavlov  met la Corse a l’index.  Et ce bon Chevènement en profite pour s’extirper de la naphtaline  afin d’asséner ses sempiternelles sottises. Le mal corse ? Il est connu dans les palais lambrissés. Si tel n’était pas le cas chacun pourrait se plonger dans le rapport  Glavany,  épilogue d’une commission d’enquête parlementaire. Il souligne les dysfonctionnements locaux et en corollaire les erreurs, sinon les fautes, des gouvernements successifs.  Le grand banditisme les prévarications et autres prébendes ? Un document exhaustif de l’ancien procureur général Bernard Legras les exposait au grand jour. Depuis l’eau coula sous les ponts et  ces deux publications demeurèrent lettres mortes.  Avec toutes les conséquences  que l’on sait.

La Corse a droit à l’Etat de droit. Voilà l’antienne. Cela ne signifie pas  crier haro sur une communauté à chaque poussée de fièvre. A moins que gouverner ne soit pas prévoir, osons dire que d’aucuns confondent allègrement l’action politique avec  les mâles saillies médiatiques. Caustique et un brin méprisant, François Mitterrand  disait de ces  adeptes qu’ils avaient une âme de corsaire mais préféraient rester au port.

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