Cauchemars et terreurs nocturnes chez l’enfant

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Certains troubles du sommeil de l’enfant – cauchemar, terreur nocturne – inquiètent beaucoup les parents, les mères en particulier, mais ne sont pas pour autant, le plus souvent, de signification grave.
Par Charles Marcellesi – Médecin

Le cauchemar est l’apanage de l’enfant entre 4 et 6 ans, c’est-à-dire le moment le plus intense de la
période oedipienne.L’enfant dès lors qu’il parle et comprend le langage, réalise que les êtres humains sont sexués en homme ou en femme et qu’il doit lui-même assumer une sexuation, mieux qu’il lui faut faire valoir cette
sexuation auprès des autres êtres sexués qu’il a en quelque sorte «sous la main» et qui sont ses parents : c’est sur eux qu’il apprend le maniement de ses premières passions, l’amour et la haine, qui seront le socle de sa vie affective ultérieure. Il éprouve dès cet âge des sentiments intenses de tomber amoureux (du parent de sexe opposé au sien) et de rivalité (avec le parent de même sexe), avec d’ailleurs peur que ce dernier ne se venge et exerce une rétorsion en retour. Il finira par admettre que la place auprès du parent aimé est prise par le conjoint, et qu’il
lui faut renoncer à ce premier amour de sa vie et cela par une identification au parent de même sexe. En résulteront le sens de la filiation et le sentiment de culpabilité. Devenues adultes, la plupart des personnes disent:«mais moi je n’ai jamais connu ça!»; et pour cause ! Cette période de l’enfance est visée après 6 ans par l’amnésie infantile élective, c’est-à-dire la mise de côté des traces de souvenirs par un mécanisme de refoulement. Ce thème des
premiers émois de la sexualité naissante lorsqu’il s’agit d’assumer une sexuation est révélé par le cauchemar. Dans le cauchemar, le désir qu’a l’enfant pour l’un des parents, généralement celui du sexe opposé au sien, lui revient comme après le passage par une poulie, sous la représentation d’un être monstrueux, sorte de démon «incube» (masculin) ou «succube» (féminin).

Expliquer et rassurer
Si les rêves, ceux que l’on ne fait qu’une fois, sont des rêves d’accomplissement de désir, et que le rêve est habituellement protecteur du sommeil – c’est lorsque quelqu’un rêve qu’il est le plus difficile de le réveiller – dans le cauchemar le rêve échoue à protéger le sommeil du fait de l’énormité du désir qui s’y exprime. Les parents
doivent se contenter de rassurer l’enfant mais l’accueillir dans leur lit pour qu’il s’apaise n’est sans doute pas la meilleure solution, car cela risque plus d’entretenir l’excitation amoureuse de l’enfant que d’aider à la liquider.
Dans la terreur nocturne, l’enfant lors d’une phase de sommeil profond qui n’est pas une phase de rêve, est trouvé assis dans son lit les yeux ouverts en train d’hurler, entre veille et sommeil, inaccessible aux sollicitations de sa
mère accourue ; ce symptôme survient généralement chez des enfants plus jeunes, voire beaucoup plus jeunes, que dans le cas du cauchemar, lorsqu’ils sont confrontés dans l’univers domestique qu’ils partagent avec leur parents à deux types de perceptions contradictoires, dissonantes : les unes viennent des aspects rassurants, protecteurs, de l’ambiance, ceux qui vont conforter la capacité de l’enfant à en retirer (à s’en attribuer) les bienfaits
et développer sa capacité de jugement en recherchant des semblables ou des équivalents dans la réalité qui l’entoure; d’autres faits par contre les inquiètent beaucoup, parce qu’ils ne les comprennent pas, viennent de l’intuition de la vie privée, de la sexualité des parents : celle-ci est fantasmée dans ce que les psychanalystes
appellent une «scène primitive », une scène des origines, dans laquelle la mère subit une interminable agression de la part du père.

Mécanisme d’enregistrement
Nul besoin d’avoir assisté à une scène réelle pour qu’un tel fantasme existe, mais cela a pu être néanmoins favorisé par des bruits entendus à travers la cloison, ou la porte laissée ouverte en pensant que l’enfant dort… Assez souvent
il suffit que la mère rassure l’enfant, en lui disant qu’elle est «avec papa et que papa la protège» pour que les terreurs nocturnes cessent de se reproduire.Dans certains cas, l’enfant, souvent très jeune, qui dormait dans la chambre et que ses parents pensaient endormi, a vraiment surpris un rapport amoureux: cette scène vue, hors tout
contexte de parole, peut, à la faveur d’autres facteurs développementaux, jouer comme un véritable traumatisme,
à l’origine de rêves répétitifs, la répétition du même rêve signalant alors ce qui a été vécu par le sujet
comme la confrontation à un danger mortel. Freud dans le cas de «l’homme aux loups» a décrit les conséquences
psychiques d’un tel accident, et comment la trace visuelle laissée oriente ensuite chez le sujet le mécanisme d’enregistrement de toutes les autres perceptions pour en faire les symptômes d’une névrose avec même un noyau irréductible non symbolisé.

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