Laurent Lantieri, la vie en face

Une Chirurgie d’exception

Le chirurgien d’origine corse, pionnier de la greffe totale du visage, est mondialement reconnu pour ses opérations exceptionnelles. Une reconnaissance qui loin de le griser décuple son envie d’aller toujours plus loin pour améliorer la vie de ses patients.
Par Karine Casalta

PDC_55_Portrait L. Lantieri

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, parmi les souvenirs d’enfance qui le ramènent entre Ajaccio où ils passaient ses vacances et les États-Unis où il a vécu une partie de son adolescence, Laurent Lantieri, a toujours voulu être médecin. Mais c’est à l’occasion d’un stage à l’hôpital Boucicaut à Paris, durant sa quatrième année de médecine, qu’il découvre sa vocation pour la chirurgie reconstructrice. Il y rencontre alors le professeur Raymond Vilain, à la tête de SOS Mains, un service de médecine d’urgence spécialisé dans la réparation des mains qui lui révèle cette chirurgie de minutie qui va immédiatement le séduire et vers laquelle il décide de s’orienter.

Passionné par sa spécialité
Son cursus se conclut au début des années quatre-vingt-dix après un an d’études et de recherches aux USA où il se penche en particulier sur une technique de reconstruction mammaire innovante sans prothèse – DIEP – permettant d’éviter l’implantation d’un corps étranger pour un plus grand confort des patients à long terme. Un type d’opération qu’il pratique encore aujourd’hui très fréquemment.
C’est à son retour, que le chirurgien commence à envisager de réaliser une greffe partielle de visage jusque-là jamais réalisée. S’il n’en aura finalement pas la primauté, il réalisera néanmoins sa première greffe de la face en 2007.
En 2010, il sera le premier cette fois, au niveau mondial, à réaliser une greffe totale de la face sur un patient totalement défiguré par une neurofibromatose à qui il va rendre visage humain, et par là même lui permettre de retrouver le cours d’une vie normale. Un exploit largement salué par la communauté scientifique internationale. Une chirurgie de pointe développée grâce à un important travail théorique en amont «car c’est l’esprit qui guide la main» mais rendu aussi possible grâce aux collaborations scientifiques et aux échanges de connaissances, indispensables à ses yeux pour progresser et avancer dans son domaine. Mais si le chirurgien n’a de cesse de faire reculer les limites de sa spécialité, ce n’est pas tant pour être le premier que pour améliorer la vie des patients. « Il ne suffit pas de donner des années à la vie, il faut donner de la vie aux années. »

Guidé par l’empathie
Car sensible à la détresse de ceux-là même souvent durement touchés par la vie, l’objectif du chirurgien est de leur offrir des soins allant au-delà de ceux nécessaires à leur simple survie. « C’est une chirurgie de qualité de vie. Que ce soit la reconstruction des mains, des seins, du visage, tout ce que je fais est orienté pour redonner de la qualité de vie. » C’est à cela qu’il travaille, et il est fier de leur offrir, au-delà de la réparation physique, le pouvoir de se reconstruire en retrouvant une vie sociale.
« Malheureusement notre système de santé actuel est axé sur la quantité bien plus que sur la qualité. Les médecins sont assujettis à une notion de rentabilité qui n’a pas de sens. Ainsi par manque d’argent, il a été décidé de ne plus faire de médecine d’exception au profit d’une médecine low cost, et de laisser tomber les thérapeutiques innovantes, en oubliant qu’elles permettent aussi de faire avancer la médecine. Je suis persuadé que si on axait sur la qualité, on réduirait les coûts pour de meilleurs résultats!» Empêché pour ces raisons de pratiquer ses greffes en France, il est amené à réaliser ce type d’intervention à l’étranger, aux États-Unis notamment, grâce à des coopérations nouées avec les meilleures équipes du domaine et où ses qualités de chirurgien d’exception sont largement reconnues. Il a ainsi greffé il y a quelques mois, à Philadelphie, les deux mains à une patiente française de vingt-huit ans, amputée des quatre membres suite à une infection gynécologique, à qui l’opération avait été refusée en France. Une démarche pas toujours comprise et assimilée parfois par certains à un caprice d’ego démesuré. Mais que lui importe ! La reconnaissance de ses patients et la satisfaction des les voir à nouveau sourire à la vie compensent largement les controverses.

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