Quand la Corse divise…

La question Corse divise la classe politique et fait voler en éclat bon nombre de marqueurs idéologiques. Ce n’est pas nouveau mais les prises de positions récentes font apparaître des convergences ou des clivages pour le moins étonnants.

Par Vincent de Bernardi

Dans une actualité chargée depuis la victoire des nationalistes aux élections de décembre, la visite du Président de la République dans l’île a réactivé le déferlement de propos plus ou moins inspirés. Il y avait matière ! Une madame Corse qui ouvre la voie au dialogue, refermé illico par un Premier Ministre peu réceptif à la spécificité corse et opposé à toutes les revendications des élus nationalistes, un président du Sénat prévenant que seul le droit à la différenciation pourra trouver grâce aux yeux de la Haute Assemblée. Voilà de quoi sérieusement plomber l’ambiance. L’appel à la manifestation à Ajaccio par les leaders nationalistes a, dans ce contexte, été mal compris par une opinion continentale qui n’a pas suivi au jour le jour les multiples rebondissements d’un dossier compliqué et qui a entendu la plupart des responsables politiques dire tout et son contraire. Dans cette confusion, difficile de se faire un avis d’autant plus que des convergences hétéroclites ont pu surprendre les plus attentifs.

La première incongruité, c’est d’abord un axe Wauquiez – Valls. Dans le même élan républicain, ils ont, l’un et l’autre, dit quasiment la même chose, usant d’un ton presque martial.

« Il y a une ligne rouge et elle est simple : la Corse est et restera française ». « On a eu l’exemple de la Catalogne, et donc on voit à quel point ce sont des sujets qui nécessitent beaucoup de vigilance et beaucoup de rigueur« , assenait Laurent Wauquiez sur France 2.

Sur le plan de la rigueur, Manuel Valls n’a rien à lui envier. Il déclarait au lendemain du discours d’hommage au Préfet Erignac : « Partout en Europe on voit monter des nationalismes, des séparatismes, des populismes (…) Nous vivons une crise identitaire, donc ce qui se joue en Corse est un symbole pour le reste de la France, il ne faut lâcher sur rien ».

Valls et Wauquiez même combat

Unis jusqu’au bout dans leurs jugements sur les revendications des nationalistes, Manuel Valls et Laurent Wauquiez partagent bien une vision commune avec le Président de la République. Pour le premier, « C’était important que sur la co-officialité de la langue, le statut de résident, l’amnistie des soi-disant prisonniers politiques, le chef de l’Etat tienne des discours de vérité, clarté, fermeté ». Même approche pour le second qui souligne que « la langue corse n’est pas au même niveau que la langue française » et « qu’il n’y a pas de prisonniers politiques, parce qu’en France, il n’y a pas de prisonniers politiques ».

Autour de cet axe, gravitent d’autres acteurs aux propos tout autant mesurés. Ainsi Valérie Pécresse ne se distingue guère en disant « oui au droit à la différenciation mais je suis défavorable à l’inscription de la Corse dans la Constitution. J’ai peur d’ouvrir la boite de Pandore ». Ou encore Eric Woerth pour qui « intégrer la Corse dans la Constitution, c’est la porte ouverte à la divisibilité de la République ». On se souviendra que c’est pourtant ce que préconisait Nicolas Sarkozy, dont Eric Woerth était l’un des principaux lieutenants, lors de la campagne des primaires de la droite et du Centre. Enfin Gilbert Collard qui, dans un lexique identique à celui de Laurent Wauquiez, parle de « ligne rouge à ne pas dépasser » en matière « d’unité de la nation ».

Face à ces jacobins venus de tous les horizons, quelques girondins ont fait entendre leur voix. C’est le cas de Richard Ferrand expliquant avant la visite du Président de la République qu’il fallait « saisir la main tendue par le président Simeoni ». « Je crois (…) qu’un virage historique est en train de se prendre en Corse. (…) Il faut qu’on sorte de cette relation de soupçon avec la Corse et ses dirigeants politiques pour passer à une relation de confiance ». C’est aussi la position du Président de l’Assemblée nationale, François de Rugy qui invite à « reconnaître la spécificité de la Corse, une île avec une identité forte, qui a une langue qui est encore parlée par beaucoup de monde. Dans notre Constitution, je crois qu’il est bon qu’on reconnaisse cette diversité des territoires français. » Il va même jusqu’à affirmer que cette reconnaissance devrait passer par des « autonomies plus fortes » pour les régions, et particulièrement pour la Corse.

Mélenchon consensuel !

Fidèle à ces prises de positions antérieures, le député LR de l’Yonne, Guillaume Larrivé « propose qu’ici, à l’Assemblée nationale, nous définissions un chemin vers une autonomie constitutionnelle de la Corse. Oui, la Corse est française, mais la Corse a une particularité au sein de la République française » s’enflamme-t-il.

Reste l’inclassable Jean Luc Mélenchon qui pioche un peu dans chaque camp : Non à un « démembrement de la République française avec des statuts à la carte région par région », mais oui à l’une des principales revendications des nationalistes, celle du statut de résident, et à un éventuel statut corse inscrit dans la constitution via l’article 74 sur l’Outre-mer.

Alors, si la Corse divise autant, c’est qu’elle suscite plus de passions que d’indifférence. Elle est en cela un objet de débat bien français !

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