À quand un(e) vrai(e) madame, monsieur Corse ?

À quand un(e) vrai(e) Madame, Monsieur Corse ?

 

Madame CorseJacqueline Gourault sera chargée de suivre le dossier insulaire. Madame Corse ? Pas vraiment. Ministre déléguée auprès de du ministre de l’Intérieur, elle n’aura sans doute pas la liberté de ton et d’action d’une personnalité indépendante. 

Par Jean Poletti

On peut disséquer à l’envi le récent résultat des territoriales. Les faits sont têtus. Le mouvement nationaliste a brisé les digues et dessiné une nouvelle carte électorale. Pour la première fois, un groupe détiendra la majorité absolue au sein de l’Assemblée de Corse. En cela, cette victoire est historique. Elle rend caduque et pour tout dire erronée l’analyse d’un Giscard, fréquemment reprise : « Il n’y a pas de problème corse, il y a des problèmes en Corse. » Le verdict des urnes, fut-il atténué par la forte abstention, démontre qu’une écrasante majorité d’électeurs pense que la question Corse est globale. Elle allierait dans ce droit fil des hiatus qui semblent mutuellement étrangers mais qui se fondent dans une même revendication. Celle qui rejoint le fait de société. Dès lors, en bannissant l’euphémisme et le jugement de valeur, il convient d’admettre qu’un fait démocratique intangible affirme que notre île ne se contentera pas de réponses parcellaires et a fortiori de silence.

Cela équivaudrait à reconnaître en haut lieu que les éventuels remèdes doivent impérativement transcender les périmètres spécifiques aux divers ministères. Et être appréhendés dans leur totalité. Si le qualificatif de médiateur est en l’occurrence impropre, il convient, dans cette démarche, que soit d’actualité un vrai Monsieur Corse. En dehors du champ ministériel, il serait celui qui globalise et synthétise les multiples revendications. Une tâche qui s’enracine dans le réalisme. En effet, économie, social, aménagement du territoire, institutions, concept d’autonomie, autant d’éléments qui paraissent disparates, mais qui procèdent désormais d’une vision Corse, majoritairement adoubée.

Démarche girondine ?

L’admettre en haut lieu équivaudrait à entériner une revendication politique. Et dans une démarche authentiquement girondine, rejeter l’analyse séparée des divers dossiers. Bref, tourner le dos à une approche dite de droit commun, qui ne serait que palliatif en regard des attentes, signifiées par le résultat électoral.

Dès lors, et sans vouloir rabaisser les prérogatives d’Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Gérard Collomb, Bruno Lemaire, et autres ministres, il est aisé d’admettre que l’enjeu implique la concentration de toutes les données d’une équation complexe. Avec en point d’orgue, la nomination d’une personnalité, libre de toute hiérarchie, susceptible de rassembler ce qui est épars. La ministre Jacqueline Gourault a d’ores et déjà une feuille de route qui fixe ses limites, et rogne sa future action. « Aux côtés de l’ensemble du gouvernement, engager une discussion républicaine avec les élus de la Corse. »

Sous l’ère Defferre, l’approche fut radicalement différente. Bastien Leccia, intronisé « Monsieur Corse », avait son bureau à la préfecture de région. Avec Joxe, ce fut Laurent Croce, qui remplit plus discrètement cette mission.

Renouer les fils d’un dialogue, redonner de la netteté et de la perspective dans un climat apaisé. Voilà l’enjeu. Peut-il être relevé par un membre du gouvernement, par essence et définition sous la tutelle de Matignon et à l’évidence de l’Élysée ?

Faute de grives…

Certes, ce facilitateur n’incarnerait pas le remède miracle. Pour autant, il devrait impérativement avoir deux préoccupations. D’abord être l’élément qui expose à Paris la philosophie d’une problématique générale. Ensuite ici, celui qui arrondit les angles entre le possible et le souhaitable. Une sorte de « gagnant-gagnant ». Et l’instauration d’une méthode de travail qui pourrait à l’évidence prévenir les éventuelles secousses, grâce à ce dialogue informel mais utile. Ainsi, l’actuel gouvernement pourrait bénéficier d’une source d’information claire, nette et précise. Sans qu’elle soit assombrie par un prisme déformant. Ou des contingences hiérarchiques. Le salutaire débat ? Ici nombreux l’appellent de leurs vœux. En espérant qu’un écho favorable leur parvienne des bords de la Seine. Faute de grives, on mange des merles. Alors bonne chance à Jacqueline Gourault.

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