Manuel le toréador

Edito

Par Jean Poletti

Signe des temps ou coïncidences de calendrier ? Ces dernières semaines le microcosme politique national s’apparenta à un scenario fertile en rebondissements. Colomb joua l’échappée belle. Le premier flic de France s’évada de la Place Beauvau et au terme d’une intense cavale médiatique posa son sac dans sa bonne vieille capitale des Gaules. Est-ce à dire que le provincial en avait soupé de cette propension Elyséenne à susurrer qu’il n’est de bon bec qu’à Paris ? Lui l’affirme, déplorant le peu d’affection des édiles de la capitale pour les régions et le voile pudiquement étendu sur la promesse d’un pacte Girondin. Certes ce reproche n’est pas orphelin dans la bouche du transfuge. Mais nul doute que ce reproche, passé presque inaperçu, pesa dans la balance d’une décision que d’aucuns s’escrimèrent à qualifier de caprice.

D’une décision l’autre, voilà Manuel Valls qui rêve de château en Espagne. En lice pour la mairie de Barcelone, avec l’appui espéré des forces libérales. Détail croustillant, tous deux furent ministres de l’intérieur, et eurent à connaitre de la problématique Corse. Mais comparaison n’est pas raison. Le premier se limita lors de ses déplacements insulaires à évoquer les thématiques des incendies, laissant prudemment les autres sujets couver sous leurs cendres.

Le second, dans un style d’Hidalgo, multiplia les formules à l’emporte-pièce, évoquant ici les lignes rouges à ne pas franchir, là l’omerta qui renvoyait a une responsabilité collective. Olé Manuel, amoureux de la tauromachie, l’ancien rocardien changea sa muleta autogestionnaire pour celle de la république une et indivisible. C’est son droit et ce fut son choix. Les afficionados socialistes chargèrent et rares furent ceux qui lui octroyèrent la queue et les deux oreilles, qui dans les arènes ponctuent une féria étincelante.

Député mal élu dans l’Essonne, sous la bannière En Marche, sans doute espérait-il que son ralliement lui vaudrait un retour en grâce présidentielle. Mais celui qui fut « son » ministre, n’avait sans doute pas oublié les remontrances et pour tout dire l’antagonisme d’un chef de gouvernement, jaloux de ses prérogatives.

Quoi qu’il en soit, et sans s’immiscer plus avant dans les arcanes du pouvoir, ou se conjuguent déconvenues, trahisons et égos, nul n’oubliera que la perception de Valls sur l’Ile était bien en deçà de son intelligence. Et d’une doctrine qu’il servit sous l’ère Jospin, dont il fut un proche collaborateur.

L’ambition est sinon nécessaire a tout le moins légitime chez ceux qui s’engagent en politique. Dire et professer l’inverse équivaut à prendre l’électeur pour un doux rêveur. Que l’on sache nul n’est en lice et n’acquiert de mandats électifs si telle n’est pas sa volonté. Presque sa phobie. Pour autant, faut-il jouer les picadors de service en blessant une communauté insulaire par des formules fréquemment dévolues à entrer en résonnance avec l’opinion continentale ?

La cause est entendue, l’ami Manu veut poursuivre son parcours politique au pays de Don Quichotte. Au-delà de la municipale, il entend se positionner sur l’échiquier Espagnol. Avec comme slogan majeur l’unité du pays. En opposition frontale avec qui aspirent à un autre destin. Paradoxalement, Valls joue la doctrine de Madrid contre celle de Barcelone. Rien à redire si cela, comme on peut avoir la faiblesse de la croire, est le fruit de l’âme et de la conscience.

Pour autant, chez nous, fut-ce en bannissant l’esquisse de l’ombre d’une polémique, Celui qui cherche fortune dans son pays d’origine, réfuta la vision de Defferre, Joxe et Mitterrand, pour épouser intimement celle d’un Chevènement, et parfois d’un Poniatowski.

Il est des doctrines qui aboutissent, selon Cervantès à se battre contre des moulins à vents !

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