Edito – novembre 2017

Le mercato électoral

Par Jean Poletti

Jamais sans doute le chemin des urnes n’a été aussi ardu à débroussailler pour l’électorat. Les fractures, dissensions et antagonismes qui traversent l’ensemble de l’échiquier politique laissent fréquemment le citoyen sans voix. Ce qui a la veille d’un scrutin ne manque pas de sel. Fut-il de Porto-Vecchio.

Dans cette cacophonie ambiante, les irréductibles adversaires deviennent les meilleurs amis du monde. Et les vieux compagnons de route se séparent au carrefour de la territoriale. Ici le mariage pour tous. Là divorce à l’italienne. Sur des autels fugaces et discrets on célébrait les messes de retrouvailles avec en requiem ce fameux sermon : l’union est un combat.

Dans ce clair-obscur, chaque bâtisseur de liste affirmait, main sur le cœur, agir au nom de l’intérêt général et supérieur de la Corse. Qui en douterait ? Seuls les esprits retors et autres Cassandre pourraient déceler d’autres motivations que celles qui allient noblesse et désintéressement face aux enjeux majeurs de notre communauté !

Dans un surprenant glissement sémantique, tels qui hier encore ne juraient que par la France une et indivisible découvrent brusquement quelque attrait a l’autonomie. D’autres, qui furent durant de longues années des adeptes de la décentralisation, se muent en Jacobins patentés. Tandis que des vieux compagnons de route du nationalisme plaident pour un Front républicain, qui ne dit pas son nom.

Nous n’aurons pas ici la cruauté de rappeler le panel de déclarations de certains, et leurs positionnements actuels. Mieux, plaidons en leur faveur en affirmant que seuls les imbéciles ne changent pas d’idée. Mais hasard du calendrier, ou opportunisme, chacun admettra aisément que ces changements de cap et de voilure interviennent à quelques encablures de l’escale électorale.

Ce grand Maelström, pour reprendre l’expression de Prosper Alfonsi, président de la première l’Assemblée régionale, annonce-t-il à terme une grande recomposition des forces politiques insulaires ? N’est-il qu’un feu de paille alimenté par des velléités personnelles ?

Point n’est besoin d’être grand clerc pour comprendre que pour certains ces alliances nouvelles dissimulent les prémices des batailles municipales. Et sauf à être un béotien patenté, qui ne porterait pas son regard vers Bastia, ou d’autres communes ?

On sait pertinemment que la politique s’apparente parfois au trafic ferroviaire. Un train peut souvent en cacher un autre. Et une candidature dissimuler la suivante.

Nul besoin de dessiner, fut-ce à grands traits, une galerie de portraits. La territoriale qui se profile s’accompagne d’un panel de transfuges, de ruptures et d’alliances. Dans une sorte de Comedia dell’arte, dont nous sommes si friands, une représentation se joue, fertile en rebondissements. Tenant certains spectateurs en haleine. Mais en détournant d’autres, se disant déçus par ces jeux de rôle.

Notre ile s’apprête à revêtir les habits de la collectivité unie. Parmi ceux qui aspirent à l’incarner certains   sont encore à recherche de leurs costumes. Quand ils ne retournent pas leurs vestes. Vous avez dit mercato ?

Economie, social, logement, précarité ? Oui bien sûr les programmes en cours d’élaboration vont à l’évidence les mettre en exergue. Mais actuellement l’enjeu des postulants semble de veine et de nature différente. A tort ou à raison, dans l’inconscient collectif, prévaut le sentiment que les motivations électoralistes s’affichent sur les hauts murs des nombreux défis qui encerclent la Corse. Aux candidats de tous bords de se hisser à la hauteur de l’enjeu et ainsi faire taire ce murmure populaire.

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