COMMERCES DU CENTRE-VILLE: OPÉRATION SURVIE À AJACCIO ET BASTIA

Dans l’île aussi les commerces du centre-ville doivent réagir au développement rapide de leur ceinture périurbaine, notamment marquée par l’ouverture de grands centres commerciaux. Et réfléchir à la revitalisation de l’hypercentre. Les municipalités à Ajaccio et Bastia ont commencé le travail. Et cela passe par différents dispositifs d’accompagnement

Par Véronique Emmanuelli

Le cœur des villes moyennes a tendance à battre au ralenti. Tandis que les équilibres urbains sont fragilisés par le développement rapide de ceintures périurbaines. Le constat dressé à l’échelon national a débouché tour à tour sur la création d’un groupe de travail au Sénat consacré à la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, puis fin 2017 sur un programme gouvernemental assorti d’une enveloppe de cinq milliards d’euros et baptisé « Action cœur de ville ». Ajaccio et Bastia correspondent aux critères fixés. Les deux villes insulaires ont remis leur dossier de candidature au préfet. À travers le plan, l’objectif est de bénéficier dès 2018 de financements supplémentaires afin de mener à bien différentes opérations de rénovation et de développement. De l’avis de Stéphane Sbraggia, premier adjoint au maire d’Ajaccio, conseiller communautaire en charge de l’aménagement urbain, cette orientation s’inscrit tout à fait dans la continuité de différentes actions d’ores et déjà engagées. « Nous avions anticipé au niveau de la ville et de l’intercommunalité. Dès 2014, la communauté d’agglomération a initié un projet de territoire, qu’elle a intitulé schéma d’aménagement et de développement durable. Il s’agissait d’une démarche volontaire destinée à structurer l’action publique autour d’une stratégie de développement
économique et social conçue à l’échelle du territoire intercommunautaire. Le document, depuis cette date, sert de feuille de route et permet de déterminer les priorités d’intervention de l’agglomération. »
Le modèle ajaccien fait encore appel à un schéma nautique, à un plan de déplacement urbain, puis « au contrat de ville et à plusieurs quartiers reconnus en QPV ou Quartiers prioritaires de la politique de la ville. Un programme important au titre de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) est aujourd’hui en cours aux Cannes et aux Salines. Les Jardins de l’Empereur concentrent aussi les attentions. Pour l’heure, nous en sommes au stade de la réflexion », reprend le premier adjoint. Les stratégies de revitalisation existantes sont également conditionnées, entre autres, par des opérations programmées d’amélioration de l’habitat, par une convention de partenariat « Centre-ville de Demain », signée par la ville, la Capa et la Caisse des dépôts et consignation. Un projet urbain, la démarche Ajaccio 2030, sont d’autres chemins qui mènent à la revitalisation « Depuis des années, nous mobilisons des dispositifs opérationnels favorables à l’amélioration du cadre de vie et aux performances socio-économiques au service de la population », résume Stéphane Sbraggia.

Urgence
Et de l’avis des acteurs économiques du centre-ville, toutes les mesures prises ne sont pas superflues. Loin s’en faut. Il faudrait même passer à la vitesse supérieure pour redonner force et vigueur à l’hypercentre. « Il y a urgence à agir », estime Rita Beveraggi, présidente de l’association des commerçants de la rue Fesch, secrétaire de la Fédération des associations de commerçants ajacciens. Le bilan des mois écoulés met en exergue un chiffre d’affaires qui s’amenuise de façon constante.
Et, on se dit très préoccupé, en particulier depuis le congrès national des pompiers organisé à Ajaccio en octobre 2017. Aux dires des acteurs de terrain, c’est à partir de cette manifestation que la situation se serait aggravée. « La ville a été mise sous séquestre pendant près d’un mois entier, pour quatre jours de congrès. Les parkings ont été fermés, ce qui a dissuadé beaucoup de gens de venir en ville. On s’est rendu compte que les modes de déplacements alternatifs comme les navettes maritimes, ferroviaires, restaient embryonnaires. » Le congrès est d’autant plus pénalisant, selon la présidente « qu’octobre est le mois où nous sommes censés faire nos marges. En 2017, il a pesé très lourd sur nos trésoreries».
Par ailleurs, quelques semaines plus tard à peine, les choses ont changé à la périphérie de la ville avec l’ouverture de l’Atrium. Du coup, la population, et par conséquent la clientèle potentielle se disperse. « Le centre commercial n’est pas un concurrent direct pour les commerces de centre-ville. Nous ne sommes ni sur le même produit, ni sur le même mode d’achat. » Divers mécanismes démographiques se sont enclenchés. « Atrium attire une population qui n’est pas suffisante pour occuper tout l’espace commercial. Au final, il n’y a plus assez de monde nulle part. » En ville, le passage a diminué, comme les clients qui réagissent au coup de cœur. « Il y a les gens qui rentrent dans une boutique un peu par hasard. Ils découvrent un produit, ils sont séduits, ils achètent même s’ils n’étaient pas venus pour ça au départ. Ce type de clientèle se fait plus rare désormais », reprend Rita Beveraggi. Le phénomène risque encore de s’accentuer. C’est un fait avéré : « moins il y a de monde en centre-ville, moins on a envie d’y venir ». Ces données sont à replacer dans un contexte pour le moins morose. « L’été 2017 n’avait pas été très bon. » La météo, cet hiver, jouera encore contre les commerçants du centre-ville. « Le mauvais temps en décembre a favorisé la périphérie. » Ce qui a abouti « à une paupérisation de bon nombre de commerçants. Nous vivons des situations difficiles », estime la représentante de la profession. Pour autant, on refuse de baisser les rideaux. « On y croit toujours. On va se battre pour notre ville », insiste-t-elle.
Les commerçants de Bastia centre ne connaissent pas les mêmes tensions même si les zones commerciales ont proliféré tout autour d’eux. « Les centres commerciaux à l’extérieur de la ville concentrent des enseignes et des tarifs attractifs. En outre, ils ont l’avantage du parking. Mais le centre-ville de Bastia demeure le plus grand centre commercial de Corse avec ses six cents commerces dont quatre cents se trouvent dans l’hypercentre », observe Maxime Poli, manager centre- ville au sein de la municipalité.

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