Agnès Accorsi


Ses œuvres font le tour du monde

Agnès Accorsi portrait

Cette artiste contemporaine plasticienne, originaire d’Ajaccio, vit et travaille en Corse. Elle a participé à de nombreuses expositions en groupe ou personnelles à travers le monde, et à des collections institutionnelles, notamment au Frac Corse. 

Réalisé par Laura Benedetti

Sa production mêle à la fois la peinture, le dessin, le travail d’image et d’installation hybride… où elle-même invente son propre savoir-faire. Elle propose une vision du monde éclaté(e) qu’elle ne cesse d’interroger sous le prisme de ses contradictions.

Comment son parcours d’artiste s’est-il frayé ? Sans trop réfléchir, par un jeu d’attention et d’écoute d’un désir précoce et intense de créer, de produire. Après une formation aux Beaux-Arts d’Aix-en-Provence, elle retourne en Corse et continue à peindre, passant les seuils d’un médium à l’autre tout en accordant une grande importance au processus de création et à ses phases de déploiements, de mutations, d’éclosions. De la peinture, elle glisse au dessin à la photographie à la vidéo aux installations de mise en scène. Son art de l’attelage nous guide dans les profondeurs d’un univers dense et complexe où nos perceptions habituelles sont bousculées.

Elle met en scène nos espaces, nos corps, son corps en explorant diverses formes d’expression, et fait apparaître ce qui se meut en nous, réveillant au passage, notre sens critique sur les lieux communs. Elle s’attarde sur les corps familiers, déplace les stéréotypes, transgresse les conventions et les normes jusqu’à livrer une représentation nouvelle qui inspire l’étrangeté. Elle brouille les pistes du collectif à l’individu et sème la confusion au sens que nous accordons aux liens et aux symboles. Mais surtout, elle joue. On pense notamment à la création Nail Art exposée au Frac Corse en 2013 où elle détourne l’objet féminin, faux ongles, en leur conférant une dimension sculpturale avec un sens topographique et préhistorique : « Par leur disposition au mur il s’agissait aussi de renvoyer aux empreintes des grottes préhistoriques et de leur donner une dimension sculpturale en les installant au sol et en les agrandissant à une échelle de x57.7 ce qui donne un ongle de pouce de 1,50 m ». Agnès Accorsi débride les désirs de tout ordre, qui s’anéantissent dans l’œuvre, en jouant sur et avec les corps : géographiques, physiques, matériels, fantasmatiques. On pourrait dire qu’une sémantique corporelle sensuelle et poétique prend forme ou l’idée de la beauté ne se définit pas mais se suggère par un art de la destruction et de la fragmentation ; et fait sens dans la combinaison qu’elle réalise ensuite, des éléments.

Des techniques mixtes

Les œuvres d’Agnès Accorsi sont des œuvres fragiles qui s’élaborent dans un processus lent où le sens a priori importe peu, car il émerge dans le travail de la gestuelle. Un peu comme l’écriture de Duras qui dit que ce sont les mots eux-mêmes posés sur le papier qui courent et composent le sens. Autrement dit, c’est la main de l’artiste qui porte en elle ce sens ; pour Agnès, par le biais de techniques mixtes : crayons noirs, de couleurs, feutre sur papier, fibre de verre, plastique, textile… son univers est un composé d’éclosions, comme dans ses dessins, qui offrent, par l’éclatement, des possibilités de réinventions : à travers les études et les dessins préparatoires de l’œuvre représentant les jupes imprimées sur film perforé, le tissu se métamorphose entre broderie, peinture et sculpture.

On plonge dans son monde où le désir féminin fait partie de ses supports d’œuvre. On cherche les énigmes dans son travail pour finir par, non pas tout à fait capituler, mais jouer avec elle. On joue à se laisser transporter dans son esthétique et sa poétique troublante, pour faire corps à : cette « perception élargie, telle est la finalité de l’art, écrit Deleuze. Or un seul but ne peut être atteint que si la perception brise avec l’identité à laquelle la mémoire la rive. (…) Ce que veut dire élargir la perception, c’est rendre imperceptibles sonores (ou visibles) des forces ordinairement imperceptibles* ».

Le catalogue d’exposition des œuvres de l’artiste « Corps et décors » est paru en décembre 2017 chez Silvana Editoriale.

* Gilles Deleuze, Deux régimes de fous, Gallimard, 2003

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