Amelia Tavella – Une empreinte poétique


Par Karine Casalta

Saluée par le Prix de la Jeune Femme Architecte en 2016, le Prix Pierre Cardin de l’Académie des Beaux Arts en 2017 et le Palmarès « Choiseul – Ville de demain » en 2018, Amelia Tavella est aujourd’hui en lice pour les Archidesign Awards qui récompensent chaque année depuis 2013, les réalisations architecturales les plus remarquables émanant de jeunes créateurs comme de talents confirmés. Une nomination qui vient une nouvelle fois mettre en lumière tout le talent de la jeune architecte corse. Un talent proportionnel à l’engagement personnel qu’elle met dans chacun de ses projets.

C’est en effet avec toujours beaucoup de sincérité que l’architecte s’investit dans chacun d’eux, dans un rapport dit-elle, « très maternel ». Davantage que des réponses à de simples cahiers des charges, chaque projet est le fruit d’un véritable travail d’analyse, toujours nourrit en amont par une longue période d’observation, pour s’imprégner de l’âme du lieu où il doit s’inscrire.

Un processus créatif singulier

Une démarche quasi psychanalytique pour que le bâti réponde au mieux au bien-être et au confort de ses usagers, tout en respectant le paysage et l’histoire du lieu qui l’accueille. Car dit-elle, « le patrimoine paysagé est tout aussi important que le patrimoine architectural et l’architecte a la responsabilité d’un bâti qui sera là pour longtemps». Ce processus créatif la guide ainsi dans chacune de ses réalisations, où lignes et volumes se fondent dans le paysage, se jouant de ses contraintes naturelles pour mieux les utiliser, tout comme de la lumière naturelle pour en tirer partie à chaque moment de la journée. Cette symbiose avec la nature est encore renforcée par le choix des matériaux utilisée « Mon travail est guidé par la simplicité et la recherche d’une certaine sensualité. Dans cet esprit, je n’emploie que des matériaux bruts et nobles que le temps patine, tels que le bois, le métal, ou la pierre… ».

L’Influence de la Méditerranée

Une sensibilité largement influencée par la Corse à laquelle elle doit en grande partie dit-elle, l’envie de faire ce métier, « poussée de l’avant par le désir inconscient d’honorer son île » et la Méditerranée. Car Amélia a en effet grandit en Corse, sur la rive droite d’Ajaccio où elle est née, au contact permanent d’une nature entre terre et mer, qui l’a sensibilisée à la beauté et à une ouverture sur tous les horizons. Des éléments aujourd’hui au centre de son travail. C’est guidée par cette recherche de beauté, qu’à 18 ans elle choisie de partir à Paris, pour se former à l’Ecole spéciale d’architecture, enchainant sur un DESS de Droit de l’Urbanisme et de la Construction. « Je suis tombée folle amoureuse de Paris où j’ai découvert une autre forme de beauté, plus urbaine !» Regagnant par la suite le sud de la France, elle s’installe à Aix en Provence où, tout en devenant maman de 2 petites filles, elle créé en 2007 sa propre agence avant d’en ouvrir une deuxième en 2010, à Ajaccio. Passionnée par son métier, son attachement à la Corse motive son choix de construire essentiellement sur l’île, où elle multiplie les projets, avec la chance d’intervenir souvent sur des sites exceptionnels qui lui permettent de donner toute sa mesure à la dimension artistique et esthétique de son travail: Le groupe scolaire A Strega, à Santa Maria Sicchè, le pôle culturel du Couvent Saint-François à Sainte-Lucie de Tallano, le groupe scolaire de Lumio… parmi es plus emblématiques. Faisant d’elle une chef d’orchestre capable de synthétiser différents talents, ils lui offrent aussi de faire de belles rencontres. Car pour satisfaire ce désir de créer « il est important, dit-elle, de savoir s’entourer de toute une série de compétences ».

Elargir le champ des possibles

Elle prend ainsi plaisir à collaborer avec des artistes, des plasticiens, ou techniciens spécialisés… pour enrichir ses projets et atteindre l’objectif souhaité, mais aussi avec des maîtres d’ouvrages qui l’honore de leur confiance, ou d’autres architectes avec lesquels elle est parfois amenée à collaborer. « Vu l’importance de l’acte de construire, il est important d’avoir à faire à des acteurs passionnés, qui partagent le même enthousiasme ». Ainsi dit-elle, sur le projet du nouveau conservatoire de musique d’Ajaccio, elle a eu la chance de collaborer avec Rudy Riccioti, dont elle admire le travail, à la fois « pour son approche très sensuelle de l’architecture et sa considération assez géniale de la lumière». Posé entre les quartiers des Cannes et des Salines, face à la mer, le bâtiment semi enterré qui a été conçu, libère la vue et offre sur son toit un parc accessible, révélant la poésie urbaine inscrite dans ce paysage, tout en reconnectant les 2 quartiers. C’est ainsi, dit-elle, que « l’architecture permet d’aborder différents univers ; C’est aussi un défi permanent, presque un jeu. J’adore ça. » Ce champs des possibles et ces rencontres ont permis qu’au fil des années la passion pour son métier ne l’a pas quittée.  Quel nouveau défi pourrait aujourd’hui la tenter ? Elle cite spontanément la construction d’une église –car elle se passionne pour les lieux qui touchent au sacré-  ou plus étonnamment,  celle d’une prison, pour réfléchir à comment, en améliorant leur confort et leur bien être, l’architecture pourrait avoir un impact positif sur les détenus et favoriser leur réinsertion. Placer l’humain au cœur du projet, un exercice qui fait sens pour une architecte talentueuse qui n’a pas finit de surprendre !

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