PLAIDOYER POUR L’INTÉRIEUR DE LA CORSE

La majorité de la population corse vit sur le littoral et une minorité dans lintérieur. La loi littoral sapplique pour 100 communes, la loi montagne pour 260 et 70 sont concernées par les deux, complexifiant la difficulté de ceux qui souhaitent sinstaller dans lintérieur. Lexemple de Linguizzetta qui dispose dun PLU scindé entre intérieur et littoral, montre que ladaptation réglementaire pour favoriser le développement de lintérieur est possible. 

Par Emmanuelle de Gentili 

Mais la majorité des 190 communes, peu peuplées et soumises à la seule loi montagne, n’ont pas de PLU, faute de compétences et de moyens financiers. Or, elles sont la matrice de nos traditions et de nos solidarités ancestrales. Y permettre l’installation de nouveaux habitants est une priorité !

Faute de PLU, elles sont soumises au RNU (Règlement national d’urbanisme) qui prône la « constructibilité limitée », ce qui signifie que l’urbanisation ne peut se faire qu’en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou habitations existants.

Dans ces communes où s’impose le RNU, les autorisations de construire ne sont délivrées par le maire que si le préfet donne son avis favorable. Mais le représentant de l’État et ses services ont souvent une vision stricte de la notion d’urbanisation en continuité de l’existant. 

Il est des villages où les permis mis en cause ont dû remonter en appel pour obtenir gain de cause sur cette notion, complexe au demeurant.

Plus encore dans l’après-Covid, de nombreuses personnes souhaitent se réinstaller dans les zones rurales et « construire au village » loin de l’idée de favoriser des opérations spéculatives. Nos parlementaires devraient donc s’emparer de ce sujet et le décomplexifier pour assurer le développement de l’intérieur. 

Spirale néfaste 

Les difficultés risquent de s’accumuler avec le PLF 2023 qui vise à élargir le périmètre des « zones tendues », zones d’urbanisation continue, de plus de 50 000 habitants, avec des loyers et des prix d’acquisition de logements très élevés, ou une offre de logement très inférieure à la demande. Ces zones permettent d’augmenter le taux de la taxe d’habitation (TH) sur les résidences secondaires. 

La Corse compte deux « zones tendues » : Ajaccio et l’agglomération de Bastia. Ajaccio retire 1,4 M€ de recettes supplémentaires avec une taxation à 40% de ses 4 000 résidences secondaires. À Bastia, ces chiffres sont respectivement de 0,7 M€, 50% et 2 800.

D’autres communes, hors de ces zones, connaissent des difficultés d’accès au logement. L’explication est double : les propriétaires privilégient la location de courte durée, avec les plates-formes numériques, ôtant ces logements du marché, phénomène amplifié par le fait que l’île compte 30% de résidences secondaires, alors que la moyenne nationale est de 10%.

Ce manque de biens à la location de longue durée renforce les tensions sur le marché de la location, provoquant un manque de vitalité pour les communes. Cependant, les communes peuvent majorer la TH sur les résidences secondaires, afin d’inciter les propriétaires à les mettre sur le marché de longue durée. 

Rétablir l’équité 

De nombreuses communes de Corse seront concernées par l’extension des « zones tendues », dans le littoral et dans l’intérieur, car elles remplissent les deux critères : les prix d’acquisition y sont hauts avec peu de biens mis à la vente, et la proportion de résidences secondaires y est élevé car de nombreux Corses ont gardé leur maison familiale dans l’intérieur. 

Elles disposeront en outre de recettes complémentaires permettant de faire supporter par les résidents saisonniers, le coût des équipements publics surdimensionnés. 

Voici une proposition mise au débat, pour ne pas défavoriser les Corses (la moitié de la population a un revenu annuel inférieur à 21 000 €, 1 000 € de moins que la moyenne nationale), que cette mesure soit adaptée à l’île par le biais de deux tamis : une exonération de ce surcroit de fiscalité pour ceux qui payent l’impôt sur le revenu dans l’île, ce qui prouve qu’ils y travaillent ou y résident, et un plafonnement de taxation pour ceux qui détiennent le bien par succession ou donation en ligne directe, puisqu’ils contribuent de manière directe ou indirecte, à la vie communale.

« Réserve d’indiens ? »

Avec ces propositions, adaptation de la notion de continuité urbanistique dans l’intérieur et double tamisage pour éviter la spoliation, il est possible de favoriser l’installation de nouveaux habitants dans l’intérieur, lui redonner de la vitalité, en préserver la vie et le patrimoine avec des services viables. 

À défaut l’intérieur deviendra une « réserve d’indiens » !

*https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/L%27extension_de_l’urbanisation_en_continuité_de_l’urbanisation_existante.pdf

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